Aujourd’hui, le ketchup est un condiment populaire, habituellement élaboré à partir de sauce tomate, de vinaigre et de sucre, mais à l’origine la recette initiale semble être une saumure de poisson de Chine méridionale proche du Nuoc-Mam que les colons britanniques auraient adapté en lui ajoutant des champignons, noix, concombres et huîtres qu’ils dénomment Catchup. Par la suite, d’autres ingrédients sont venus s’y ajouter comme la langoustine, le haricot nain, la canneberge, le citron ou le raisin. Ces derniers mélanges ont aujourd’hui perdu de leur intérêt.
Le terme Catchup parfois orthographié « catsup », a été utilisé en 1690 dans un dictionnaire d’argot anglais, le citant comme une sauce d’origine indienne, puis remplacé par le mot Ketchup, apparu en 1711. Il serait un emprunt au malais kichap, lui-même venant du chinois (min méridional) kê-chiap (« saumure de poisson »).
Une théorie voudrait voir l’origine du terme ketchup dans le mot « escabèche » qui proviendrait du catalan escabetx ou du vieux français escaveche, lui-même issu via l’arabe du persan sikbâj, signifiant « ragoût au vinaigre ». L’escabèche étant une marinade à base d’huile et de vinaigre. Le terme ayant été anglicisé en caveach, un mot d’abord attesté à la fin du XVIIe siècle, en même temps que le mot ketchup.
Si l’orthographe de Ketchup semble dominante à travers le monde, catchup est encore utilisé dans certains États du sud des États-Unis et au Mexique.
Le ketchup de champignons
Les colons britanniques rapportèrent la recette du Catchup au Royaume-Uni et dès le XVIIIᵉ siècle des recettes de Catchup (également orthographié « catsup ») ont commencé à apparaître dans les livres de cuisine britannique et américain.
Dans un livre de cuisine de Londres en 1742, la sauce de poisson avait déjà pris une saveur très britannique, avec l’ajout d’échalotes et de champignons.
Aux États-Unis, les premières traces de ketchup aux champignons remontent au moins à 1770. Un livre de cuisine manuscrit de Charleston, en Caroline du Sud, écrit en 1770 par Harriott Pinckney Horry, mentionne l’existence d’un ketchup aux champignons utilisant deux blancs d’œufs pour clarifier le mélange.
Le ketchup était préparé traditionnellement au Royaume-Uni avec pour principaux ingrédients, les champignons et le sel. Il était utilisé en tant que condiment ou comme ingrédient dans la préparation d’autres sauces, telle que la « quin sauce ».
Au Royaume-Uni, le terme catsup peut désigner un ketchup de champignons comme à l’instar la marque : Crosse and Blackswell’s Mushroom Catsup créée en 1706.
Plusieurs marques de ketchup de champignons ont été commercialisées au Royaume-Uni, dont certaines ont exporté leurs produits aux États-Unis comme Geo Watkins, ce qui créa une concurrence avec les ketchups manufacturés américains par la H. J. Heinz Company.
Fondée en 1830, la firme Geo Watkins continue aujourd’hui à produire du ketchup aux champignons et de la sauce aux anchois destinés principalement au marché britannique.
Le ketchup préparé se présente sous forme liquide et a une couleur brun foncé. De nos jours, les préparations de Geo Watkins utilisent de la poudre de champignons comme ingrédient principal.
Le Tomato ketchup
Depuis le XVIIᵉ siècle, de nombreuses recettes de ketchup ont émergé, mais la version à base de tomates n’est apparue qu’au début du XIXᵉ siècle. Une recette de 1817 dénommée « Tomata Catsup » a encore les anchois qui trahissent son origine, mais au milieu des années 1850, les anchois disparaissent de la liste.
Au cours du XIXᵉ siècle, le Ketchup gagne en popularité aux États-Unis, les habitants étant semble-t-il moins réticents à manger des tomates dans le cadre d’un produit hautement transformé attendu que ces dernières étaient cuites et infusées avec du vinaigre et des épices.
Initialement aux États-Unis, le Tomato ketchup était vendu localement par les agriculteurs, mais c’est Jonas Yerkes qui fut le premier à le vendre dans une bouteille. En 1837, il avait produit et distribué ce condiment à l’échelle nationale.
