Rarement houblonnée, elle est obtenue à partir d’orge ou d’autres céréales. Elle peut être parfumée avec des herbes aromatiques appelées le gruit.
Le gruit
Le gruit est un mélange ancestral de plantes qui servait à aromatiser la cervoise et la bière avant la généralisation de l’usage du houblon. Le mélange varie suivant les producteurs, mais on retrouve essentiellement :
- le piment royal ou myrte des marais ou myrique baumier (Myrica gale) ;
- l’achillée mille-feuille (Achillea millefolium) ;
- le lédon des marais ou lédum palustre (Rhododendron tomentosum).
À ces plantes, les brasseurs ont ajouté du gingembre, de l’anis, de la cannelle, de la cerise, du romarin, du miel ou encore des épices venant d’Orient. On recense une soixantaine de plantes dans tous les écrits des brasseurs.
Étymologie
En France, le mot cervoise est attesté en langue d’oïl dès 1175 sous la forme cerveisa au sens de « breuvage des anciens ». Il s’agit d’un mot du substrat gaulois emprunté par le latin impérial sous la forme cervesia (de Ceres vitis, la vigne de Cérès) et qui s’est diffusé dans plusieurs langues romanes, où la bière est encore appelée cerveza en espagnol ; cervesa en catalan et en occitan ; cerveja en portugais et cervexa en galicien.
La racine gauloise devait être du type ceruesia/keruisia qui n’a pas d’étymologie indo-européenne connue, ni d’équivalence en celtique insulaire (ile de Bretagne). En effet, le mot désignant la bière dans les langues celtiques est dérivé du radical kurmi- : vieil irlandais cuirm (génitif corma) ; gallois cwrf / cwrw; moyen cornique coruf / coref; néo-breton korev que l’on retrouve également dans une inscription en gaulois sous la forme CVRMI. D’un point de vue structurel, le mot cervesia peut se décomposer en *keru-is-iā, d’où *keruisia / cervesia en latin.
Cervoise et bière
Si la cervoise peut sembler être l’ancêtre de la bière, leurs origines sont identiques et leurs histoires se confondent jusqu’au XVᵉ siècle avant de se différencier avec la généralisation de l’utilisation du houblon. En France, c’est sous le règne de Charles VII, un édit de Jacques d’Estouville, prévôt de Paris, datant du 1er avril 1435 réglemente le commerce des cervoises et imposera la recette au houblon où le mot bière apparaîtra pour la première fois. Le mot bière viendrait du néerlandais « bier » dérivant soit du latin vulgaire biber (« boisson »), soit du germanique beuza (« effervescence »). C’est à partir du XVᵉ siècle que la bière a supplanté la cervoise, d’origine gauloise.
Consommation
Faisant partie intégrante de l’alimentation des peuples de l’Antiquité, sa popularité vient du fait (comme le vin) qu’elle présente moins de risques sanitaires que l’eau : les sucres étant extraits des céréales par cuisson ; l’eau potentiellement contaminée est stérilisée pendant le processus. L’aire de consommation de la cervoise se réduit à mesure que se répand la consommation du vin. Au XVᵉ siècle, en France, la cervoise est surtout la boisson du menu peuple du Nord et Nord-Est et des régions non viticoles.
Recréation
À travers la zone de développement de la bière et de la cervoise, de nombreux chercheurs et instituts de recherche s’intéressent à la recréation de recette antique voir plus ancienne, comme l’historienne et archéologue Merryn Dineley de l’Université de Manchester. Avec l’aide de son mari, brasseur, au début des années 2000, a recréé une recette de cervoise néolithique à partir de résidus trouvés dans les céramiques datant de cette époque.
Cervoise de Bibracte
En Bourgogne, le musée et centre archéologique de Bibracte a repris les travaux, d’Anne Flouest et Jean-Paul Romac, parus dans leur livre « La cuisine gauloise continue » et qui se sont appuyés sur l’expertise des archéo-botanistes et des archéo-zoologues, afin de reproduire plusieurs recettes de cervoise.
La cervoise de Bibracte est brassée par les Brasseurs du Sornin qui a ce jour ont produit plus de 30 000 litres de cette cervoise.
Cervoise de Samara
En Picardie, le parc archéologique de Samara, en collaboration avec Ludovic Moignet son Directeur et son équipe du Comité Scientifique, a élaboré une recette pour tenter de se rapprocher dans la composition au plus près de ce que faisaient les Gaulois.
La recette La base est la même que la bière, c’est-à-dire l’orge maltée. En revanche, il n’y a pas de houblon, mais 7 plantes existantes à Samara à l’état sauvage, qui vont apporter des arômes surprenants.
La cervoise de Samara est brassée par la Brasserie de la Somme à Domart en Ponthieu (Picardie).