Différence entre quiche, tarte et tourte ?

La quiche est généralement salée. La pâte est soit feuilletée, soit brisée. La garniture se compose généralement de lardons, fromage, champignons, poireaux, légumes, sel et poivre… C’est la préparation appelée « migaine » en Lorraine (à base d’œufs, de lait, de farine, souvent avec du beurre) qui recouvre la garniture qui fera que c’est une quiche.

La tarte peut tout à fait être salée, mais habituellement, la tarte est sucrée. La pâte peut être de 3 type : brisée, sablée, ou feuilletée, mais n’est qu’un support qui viendra supporter la garniture : crème pâtissière, fruits frais, ou tout autre ingrédient. À la différence des quiches où la préparation (migaine) prend le dessus, ici ce sont les légumes et fruits qui seront en plus grosses quantités.

La tourte est traditionnellement salée bien que l’on trouve des recettes sucrées. La pâte est brisée (surtout pour du salé) ou sablée (car le feuilletage de la pâte risque de ne pas cuire sous la masse d’éléments présents dans la tourte). Contrairement à la quiche et à la tarte, la garniture l’emporte sur le reste. La tourte est toujours constituée de deux ronds de pâte entre lesquels on retrouve une garniture fournie, assez épaisse et par conséquent fermée. Aux États-Unis, on la trouve notamment sous la dénomination d’ « apple american pie ».

La tarte

Une tarte (pour plusieurs convives) ou tartelette (déclinaison réduite pour un seul consommateur) est une spécialité culinaire, constituée d’une pâte servant de support à une garniture qui peut être sucrée ou salée.

Les tartes sucrées sont servies froides ou tièdes, le plus souvent en dessert. La garniture peut être composée de fruits, frais ou secs, qui sont placés entiers, en compote, coupés en morceaux ou en rondelles, agrémentés de chocolat, de crème, de chantilly, etc.

Les tartes salées sont servies en entrée ou en plat principal, chaudes ou tièdes. La garniture est composée de légumes, de viande, de poisson ou de fromage.

Histoire

La tarte (XIIIᵉ siècle) est une variante de tourte, du latin torta, ellipse de torta panis (« pain rond »).

Bien qu’attestée au XIIᵉ siècle, le mot « tarte » (prononcé [taʀt]), son étymologie est incertaine : il s’agit probablement d’une variante de « tourte », du latin torta « gâteau rond », passé dans le latin médiéval torta, tarta, turta ou tourta, ellipse de torta panis (« pain rond »).

Bien que la tradition européenne de la pâtisserie remonte à l’Antiquité, à l’époque où les pâtes brisées et feuilletées qui étaient utilisées dans toute la Méditerranée, on pense que l’origine de nos tartes modernes serait plus tôt médiévale et d’inspiration d’Europe du Nord.

À l’origine salés, avec des garnitures à la viande, les goûts culinaires ont conduit les tartes sucrées à prévaloir, remplissant plutôt les tartes avec des fruits et de la crème anglaise.

La crostata italienne

Une des premières recettes de tartes connue est la crostata, tarte cuite italienne, également connue sous le nom de coppi à Naples et de sfogliata en Lombardie. La première utilisation connue de la crostata dans son sens moderne remonte aux livres de cuisine Libro de Arte Coquinaria (Livre de l’art de la cuisine) de Martino da Como, publié vers 1465, et Cuoco napolitano (Cuisinier napolitain), publié à la fin du XVe siècle, contenant une recette (numéro 94) intitulée Crostata de Caso, Pane, etc.

La croustade

La croustade est très répandue dans la cuisine médiévale occitane et catalane. C’est une préparation pâtissière qui, dès l’origine, est réalisée en pâte feuilletée ou brisée. Celle-ci est travaillée pour former une timbale, ce réceptacle pouvant recevoir différentes garnitures. Celles-ci allaient de fruits frais ou cuits (pommes, poires, myrtilles, petits fruits rouges, etc.) suivant la saison, parfois trempés dans une liqueur ou un alcool du cru.