Peu de temps après, d’autres entreprises lui ont emboîté le pas, dont celle fondée par Henri John Heinz qui eut l’idée en 1876 d’ajouter du sucre pour adoucir le goût de son Tomato ketchup et d’en améliorer la conservation. La présence de vinaigre et de beaucoup de sucre rend normalement inutile l’utilisation de conservateurs additionnels. Le ketchup moderne était né.
Ainsi, le ké-tsiap indonésien, sauce piquante à base de saumure de poisson rapportée par des marins britanniques de Singapour au XVIIᵉ siècle, serait devenu le Tomato ketchup occidental.
Aujourd’hui le marché du ketchup se divise en 2 catégories de qualité différente :
- Les ketchups « conventionnels », réalisés à partir de concentré de tomate de type « hot break » : ils ne contiennent pas d’agents texturants autres que le concentré de tomate lui-même. La marque la plus connue de ce type de ketchup est « Heinz ». Pour obtenir une texture onctueuse et lisse, les fabricants introduisent une étape d’homogénéisation à chaud, qui suit l’étape de pasteurisation.
- Les ketchups « texturés », réalisés à partir de concentré de tomate de type « cold break » (de goût de tomate plus intense, mais de viscosité plus faible) auquel on ajoute des texturants divers (amidon modifié, guar, xanthane, caroube).
Ketchup Heinz
Le fondateur, Henri John Heinz, a commencé à emballer des denrées alimentaires à petite échelle à Sharpsburg (Pennsylvanie) et commença en 1869 par la commercialisation de raifort. En 1876, il fonde avec son frère John et son cousin Frederick la Heinz F & J Company dont il rachète les parts en 1888 à ses deux associés et réorganise la compagnie sous le nom de H. J. Heinz Company.
En 1876, il lance un nouveau « Tomato ketchup » où il ajoute du sucre à la tomate et au vinaigre pour en adoucir le goût et augmenter la conservation.
Le succès est rapidement au rendez-vous et le produit s’exporte dès 1886 à Londres puis dans les pays anglo-saxons (Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud et dans les empires coloniaux britanniques et néerlandais) et au Japon.
En 1889, John Heinz a l’idée de présenter le produit dans une bouteille en verre octogonale et transparente pour montrer « la qualité et la fraicheur du produit ».
En 1907, 12 millions de bouteilles sont produites par an. En 1919, à la mort du fondateur, l’entreprise compte plus de vingt usines.
Le ketchup Heinz arrive en France en 1944 à la suite du débarquement allié et se popularise en Europe pendant la décennie suivante. De nos jours, 650 millions de bouteilles sont vendues chaque année, dont 26 millions en France. Homologué par la Nasa, le ketchup Heinz est présent à bord de la Station spatiale internationale.
Comme le Coca-Cola ou le hamburger, le ketchup Heinz fait partie de l’imaginaire de l’American way of life.
Le mystère du chiffre 57
Figure sur les bouteilles de Tomato ketchup Heinz le chiffre 57. Il semblerait que ce chiffre 57 provient de la première campagne marketing imaginée par le fondateur. Il est censé représenter les 57 variétés de sauce que sa compagnie produisait. Le hic, c’est que même à l’époque, la compagnie avait déjà imaginé plus de 60 variantes de son produit phare… Cependant, Heinz a également dit que le nombre « 7 » avait été choisi spécifiquement en raison de « l’influence psychologique de ce chiffre ». Finalement, on suppose que c’est une sorte de « nombre chance » retenu par Henry Heinz (Le 5 étant son chiffre fétiche, et le 7 celui de sa femme).
Autre particularité à savoir, comme ketchup a une forte viscosité, la distribution à partir de bouteilles en verre peut être difficile. En tapotant la bouteille en verre à l’endroit où est apposé ce chiffre permet de faire couler le ketchup plus vite.
Les autres ketchups
Le Ketchup au Curry
Le Ketchup au Curry est une variante épicée du tomato ketchup consommée principalement en Allemagne, au Danemark, aux Pays-Bas, en Belgique et dans le nord de la France.
Il est généralement servi sur des viandes préparées telles que la fricadelle (ou fricandelle) ou sur les frites. En Allemagne, il est à la base du plat de la Currywurst (saucisse grillée ou cuite à l’eau, entière ou en rondelles, accompagnée d’une sauce tomate et de curry en poudre ou d’un ketchup au curry).
