L’histoire de la bière et de la cervoise

La bière est une boisson alcoolisée obtenue par fermentation alcoolique d’un moût de produits végétaux amylacés tels que l’orge, le maïs, le riz, la banane, le manioc… Ce moût est obtenu à l’issue d’une étape importante de la fabrication de la bière, le brassage, opération à l’origine des vocables brasseur et brasserie. C’est la plus ancienne boisson alcoolisée connue au monde et la boisson la plus consommée après l’eau et le thé.

La bière actuelle (à partir du Moyen Âge) est généralement produite à partir d’eau, de malt d’orge (parfois additionnée d’autres céréales) et de houblon. Ce dernier, en particulier, apporte un parfum et de l’amertume à la bière et agit comme conservateur. Cette boisson est consommée à la pression, en bouteille ou en canette. La production de bière est réalisée industriellement ou artisanalement dans une brasserie, tout en étant possible par le particulier.

La consommation de bière est à l’origine de nombreux évènements festifs tels que la Fête de la bière, le Mondial de la bière, la Journée internationale de la bière.

L’histoire

L’histoire de la bière est intimement liée à celle de ses ingrédients, ainsi qu’aux avancées technologiques qui firent de cette boisson le breuvage que l’on connaît aujourd’hui. Certains anthropologues, botanistes et préhistoriens ont émis l’hypothèse que c’est la fabrication de la bière, et non du pain, qui a conditionné la culture et la domestication des céréales.

La fabrication de bière a utilisé d’abord des céréales sauvages bien avant de domestiquer les cultures vivrières et des débuts de l’agriculture. Des traces de brassage de bière à base de céréales (épeautre, orge, avoine) et de légumineuses sauvages sont en effet mises en évidence dans des mortiers sur un site natoufien, la grotte-cimetière Raqefet sur le mont Carmel en Israël. Il y a 13 000 ans est ainsi attesté l’utilisation de bière associée probablement à des rituels funéraires. La fabrication du pain a connu le même processus à la même période,

Les premières cultures de céréales, et notamment de l’orge et de l’épeautre (une variété de blé), ont été attestées en 8 000 av. J.-C. en Mésopotamie. Tous les ingrédients étant disponibles à partir de cette époque-là, la bière fabriquée à partir de céréales cultivées remonterait à 7 000 av. J.-C. (analyses chimiques de jarres par des équipes de bio-archéologie, recettes sur des tablettes en argile). Ainsi, le site archéologique de Jiahu en Chine atteste à cette époque de la fabrication et l’utilisation de bière à base de riz.

D’autres preuves d’existence de la bière à base d’orge remontent au IVᵉ millénaire av. J.-C. dans la province de Sumer. Le comptoir commercial de Godin Tepe a ainsi livré des résidus de bière d’orge chimiquement identifiés sur des tessons de céramique, attestant la fabrication de bière au Proche-Orient vers 3 400-3 000 av. J.-C.8.

Cependant, les preuves formelles de son existence, découvertes dans la province de Sumer, remontent au IVᵉ millénaire av. J.-C. À cette époque, la bière, alors appelée « sikaru » en akkadien (dont la traduction littérale est « pain liquide »), était à la base de l’alimentation quotidienne. On la fabriquait par cuisson de galettes à base d’épeautre et d’orge que l’on mettait à tremper dans de l’eau, afin de déclencher la fermentation nécessaire à la production d’alcool, et que l’on assaisonnait avec de la cannelle, du miel ou toutes autres épices en fonction des préférences des clients.

La bière, connue des peuples de Chaldée (maintenant Irak, Koweït) et d’Assyrie (Irak, Syrie, Liban, Palestine), devenue monnaie d’échange, commença sa dissémination.

De récentes découvertes en archéo-botanique ont mis en évidence que les Provençaux brassaient déjà leur bière en 500 av. J.-C. (orge carbonisée durant le processus de fabrication du malt sur un site de Roquepertuse).

Il est donc évident que différentes preuves archéologiques puissent subsister dans le temps : aire de battage des grains, cuves de germination, germoir, four, touraille, meule, moulin, cuves de cuisson, passoire, cuve de filtration, tonneaux, aire de stockage, ustensiles divers et variés, pichets, verres, mobilier, etc. Cependant, il n’est pas toujours aisé d’associer une découverte archéologique à la présence ou non d’une brasserie, du fait du manque possible de preuves, d’un contexte plus ou moins bien établi, de découvertes isolées. D’autant que certaines structures (fours ou meules) sont communes à d’autres activités artisanales.