En ville, la cuisine bourgeoise garnit les croustades de viandes émincées en sauce, en y ajoutant pour les tables nobles des truffes ou du foie gras. Il est à noter que dans les zones de montagnes (Pyrénées, Alpes), la croustade était remplie avec du fromage, de la confiture et du miel. Suivant sa garniture salée ou sucrée, ainsi que la saison, la croustade pouvait être consommée chaude ou froide.

Pour le pâtissier et un chef français Marie-Antoine Carême(1784 – 1833), la croustade est un contenant consommable à base de mie de pain mise en forme et recuite au four, destiné à accueillir toutes sortes de préparations. Il les distingue des vol-au-vent faits à partir de pâte feuilletée, des casseroles au riz, faites de riz recuit après mise en forme, et des autres pâtés ou tourtes.

La tarte tatin ou tarte à l’envers

Selon une légende connue qui s’avère en partie vraie, la « tarte Tatin » aurait été accidentellement créée par les sœurs Tatin, propriétaires d’un hôtel-restaurant à Lamotte-Beuvron. Une des sœurs, en voulant réaliser une tarte aux pommes, aurait oublié de mettre la pâte et l’aurait rajoutée par-dessus au cours de la cuisson. Une autre version de la légende raconte que Stéphanie Tatin l’aurait renversée à la sortie du four et ramassée pour la servir par la suite à l’envers.

En fait, cette tarte renversée aux pommes, devenue tarte Tatin, est en réalité le dérivé d’une vieille spécialité solognote aux pommes ou aux poires. Elle existait depuis fort longtemps, et la recette se transmettait de mère en fille. Elle a ensuite été popularisée par les sœurs Tatin dans leur hôtel-restaurant, à la fin du XIXᵉ.

Elle fut plus tard servie au restaurant Maxim’s à Paris où elle demeure une spécialité. La légende raconte que le chef du Maxim’s en personne serait venu espionner dans les cuisines de l’hôtel-restaurant des sœurs tatin pour « voler » la recette.

La tourte

Une tourte est un plat à base de viande ou de légumes, cuits et servis dans une enveloppe de pâte à tarte, ou encore une tarte sucrée recouverte d’une abaisse (pâte aplatie). La tourte constitue, à l’instar des galettes, un plat de base dans de multiples régions et sous diverses formes, elle connaît un grand nombre de spécialités, et d’appellations, selon les terroirs.

Caractéristiques

L’enveloppe est une boîte ronde avec un couvercle, le tout fait de pâte brisée ou feuilletée, selon les spécialités et les terroirs. La tourte est cuite au four. La garniture est ainsi cuite à l’étouffée. Selon les recettes, pour permettre l’évacuation de l’excès de vapeur en cours de cuisson, le haut du couvercle est percé d’une cheminée.

Version salée

Si la recette comporte de la viande, celle-ci peut être de porc, de veau, de bœuf, de gibier ou de volaille. Cette charcuterie pâtissière peut également être lardée, fumée, confite ou non. Elle est coupée en morceaux, hachée ou émiettée, et, en principe, accompagnée de légumes, d’ail, de persil et/ou de pommes de terre. Du poisson peut pareillement être utilisé.

Version sucrée

La garniture la plus répandue est composée de pommes, mais n’importe quel fruit peut être utilisé (cassis, poires, pêches, etc.).

Histoire

On trouve de la tourte à la viande au Néolithique, vers 9 500 avant J.-C. La plus ancienne recette connue de tourte se trouve dans le Liber de coquina du XIIIᵉ siècle, la torta parmigiana, et comporte au moins six étages de différents ingrédients. Elle descend en droite ligne du pisam fasilem d’Apicius, un pâté en terrine où se superposent grives, saucisses, jambons ou pois.

