La montée des nationalistes de la fin du XIXᵉ siècle créé un véritable climat de tension accompagné de violences dans les régions pluri-ethniques de l’empire austro-hongrois comme la Bohême.
Dans la ville de Budweis (České Budějovice, alors partie de l’Autriche-Hongrie) un véritable fossé se creuse entre les habitants des communautés tchèques et germanophones, qui se fait sentir jusque dans la brasserie Budweiser Bürgerbräu fondée en 1795.
Soutenus par les hauts représentants de la bourgeoisie tchèque locale, des brasseurs et administrateurs tchèques (August Zátek, Karel Čertík, Antoním Effmert), mécontents de leurs situations au sein de la brasserie Budweiser Bürgerbräu dont la propriété et l’administration étaient principalement aux mains de citoyens germanophones, décident de fonder leur propre entreprise en 1895, la « Brasserie tchèque par action » (Český akciový pivovar) et qui deviendra par la suite la Budweiser Budvar (Budějovický Budvar).
La « Brasserie tchèque par action » (Český akciový pivovar) a commencé à brasser sa bière le 7 octobre 1895, sous la direction du maitre brasseur Antonín Holečka, qui après avoir réalisé plusieurs lots expérimentaux et très prometteurs, marqua le début de la brasserie.
Officiellement, cependant, selon des sources historiques, le démarrage complet de la brasserie elle-même remonte à 1896. Cette même année, sur un marché difficile et concurrentiel, elle reçut à Prague ses premiers prix lors de salon de producteurs alimentaires et de pharmaciens.
La société n’a commencé à brasser de la bière de haute qualité qu’en 1897 et était vendue dans les grandes villes de Prague, Vienne et Trieste. Toujours en 1897, la bière de la « brasserie par action » reçoit la médaille d’or lors de la foire gastronomique de Stuttgart.
En 1924, elle reçoit la médaille d’or lors de l’exposition internationale de Rome.
Début du conflit des Budweiser
À la fin du XIXᵉ siècle, Budweiser (comme Pilsner) était devenu une appellation commerciale populaire en Amérique, dont les droits d’utilisation fut contesté à partir de 1907 entre la « Brasserie tchèque par action » qui vendait sa bière depuis 1906 aux USA, à la société américaine Anheuser Busch qui venait d’être enregistré cette année-là, sa marque Budweiser aux États-Unis.
À la suite d’un long débat judiciaire, un accord a été conclu en 1911 entre les deux parties : la « Brasserie tchèque par action » reconnue, contre compensation, la validité de l’enregistrement américain et que la société « Anheuser Busch » ne vendrait ses produits que sur son continent d’origine sous la mention Budweiser.
La « Brasserie tchèque par action » n’a cependant pas renoncé à son droit d’identifier ses produits partout dans le monde avec le mot « Budweiser » et avec le qualificatif « original ».
Restaurant brasserie
Le 17 mai 1896, le « Restaurant brasserie » a été inauguré à České Budějovice. Ce fut un événement important qui a été couvert par le journal de Bohème le Budivoj dans son édition du jeudi 21 mai 1896. Bien que l’ouverture officielle était fixée au dimanche, la brasserie était déjà bondée toute la journée de samedi, le dimanche le flux de visiteur n’alla qu’en augmentant.
Le restaurant était décoré de façon élégante et disposait du confort moderne de l’époque dont l’éclairage électrique. Durant l’été de la même année, un café en plein air avec une grande piste de quilles a été ouvert. C’est à partir de cette date que la tradition des brasserie-restaurants est devenue le centre de la vie nationale tchèque.
Première Guerre mondiale et juste après-guerre
Avec la Première Guerre mondiale et les problèmes d’approvisionnement qui l’accompagnent, entraine une chute de la production, ce qui provoque une baisse de la qualité et une augmentation du prix de la bière.
Malgré la fin de la guerre et la création de l’État tchécoslovaque en 1918, n’a pas résolu pour autant tous les problèmes. La corporation des brasseurs tchèques fut décimée durant la guerre et ont affecté les brasseries pendant de nombreuses années après cette guerre. Sur les 90 brasseries qui existaient avant-guerre, seules 28 brasseries ont repris leur production en 1921. Les problèmes d’approvisionnement en matières premières, ayant continué d’empirer, ont conduit non seulement à une baisse significative de la production, mais aussi à une réduction des exportations.
Durant cette période, le mauvais état de la brasserie et de ses équipements deviennent notoires.