Elle resta toutefois la boisson de choix des peuples du Nord, Celtes et Germains. La préférence pour le vin se confirma dans l’Europe chrétienne au début du Moyen Âge, notamment grâce au concile d’Aix-la-Chapelle de 816 qui encouragea les viticultures épiscopales et monastiques dans le but de célébrer l’eucharistie.

Il fallut attendre le VIIIᵉ siècle pour voir le brassage de la bière y reprendre de l’importance, en particulier en Bavière. Par la suite, aux environs du XIIᵉ siècle, certains monastères (par exemple en Alsace et en Bavière) se spécialisèrent dans le brassage de la bière, bue par la population à la place d’une eau souvent non potable.

La bière civilisation gréco-romaine

Consommée en famille et utilisée comme moyen de paiement à Babylone, boisson des dieux en Égypte (où on l’appelait heneqet), la bière devint dans la Grèce antique (Diodore de Sicile dit qu’elle fut inventée par Dionysos) et dans l’Empire romain celle du pauvre et le vin celle des dieux.

La civilisation gréco-romaine a privilégié le vin à la bière qui était considérée comme la boisson des Barbares du nord de l’Europe. La consommation du vin se développa parallèlement à celle de la bière dans les pays conquis par les Romains, la culture des matières premières de la bière s’implantant durablement au-delà des latitudes favorables à la viticulture, dans les régions aux précipitations idéales à la culture de l’orge et du houblon. C’est alors le temps de la cervoise (ou cervesia) appréciée des Celtes, entre autres les Gaulois (qu’ils appelaient korma), et le brassage reste une opération familiale généralement réalisée par la femme, comme en Mésopotamie.

Le conditionnement en amphores ou en tonneaux permettait de stocker la boisson.

Des découvertes archéologiques de récipients contenant des résidus de bière montrent que le brassage de la bière était également pratiqué dans les villes romaines des provinces du nord de l’Empire de Bretagne et de Germanie.

Contributions monastiques

La préférence pour le vin se confirma dans l’Europe chrétienne au début du Moyen Âge, notamment grâce au concile d’Aix-la-Chapelle de 816 qui encouragea les viticultures épiscopales et monastiques dans le but de célébrer l’eucharistie.

Sous son règne, Charlemagne favorise la viticulture, mais aussi la fabrication de la bière dont il accorde le premier privilège aux moines brasseurs dans une partie de son empire. La tradition monastique veut que les moines assurent le gîte et le couvert aux gens de passage.

À cette époque, les moines vont mener à bien de multiples expérimentations sur les techniques de fabrication et l’aromatisation de la bière et son utilisation, créant, par exemple, la bière à l’écorce de chêne ou la soupe de bière. Par la suite, aux environs du XIIᵉ siècle, certains monastères (par exemple en Alsace et en Bavière) se spécialisèrent dans le brassage de la bière, bue par la population à la place d’une eau souvent non potable.

C’est ainsi que Hildegarde de Bingen (1099-1179) découvrit les vertus aseptisantes et conservatrices du houblon (ainsi que son amertume) et les moines développèrent donc sa culture. C’est également à cette époque que la fermentation basse est inventée dans les monastères, toujours grâce au houblon aseptisant et aux multiples caves de ces lieux.

En plus d’assurer les besoins de la communauté monastique, les surplus de production permettaient de tirer des revenus supplémentaires. Le succès de la bière engendre la formation de diverses guildes. Ce corporatisme aura un certain poids dans la société de l’époque. Cependant, les moyens techniques de l’époque ne permettaient pas d’exporter la bière et c’est à la fin du XIIIᵉ siècle que l’on attribue à Gambrinus (ou Cambrinus) la diffusion de la bière hors d’Allemagne. C’est en 1260 qu’apparaît le premier brasseur de métier en Alsace, les moines partageant désormais leur savoir avec des brasseurs profanes. En 1268, Saint-Louis définit les premiers statuts de la Corporation de brasseurs de Paris, cette corporation prenant le nom de « Tribu des tonneliers » en Alsace.