Antiquité

Les premières tourtes se présentaient sous la forme de gâteaux croûtés plats, ronds ou de forme libre, appelés galettes, constitués d’une croûte d’avoine, de blé, de seigle ou d’orge moulus contenant du miel et cuites sur des charbons ardents. Ces galettes sont devenues une forme de pâtisserie sucrée ou de dessert, dont on trouve des traces sur les murs de la tombe du pharaon Ramsès II. Quelque temps avant 2000 avant J.-C., une recette de tourte au poulet a été écrite sur une tablette à Sumer.

Les Grecs utilisaient une pâte à base de farine et d’eau ressemblant à une pâte à tarte et la remplissaient de viande. Ces tartes étaient généralement frites ou cuites sous des charbons. Dans les pièces d’Aristophane (Vᵉ siècle av. J.-C.), il est fait mention de sucreries, notamment de petites pâtisseries fourrées aux fruits. On ne sait rien de la pâte utilisée, mais les Grecs ont certainement reconnu le métier de pâtissier comme distinct de celui de boulanger (lorsque de la graisse est ajoutée à une pâte farine-eau, elle devient une pâtisserie).

Les Romains fabriquaient une pâte ordinaire pour la croûte à base de farine, d’huile et d’eau pour couvrir la garniture qui pouvait être de la viande, de la volaille, des huîtres, des moules, des lamproies ou des poissons. Elles étaient cuites au four, ce qui permettait de conserver les jus de cuisson. Cette couverture « pâtissière » n’était pas destinée à être mangée et était jetée. Cette manière de faire est probablement à l’origine des pâtés en croûte médiévaux.

La première référence écrite à une tourte romaine concerne une pâte de seigle qui était remplie d’un mélange de fromage de chèvre et de miel. Le livre de cuisine romain du Ier siècle, Apicius, mentionne à plusieurs reprises des recettes impliquant un moule à tarte.

En 160 avant J.-C., l’homme d’État romain Marcus Porcius Cato dit Caton l’ancien (234-149 avant J.-C.), qui a écrit De agri cultura, note la recette de la tourte/gâteau la plus populaire appelée placenta. Également appelé libum par les Romains, ce gâteau ressemblait davantage à un gâteau au fromage moderne sur une base de pâte, souvent utilisé comme offrande aux dieux. Avec le développement de l’Empire romain et l’efficacité de ses transports routiers, la cuisine des tourtes s’est répandue dans toute l’Europe. Les riches Romains combinaient de nombreux types de viandes dans leurs tourtes, y compris des moules et d’autres fruits de mer. Les pâtissiers romains utilisaient généralement des huiles végétales, comme l’huile d’olive, pour fabriquer leur pâte.

Les tourtes sont restées un aliment de base pour les voyageurs et les travailleurs des pays plus froids d’Europe du Nord, avec des variations régionales basées sur les viandes disponibles localement, ainsi que sur les cultures céréalières locales. Dans ces pays plus froids, le beurre et le saindoux étaient les principales matières grasses utilisées, ce qui signifiait que les cuisiniers créaient des pâtes qui pouvaient être roulées à plat et moulées en différentes formes.

Moyen Âge

À l’époque médiévale, les tourtes étaient habituellement des tourtes salées à la viande faites avec « […] du bœuf, de l’agneau, du canard sauvage, du pigeon — épicées avec du poivre, des groseilles ou des dattes ». Les cuisiniers médiévaux n’avaient qu’un accès limité aux fours en raison de leur coût de construction et de la nécessité de disposer d’un approvisionnement abondant en combustible. C’est pour cette raison que la plupart des cuisiniers cuisaient leurs tourtes à feu ouvert.

Pour remédier à ce problème, les cuisiniers, les oubloyers (oublieurs) fabriquant d’oublies (pâtisserie cuite entre deux fers comme les gaufres) et plus tard les pâtissiers, en s’associant à un boulanger, le cuisinier pouvait se concentrer sur la préparation de la garniture.