Entre deux guerres
À la fin des années 1920, la « Brasserie tchèque par action » brassait à nouveau tous les types de bières. L’assortiment se composait de bières claires et foncées à dix et treize degrés. À cette époque, la brasserie avait de nouvelles marques enregistrées, telles que Český budějovický granát v (1922), Český budějovický Crystal (1925).
En 1930, la marque Budvar a été enregistrée, en combinant deux mots Budějovická pivovar, pour sa bière blonde à 12 ° destinée à l’exportation. En 1934, elle dépose également son nom en langue allemande : Budbräu.
Le succès international la marque Budvar/ Budbräu, a amené le conseil d’administration de la société à intégrer ce nom dans la dénomination de la « Brasserie tchèque par action ». Ainsi, en 1936, le nom de la société devint : « Budvar-Český akciový pivovar, České Budějovice » « Budvar-Brasserie tchèque par action de Budweis ».
Le démembrement de la Tchécoslovaquie
À l’aube du second conflit mondiale, avec l’annexion par l’Allemagne de la région des Sudètes le 21 octobre 1938 et son protectorat sur la Bohême-Moravie 16 mars 1939, les deux brasseries Budweiser ont été contraintes de conclure un nouvel accord avec la société Anheuser-Busch sous la menace de confiscation de leurs marchandises aux États-Unis et se sont engagés à ne pas utiliser les marques Budweiser et Budweis ou autres marques dérivées pour la région du continent nord-américain et du Panama.
Bien qu’il y ait relativement suffisamment de matières premières, l’économie de guerre entraina la mise en vigueur d’une nouvelle législation : selon lequel les brasseries ne pouvaient brasser qu’à 9 ° pour les bières pression et à 11 ° pour la bière blonde en bouteille. Par la suite, un autre règlement vint réduire le degré de la bière à 7,3–8,3 °, et en 1945, le degré officiellement autorisé n’était plus que de 3,2 °.
Dans l’ensemble, pendant la Seconde Guerre mondiale, la qualité de la bière et les exportations ont diminué, même si la « Budvar-Brasserie tchèque par action de Budweis » avait exporté des volumes importants jusqu’en 1942. C’est à partir de cette année-là, qu’un administrateur du parti Nazi a été nommé à la tête de la société, et ce, jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Puis la brasserie a été intégrée à un réseau de brasseries du protectorat et l’exportation a été littéralement réduite à zéro.
L’après-guerre
Rapidement après la guerre et malgré la désorganisation des voies d’approvisionnement liée aux raids aériens de la seconde guerre mondiale dont les derniers eurent lieu les 23 et 24 mars 1945, et malgré l’usure considérable des installations, la brasserie a pu dépasser sa production de durant la guerre. Cependant, un obstacle majeur reste le manque de matières premières et de carburant. Peu à peu, le taux d’alcool de la bière a augmenté.
Les décrets Beneš, établis de 1940 à 1945 par le chef du gouvernement tchécoslovaque en exil puis en tant que chef du gouvernement provisoire d’après-guerre qu’Edvard Beneš et promulgué le 5 mars 1946 par ratification de l’Assemblée nationale provisoire dont les derniers d’avril 1945 au 26 octobre 1945 portent essentiellement sur : la nationalisation de l’industrie lourde, de la confiscation des biens et de l’expulsion des ressortissants des minorités nationales allemande et hongroise, des collaborateurs, des traîtres et de certaines organisations (dont l’Église catholique romaine qui voit alors ses biens nationalisés).
Les décrets dits Beneš et l’établissement d’un régime communiste ont considérablement affecté la gestion et le développement de la brasserie.
Le 13 septembre 1946, la « Budvar-Brasserie tchèque par action de Budweis » fut nationalisée (comme toutes les brasseries tchèques) et rebaptisée le 31 mai 1948 en « Brasseries tchèques de Budweis » (Českobudějovické pivovary, np) et n’a plus été en mesure de rivaliser avec l’américain Anheuser-Busch, bien qu’elle ait tenté en 1947 d’enregistrer de nouvelles marques aux États-Unis.
Plus de quarante années d’économie planifiée par l’État, qui privilégiait le développement de l’industrie lourde, furent dommageables à l’industrie brassicole dont la main d’œuvre était parmi les salaires les plus bas de toutes les professions de la république tchécoslovaque.
Exportation vers les pays frères
Après la nationalisation, la brasserie fut séparée du combinat qui regroupait les brasseries de Bohême du Sud au sein d’une entité autonome. L’idée était de créer une entreprise résolument tournée vers l’exportation d’une bière de grande qualité avec une identité forte. La première exportation réalisée fut vers l’Union soviétique en 1948 pour le 70ᵉ anniversaire de Joseph Staline et lui offrit une boîte spécialement préparée avec 18 bouteilles de 0,33 litre et six verres avec un décor artistique.