Naissance officielle de la « bière »

Il faudra attendre la fin du Moyen Âge pour voir l’utilisation du houblon prendre de l’ampleur. Un édit en 1435 impose cette recette et le mot bière apparaît pour la première fois dans une ordonnance rendue le 1er avril 1435 par Jacques d’Estouville, prévôt de Paris, sous le règne de Charles VII, ordonnance qui réglemente le commerce des cervoises et où le mot bière apparaîtra pour la première fois. Le mot bière viendrait du néerlandais « bier » dérivant soit du latin vulgaire biber (« boisson »), soit du germanique beuza (« effervescence »). C’est à partir du XVᵉ siècle que la bière a supplanté la cervoise, d’origine gauloise.

Décret sur la pureté de la bière en Bavière

Le 23 avril 1516, le duc Guillaume IV de Bavière édicte la Reinheitsgebot, décret sur la pureté de la bière qui prescrit les standards dans la fabrication avec de l’eau de source uniquement et la commercialisation de la bière. Ce décret s’applique pourtant seulement sur la Bavière et reste inconnu ailleurs, jusqu’à 1906, l’année où il est adopté pour toute l’Allemagne. Sur niveau international, cette loi allemande de pureté ne sera importante que dans les années 1980, où des brasseurs français appellent à la Cour de Justice européenne en 1987. La cour juge et abolit alors le décret de pureté pour des bières importées en Allemagne.

Période contemporaine

La période contemporaine, en particulier le XIXᵉ siècle, a marqué un tournant décisif dans l’histoire de la bière.

La révolution industrielle apporta de nombreuses évolutions à la production de la bière. Jean-Louis Baudelot de Sedan inventa en 1856 un refroidisseur de moût grâce auquel on pourra désormais fabriquer de la bière toute l’année, Hansen identifia les levures, Watt construisit sa machine à vapeur.

En 1873, Louis Pasteur préconisa l’élévation de la température pour éliminer les germes indésirables contenus dans la bière (pasteurisation). Les travaux de Louis Pasteur ont largement contribué à la brasserie : compréhension des levures, de leur culture, améliorations des conditions d’hygiène (stérilité d’un moût de bière).

Et enfin, en 1870, Carl von Linde (1842-1934) inventa la machine frigorifique qui permettra l’expansion de la fermentation basse, jusqu’alors cantonnée à la Bavière depuis le XVᵉ siècle, à travers le monde. Les moulins à chevaux des grandes brasseries furent progressivement mécanisés. Le charbon, jusqu’alors réservé aux fours, fut employé pour faire tourner les machines à vapeur qui actionnaient les meules.

Outre la mécanisation et l’emploi de charbon, les innovations dans le domaine physico-chimique furent essentielles. Le thermomètre de Réaumur connut un essor remarquable au XVIIIᵉ siècle. Les températures d’infusion ou de cuisson devinrent plus précises que la simple estimation « à l’œil et au doigt ». L’hydromètre (ou densimètre) servait à mesurer la densité d’un liquide. Il fut désormais possible de connaître la densité du moût en sucre et d’évaluer sa teneur finale en alcool. De fait, il permit de savoir si une eau était riche en éléments solubles ou non. Cet outil, qui se base sur le principe d’Archimède, connut un regain d’intérêt au XVIIIᵉ siècle avec des nouvelles versions réalisées par Antoine Baumé ou Louis-Joseph Gay-Lussac.

La révolution micro-brassicole

Grace aux innovations du XIXᵉ siècle où la maîtrise de la fermentation basse grâce à la réfrigération et la pasteurisation permirent la production de nouvelles variétés de bière ainsi que leur exportation. Aujourd’hui, la bière jouit d’un succès mondial en tant que boisson désaltérante et de dégustation.

Par une combinaison de facteurs, dont la popularité croissante des bières étrangères et du brassage amateur, la révolution micro-brassicole prend forme partout dans le monde. Parfois simples passionnés de la bière, parfois habiles entrepreneurs flairant la naissance d’un nouveau marché, les micro-brasseurs ont contribué à la croissance de l’intérêt porté à la bière. On ne s’intéresse plus à la bière pour ses propriétés nutritives ou désaltérantes, mais pour son goût. Les expressions « bière de dégustation », « bière artisanale » et « bière de spécialité » naissent parmi d’autres. Avec la révolution micro-brassicole apparaissent les bistros-brasseries. Cette nouvelle disponibilité de saveurs et d’expériences fait naître des clubs et des associations. On intègre les notions de service de la bière à certaines écoles d’hôtellerie, les conférenciers et animateurs de dégustations sont de plus en plus nombreux, ainsi que les auteurs de livres sur cette boisson.

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