En Europe du Nord, les cuisiniers créaient la pâte en utilisant des graisses comme le saindoux et le beurre pour obtenir une pâte rigide permettant de tenir une tarte debout. Ces plats de pâtisserie médiévaux étaient appelés coffins, coffyns ou couffin, ce qui signifie un panier ou une boîte (pour désigner la croûte), avec des côtés droits et fermés et un dessus. La pâte durcie qui en résultait n’était pas nécessairement consommée, sa fonction étant de contenir la garniture pour la cuisson et de la conserver. Ces croûtes avaient souvent plusieurs centimètres d’épaisseur pour résister à de nombreuses heures de cuisson. C’est peut-être aussi la raison pour laquelle les premières recettes mettent l’accent sur la garniture plutôt que sur la croûte qui l’entoure, ce qui a conduit à l’utilisation de croûtes à tourte en faïences réutilisables qui réduisaient l’utilisation de farine coûteuse. Les croûtes à tourtes médiévales étaient souvent cuites en premier, pour créer un pot de pâte cuite avec une croûte supérieure amovible, d’où le nom de « tarte au pot ».

La première référence sans équivoque à la tourte dans une source écrite remonte au XIVᵉ siècle. La consommation de tourtes maigres pendant les périodes de fête est une tradition qui remonte au XIIIᵉ siècle, lorsque les croisés de retour au pays ont apporté des recettes de tourtes contenant « des viandes, des fruits et des épices ». Certaines tourtes contenaient des lapins, des grenouilles, des corbeaux et des pigeons cuits. En 1390, le livre de cuisine anglais A Forme of Cury contenait une recette de « tourtes de chair », qui comprenait un mélange haché de « porc, d’œufs durs et de fromage » mélangé à des « épices, du safran et du sucre de canne ».

Au XIVᵉ siècle, le chef français Taillevent demandait aux boulangers de « créneler » les fonds de tourte et de les « renforcer pour qu’ils puissent supporter la viande » ; l’une de ses tourtes était suffisamment haute pour ressembler à la maquette d’un château, une illusion renforcée par des bannières miniatures pour les nobles présents à l’événement.

L’Angleterre médiévale avait une première forme de tartes sucrées, mais elles étaient appelées tartes et les tartes aux fruits n’étaient pas sucrées, parce que le sucre était un « symbole de richesse » rare et coûteux. Au Moyen Âge, une tarte pouvait avoir un certain nombre d’éléments comme garniture, mais une pâtisserie n’avait qu’une seule garniture.

L’époque moderne

Jusqu’au début du XVᵉ siècle, les tourtes devaient contenir de la viande ou du poisson. Au XVᵉ siècle, des recettes de tourtes à la crème et aux fruits ont commencé à apparaître, souvent avec des fruits secs comme des dattes et des raisins secs (l’utilisation de fruits frais ne s’est généralisée qu’avec la chute du prix du sucre au XVIᵉ siècle). La première tarte aux fruits est mentionnée à la fin du XVIᵉ siècle, lorsque l’on a servi une tarte aux cerises à la reine Élisabeth Ire.

Les Français et les Italiens se sont spécialisés dans la fabrication de la pâte de la tourte, la rendant plus feuilletée et plus savoureuse par de nouvelles méthodes d’ajout de beurre, de laminage et de pliage de la pâte. En 1440, la guilde des pâtissiers de Paris a été reconnue et a commencé à développer son produit, et c’est ainsi que l’on a commencé à utiliser quelque chose qui ressemble à la croûte actuelle.

La quiche

La quiche est une tarte salée garnie, à base d’œufs battus et de crème. Elle connaît diverses variantes depuis le Moyen Âge. La quiche lorraine, elle-même sujette à une diversité locale, devient, au XIXᵉ siècle, une spécialité de la cuisine française. Puis, elle se mondialise au cours du XXᵉ siècle, gagnant davantage encore en diversité et en créativité.