Mais, au lieu de concentrer les exportations sur les États occidentaux, sources de devises, elle s’est concentrée sur les États socialistes jusqu’à la seconde moitié des années 1960. Outre les pays socialistes, il était exporté vers des États neutres ou non-alignés.
L’exportation a été la principale raison de la reconstruction générale de la brasserie, qui a commencé en 1967 et devait s’achever en 1982. La modernisation de la brasserie a été prolongée et ne s’est pas achevée même à la fin de 1989.
Au fil des années, le volume des exportations de bière a augmenté de manière si importante qu’à la fin des années 80, les exportations représentaient 75 % de la production que la Budvar est devenue une denrée rare sur le marché intérieur.
Changement de gamme
De 1948 à 1989, il y a eu un changement important dans la gamme de la brasserie. L’assortiment initial se composait principalement de bière légère et de bière brune, qui ont cessé d’être brassées dans les années 1950 et 1960 en raison d’une baisse d’intérêt.
En 1959, sont introduits de nouvelles étiquettes avec un nouveau concept graphique toujours utilisées aujourd’hui.
À partir de 1967, les caisses en métal et en bois sont progressivement remplacées par des caisses en plastique. Entre 1961 et 1967, les tonneaux en bois furent remplacés par des tonneaux en aluminium. Ils cessèrent d’être utilisés en 1991, suite à leur remplacement progressif à partir 1984 par des tonneaux en acier inoxydable.
Bière en boite
En 1973, Budweiser Budvar a introduit une innovation : la bière en boite aluminium. La mise en boite était effectuée manuellement par des ouvriers qui dont la cadence moyenne était d’environ 100 à 120 boîtes par une heure. Avec des rendements aussi faibles et des problèmes techniques liés notamment au refroidissement de la bière pression et à la vérification du remplissage des canettes, la tentative d’emboitage de la bière dans les canettes se solda par un échec.
Par conséquent, la direction de la brasserie a décidé de coopérer avec la brasserie slovaque de la Zlatý Bažant (bière du faisan doré) à Hurbanov qui exploitait une ligne d’embouteillage automatique de canettes.
De l’entreprise d’État à l’entreprise nationale
Le 1ᵉʳ janvier 1967, l’entreprise d’État « pivovary Jihočeské » (Brasseries de Bohême du Sud) est officiellement créée. Elle est constituée à partir de l’unification de « Budvar-Český akciový pivovar, České Budějovice » (Budvar-Brasserie tchèque par action de Budweis) et de « Budějovický měšťanský pivovar » (Budweiser Bürgerbräu) devenue depuis 1960 « Pivovar Samson » (brasserie Samson). La nouvelle entité a repris la plupart de leurs marques déposées.
Le 28 novembre 1989, suite à la « Révolution de velours », évènement où le Parti communiste annonce qu’il abandonne sa mainmise sur le pouvoir politique et le processus de partition de la Tchécoslovaquie en deux états indépendants (processus qui prendra fin le 31 décembre 1992), abouti le 1ᵉʳ mars 1991, malgré un certain nombre d’irrégularités à faire passer « Budvar-Český akciový pivovar, České Budějovice » (Budvar-Brasserie tchèque par action de Budweis) et de « Budějovický měšťanský pivovar » (Budweiser Bürgerbräu) du statut d’entreprise d’État tchécoslovaque à celui d’entreprise nationale tchèque.
Au cours des années 90, au sein du conglomérat « Budweiser Budvar » a commencé à créer ses propres filiales. Les premières d’entre elles eurent lieu en 1997 en Allemagne et en Croatie, en 2001 en Grande-Bretagne et en 2012 en Slovaquie. Les exportations se sont étendues à divers marchés étrangers, ce qui s’est traduit par la croissance des capitaux propres de « Budweiser Budvar », qui est l’indicateur le plus significatif de la vigueur et de la stabilité économiques.
En 2002, la « Budweiser Budvar » a réussi à réintégrer les marchés américain et canadien après 62 ans d’absence. En raison des droits de marque d’Anheuser Busch aux États-Unis, la bière y est vendue sous la marque Czechvar.
En 2004, l’Union européenne a attribué à « Budweiser Budvar » le label d’Indication Géographique Protégée (IGP) en tant que produit traditionnel et régional.