Le Ketchup aux fruits
Le Ketchup aux fruits est composé principalement de fruits comme les pommes, les poires, les pêches, les groseilles, les raisins, les canneberges, les cerises et les prunes, entre autres, mais peut aussi se réaliser avec des fruits tropicaux comme les mangues, goyaves, bananes, ananas, papayes…
Le ketchup de bananes
Le ketchup de bananes ou sauce de bananes est un condiment populaire philippin préparé à partir de bananes pilées, de sucre, de vinaigre et d’épices. Il est naturellement jaune-brun, mais il est souvent coloré en rouge pour ressembler au ketchup ordinaire de tomates. La production de ketchup de bananes a commencé lors de la Seconde Guerre mondiale, alors qu’il y avait une pénurie de ketchup de tomates, à cause d’un manque de tomates et d’une production relativement élevée de bananes en comparaison.
Dans les foyers philippins, ce condiment est utilisé sur à peu près tous les plats, les omelettes (torta), les hot-dogs, les hamburgers, les frites, le poisson, le porc grillé au barbecue, les brochettes de poulet et les autres mets. Le ketchup de bananes est aussi un ingrédient indispensable et particulier de la sauce bolognaise à la philippine, qui est plus sucrée que la sauce bolognaise traditionnelle italienne. Il est exporté dans les pays où l’on trouve des communautés de Philippins importantes. On crédite l’invention de la recette du ketchup de bananes à Maria Orosa (1893-1945), une spécialiste en alimention et Magdalo V. Francisco Sr., fondateur de la marque Mafran, la première production en série en 1942.
Le ketchup comme légume
La polémique du « ketchup comme légume » fait référence à une directive de l’Administration pour les produits alimentaires et médicamenteux (FDA) du Département de l’Agriculture des États-Unis (USDA), au début de la présidence de Ronald Reagan, qui aurait fait passer le ketchup et le relish du statut de condiment à celui de légume, permettant ainsi aux écoles publiques de retirer une portion de légumes frais ou cuits tout en respectant les exigences nutritionnelles des menus scolaires.
Pour le budget de l’année 1982, l’administration Reagan proposa de réduire les dépenses de 57 milliards de dollars, dont 27 milliards en diminuant le financement des programmes sociaux. Une fois voté, le budget Gramm-Latta (présenté par les parlementaires Phil Gramm et Delbert Latta) réduisit de 1 milliard de dollars les fonds affectés à la restauration scolaire et chargea l’USDA de trouver une solution pour respecter les exigences nutritionnelles malgré cette baisse9. Le 3 septembre 1981, le Secrétaire à l’agriculture proposa de classifier le ketchup et le relish en tant que légumes afin de réaliser des économies sur les menus des cantines.
La proposition provoqua un tollé chez les nutritionnistes et les démocrates. Leur réaction fut d’autant plus vive que le jour de l’annonce de cette mesure, la Maison Blanche dépensa 209 508 dollars pour acheter de la porcelaine et des services de table frappés du sceau présidentiel incrusté d’or. Médias et commentateurs dénoncèrent une démonstration d’avarice et d’indifférence. L’administration rétorqua que l’objectif était de résoudre le problème du « gaspillage dans les assiettes » en ne servant que ce que les écoliers seraient prêts à manger.
Le magazine Newsweek illustra un article sur la directive en question par une image présentant une bouteille de ketchup sur laquelle était inscrite « maintenant un légume ». Face à ces réactions, la politique de l’administration Reagan ne fut jamais appliquée.
En 2011,un événement similaire eu lieu, quand le Congrès américain a voté une loi interdisant à l’USDA (United States Department of Agriculture) de modifier ses recommandations nutritionnelles pour l’élaboration des menus de cantine. Les changements proposés par l’USDA auraient entre autres limité la quantité de pommes de terre (et donc de frites) servie par semaine, exigé plus de légumes verts et considéré le concentré de tomates comme une portion de légumes à partir d’une demi-tasse, contrairement à la dose actuelle de 2 cuillères à soupe. La tomate des pizzas est donc toujours considérée comme un légume dans les menus scolaires. Ce choix a suscité de nombreuses moqueries, les journaux titrant que le Congrès considérait la pizza comme un légume. Il fut également sévèrement critiqué en raison des pressions exercées par des groupes agro-alimentaires tels que ConAgra, perçues comme un coup dur contre les efforts réalisés pour rendre les menus scolaires plus sains.