Le mot Quiche dérive de Küchele (Kichele, yiddish, Kichel gâteau), mot attesté en alsacien. En Suisse, Chueche/Chüechli est une tarte (Wähe) glacée à l’œuf et à la crème, salée ou sucrée, à Bern, Fribourg, Lucerne, l’Unterwald, Uri, et dans le Valais. Kuchen en allemand et Kuche en alsacien (tarte, gâteau). Le franconien-lorrain Kichel ou Kuechel, aurait donné Kiche vers 1845. On parle aussi de galette lorraine, de féouce ; Jules Gouffé écrit kiche.

Les origines

Une spécialité ancienne

Historiquement, les quiches et les échaudés (galette médiévale de pâte levée cuite à l’eau bouillante) sont de simples galettes populaires, admises les jours maigres et fabriquées par les boulangers (et non les pâtissiers).

Il existe, de longue date, dans les pays germanophones, des quiches locales qui laissent penser que l’origine de ces tartes recouvre une vaste zone d’Europe centrale :

  • Speckkuchen (populaire gâteau au lard sur pâte à la farine de seigle) de Hesse vendu par les boulangers, attesté en 1653 à Weimar et qui connaît des versions au poireau et à l’oignon ;
  • Hitzblotz bavarois à la crème sur pâte à pain à la farine de seigle14 ;
  • Specktorte de Sarrebrück à la viande séchée, dont des recettes datent de 1731 et 1799 et dont il existait des versions sucrées, par exemple à Brunswick, en Basse-Saxe (Speck, persil, raisin de Corinthe et sucre).
  • Die Lothringer Specktorte (la quiche lorraine) est une variante devenue célèbre. En Suisse et dans le Jura français, la même recette de crème aigre au jaune d’œuf sur pâte à pain existe sous le nom de totché (tarte).

Les quiches sont mentionnées en Lorraine, d’après Jules Renauld (1875), le 1er mars 1586 : neuf gros de quiches et échaudés sont servis à la table de Charles III qui recevait le marquis de Pont-à-Mousson. Quiche est également attestée en 1594 et dans les comptes de l’hôpital Saint-Julien de Nancy en mars 1605.

Une recette non fixée

Les recettes locales évoluent dans le temps :

  • En 1811, l’Histoire des villes vieilles et neuves de Nancy décrit la quiche à l’époque des Ducs, comme « une sorte de pâtisserie, faite encore actuellement, avec de la pâte levée (pâte à pain), couverte d’œufs et de crème ».
  • En 1875, le même J. Renauld la décrit comme une « pâte de tarte mince, ronde, qui se met au four semée de morceaux de beurre frais et couverte d’un mélange d’œufs et de crème, préparation salée, liquide, pas plus épaisse qu’une feuille de carton ».
  • En 1877, Emile Dumont décrit une pâte avec de l’œuf, de l’épaisseur d’une pièce de 5 Francs, cuite au four, bords relevés, puis couverte d’œufs battus dans du lait avec du sel et des morceaux de beurre, avant de terminer la cuisson au four.
  • En 1881, Le Prince du Diner Champêtre insiste sur la crème battue avec le lait et les œufs qui doit être aigre.
  • En 1887, la quiche se fait au lait caillé.
  • En 1889, Jenny Touzin met du fromage et de la cannelle dans sa quiche lorraine.

Mais jusque-là, la quiche ne contient ni lard ni lardons. André Theuriet écrit, en 1901, une recette de quiche lorraine (« peu connue des Parisiens ») totalement traditionnelle : pâte à pain en galette, dés de beurre frais en damier, mélange œuf-crème, cuisson au four à pain bien chaud 5 min, se mange bouillante avec un vin blanc.