En juillet 2010, la Cour de justice européenne a finalement statué qu’Anheuser-Busch ne pouvait pas faire protéger sa marque « Budweiser » dans l’UE, puisque la brasserie tchèque détenait les droits les plus anciens sur le nom et détenait déjà légalement les droits de marque dans certains pays de l’UE : Budweiser, Budvar et Budweiser Budvar sont des marques déposées en Allemagne, en République tchèque et en Autriche. En République tchèque même, la bière est connue sous le nom de Budvar.
En 2011, l’entreprise d’État « pivovary Jihočeské » (Brasseries de Bohême du Sud) est divisée en deux sociétés distinctes « Budweiser Budvar » et « Pivovar Samson » vendue à la société Harvestor. Bien que la marque « Budějovický měšťanský pivovar » (BMP) appartiennent aux deux sociétés, elle est vendue janvier 2012 à la société « Anheuser Busch » produisant la Budweiser américaine qui l’a renommée en 2014 Samson et a créé une bière millésime dénommée « Samson 1795 Original Czech Lager ».
Aujourd’hui, « Budweiser Budvar » est une entreprise publique tchèque. Cependant, malgré de nombreux démentis, il semble prévu depuis longtemps de transformer la société en société anonyme et de la privatiser.
La Pardál
En 2004, la brasserie « Budweiser Budvar » introduit pour le marché local une bière brune, qu’elle commercialise à partir de 2007 sous la marque Pardál. Vendue au début uniquement dans le sud de la Bohême, puis dans tout le pays, par la suite exporter à partir de 2013.
La Pardál se caractérise par un goût amer plein. Un mélange de houblon Žatec est utilisé pour la production. La couleur de la bière est ambrée en raison de l’association du malt bavarois et du caramel.
Restaurant-brasserie et pub
Depuis 1953, la « Budweiser Budvar » est servie dans de célèbres restaurant-brasseries comme le Masné krámy à České Budějovice (la ville de Budweis) ou dans le grand parc d’attractions Viennois dénommé le Prater. De tels établissements dédiés à la « Budweiser Budvar » se sont développé non seulement dans les villes tchèques, mais aussi à l’étranger.
Depuis 1998, « Budweiser Budvar » a développé de prestigieux bars Budvar, qui se caractérise par une décoration intérieure originale. En 2003, est créée la chaine de « Pub Budvarka » dont le premier s’est ouvert à l’hôtel Malý pivovar à České Budějovice (Budweis). Le concept de la chaîne de pubs s’adresse à tous ceux qui aiment l’ambiance agréable d’un pub à la fois traditionnel et moderne.
Litiges relatifs à la marque
Il existe des litiges avec la société américaine Anheuser-Busch depuis 1907 concernant l’utilisation de la marque Budweiser.
En juillet 2010, la Cour de justice européenne a finalement statué qu’Anheuser-Busch ne pouvait pas faire protéger sa marque « Budweiser » dans l’UE, car la brasserie tchèque détenait les droits les plus anciens sur le nom et détenait déjà légalement les droits de marque dans certains pays de l’UE.
À la suite de ces nombreux litiges, « Budweiser Budvar » est vendu en Amérique du Nord sous la marque « Czechvar » et « American Budweiser » sous le nom de « Bud » dans toute l’Union européenne, sauf au Royaume-Uni et en Irlande, où les deux produits sont vendus.
Entre 2000 et 2012, 173 litiges et procédures administratives ont été définitivement clos, dont « Budweiser Budvar » a remporté 120 affaires et 10 litiges se sont soldés par une conciliation ou un match nul. Grâce aux enregistrements des marques « BUDWEISER » ou « BUDWEISER BUDVAR », qui appartiennent à « Budweiser Budvar », la multinationale américaine ne peut pas utiliser sa marque phare « BUDWEISER » dans près de 70 pays.
En 2012, Anheuser-Busch a réussi un coup d’éclat en reprenant les droits d’exploitation de la marque « Budweiser Bürgerbräu » dont son propriétaire, Harvestor propriétaire de la « brasserie Samson » avait précédemment sous-traité la production. Bien que celle-ci soit la marque la plus ancienne exploitée en Tchéquie, c’est « Budweiser Budvar » qui détient les droits de marque qu’elle a déposé en premier. Toute fois, les deux marques revendiquent l’utilisation commerciale.
Au cours de son histoire, les nombreux changements de forme juridique de la société « Budweiser Budvar » pourrait rendre plus difficile sa position dans les litiges juridiques internationaux concernant la marque Budweiser avec Anheuser Busch, car la continuité de l’identité juridique de la société pourrait être remise en question.