Apparition des recettes actuelles et diffusion dans les années 1890

Le lard et le fromage

Le fromage, comme le lard puis les lardons rarement mentionnés avant le XXe siècle

Les mentions de quiche au fromage sont rares avant le XXᵉ siècle. En 1873, le célèbre cuisinier et pâtissier français Jules Gouffé (1807 – 1877) parle d’une « kiche au fromage » dans ses entremets chauds (quiche à la crème couverte de parmesan râpé, à côté d’une « kiche » aux nouilles au fromage et d’une autre au sucre). La revue Alsacienne de 1877 mentionne « une bonne grosse tarte, une quiche au fromage pour parler la langue de notre pays » contre les maux de tête et les embarras d’estomac. Dans Le Pays lorrain, en 1907, Gustave Najean rime :

« De toute la soirée. On avait tout exprès

Composé le menu de mes plats préférés.

Je’ me souviens surtout d’une quiche au fromage

À laquelle, entre nous, je fis quelque dommage ».

Le lard, puis les lardons

En 1892, on trouve mention de la quiche au lard arrosée du blanc du cru, à Pompey. La recette de la quiche authentique comprend, en plus du beurre, des lardons et durant la cuisson, on verse la migaine. L’expression devient fréquente dans la presse en 1897, présentée comme une nouveauté : « on remplace les petites tranches de beurre sur le fond de la pâte par des petites tranches abondantes de lard maigre ou fumé ». La presse mentionne également diverses variétés : quiche au lard, à la crème, aux oignons.

Lard et fromage chez Escoffier

En 1901, un lecteur lorrain du Figaro met sur sa quiche des lardons et un oignon, et en 1904 arrive la quiche au lard et au fromage. Le Journal des confiseurs de février 1907 donne une recette de quiche au lard avec « des tranches de fromage de gruyère ». En 1912, Escoffier fixe les recettes de la cuisine classique : quiche à la Lorraine (lard et Gruyère) ou quiche au jambon avec le même appareil.

Par ordre de fréquence dans la littérature numérisée depuis 2002, « quiche au lard » tend à disparaître, « quiche aux lardons » (expression qui date des années 1980) devient fréquente, « quiche au fromage » est nettement majoritaire. Après la seconde guerre mondiale, la quiche devient populaire aux États-Unis et en Grande-Bretagne avec oignons et fromage.

Les innovations du début du XXᵉ siècle

L’écrivain et chroniqueur gastronomique de la Belle Époque, Jean-Camille Fulbert-Dumonteil donne, dès 1901 dans son « Art de Bien manger » une spécialité de la Brasserie lorraine de Nancy, « la quiche de maman Marie », dont la pâte est faite de pommes de terre en robe de chambre écrasée avec beurre et farine couverte de lard sec et de bonne crème.

Des innovations créatives voient le jour dans l’entre-deux-guerres : le scientifique français, médecin, chercheur et chef de service à l’Institut Pasteur, militant d’une cuisine saine et raisonnée, Édouard de Pomiane est connu pour sa quiche aux moules, on trouve une quiche aux prunes (tarte aux prunes nappées de crème, quant aux quiches aux fruits, elles n’ont plus grand-chose à voir avec une quiche), une quiche au maïs (farine de maïs). Des versions locales voient le jour : quiche à la Beauvoisienne, quiche à la mode de Bretagne. Plus tard, en 1947, apparaît une quiche au riz, avec du riz au lait saupoudré de parmesan.

La mondialisation de la quiche (1950-1990)

Du cinéma à l’Amérique

Une séquence de La Main au collet (1955) d’Alfred Hitchcock montre une quiche partagée par Cary Grant et John Williams :

  • Roger Tréville : C’est une Quiche Lorraine, vous devriez aimer
  • John Robie : Quiche Lorraine ? J’en ai entendu parler, mais je n’y ai jamais goûté, Mmm… superbe ! La pâte a une légèreté…
  • Roger Tréville : Oui, Germaine a des mains très sensibles et un toucher des plus délicats.
  • John Robie : Ah, je suis d’accord !

Hitchcock était un grand amateur de quiche. Celle-ci passe à la postérité dans le Celebrity Cookbook (Livre de cuisine des célébrités) de Johna Blinn (1981, il s’agit d’une quiche avec des oignons) et surtout aux États-Unis grâce aux livres de cuisine de Julia Child constamment réédités qui font connaître la quiche à l’Amérique. Dans Mastering the Art of French Cooking (1976) elle consacre un chapitre aux quiches (tartes non couvertes) qui regroupe un ensemble de tartes avec œufs et crème :

  • Quiche lorraine avec sous rubrique Quiche au fromage de Gruyère (Swiss Cheese Quiche),
  • Quiche au Roquefort sous rubrique au Camembert,
  • Quiche à la tomate, niçoise,
  • Quiche aux fruits de mer, aux oignons,
  • Pissaladière, Flamiche ou quiche aux poireaux sous rubriques aux endives, aux champignons, aux épinards.

Ses recettes sont données pour un moule de 20 cm. C’est sous ces multiples déclinaisons que la quiche gagne le monde anglophone.

D’après le belgo-californien Atelier Monnier la quiche a évolué pour plaire à de nombreux goûts différents à travers le monde. James Peterson (2012), qui mange sa première quiche dans les années 1960, note que les quiches sont devenues de plus en plus bizarres dans les années 1970 et 1980. Il s’avoue incapable de trouver dans ses livres une quiche ancestrale originale et s’en tient à sa quiche préférée avec oignons caramélisés et fromage.

Les vrais hommes ne mangent pas de quiche

Real Men Don’t Eat Quiche (Les vrais hommes ne mangent pas de quiche) est un succès de librairie (1982) de l’humoriste américain Bruce Feirstein. Il a été en tête des ventes de livres américains en 1982, pendant 53 semaines. L’auteur construit une typologie des hommes américains sur la distinction : mangeur de quiche (poule mouillée) versus buveur de bière (vrai homme). Cette satire des stéréotypes de la masculinité américaine (conflit chez les hommes entre leurs préférences intimes et les normes identitaires du genre masculin) contribue à banaliser la quiche anglophone. The Village Voice écrivait, en 2008, que de cette parodie (aspect efféminé d’une recette venue de France), la quiche avait survécu « vertueuse et peu calorique » alors que l’auteur sombrait dans l’oubli complet.

Il a été tiré du livre un jeu de situation : The beer-quiche game (jeu de la quiche à la bière) de Cho and Kreps (1987), qui a contribué à l’évolution de la théorie des jeux, ainsi que la chanson Quiche Woman in a Barbeque Town (La femme qui fait des quiches dans un pays de grillades).

La quiche actuelle : créative et mondialisée

Avec la quiche prête à cuire et les quiches surgelées, la quiche est devenue une composante du marché mondialisé des QTT : quiches, tartes et tourtes. 80 % des Français achète une QTT au moins une fois par an pour leur consommation à domicile. Avec les réseaux sociaux et le fait maison, la quiche s’est ouverte à la créativité : jambon/courgette, fenouil/noisette, saucisse/féta, saumon/aneth, saumon/poire/roquefort, quiche normande à l’andouille, camembert/pomme de terre/lardon, thon/moutarde, chou-fleur/lardon, poulet/tomate, truite/cornichon/aneth, champignon/curry, pleurotes/champignons bruns/jambon d’Ardenne, trois fromages et herbes fraiches, boudin blanc/raviole, asperge/viande des grisons, à la ratatouille, aux orties sans gluten.

Son nom est désormais employé pour désigner des tartes salées garnies d’un appareil de crème battue et d’œufs, aux ingrédients les plus divers. En 2021, Maria Germana Imbrighi écrit « tartes salées et quiches sont les reines de l’anti-gaspillage […] excellent moyen de manger quelque chose de savoureux en recyclant ce que nous trouvons dans le réfrigérateur ». La frontière entre quiche (avec œuf et crème) et tarte est devenue floue. Le mini Larousse Tartes salées (2011) ne les distingue pas, mais les classe selon leur contenu : fromage, légumes, viandes, poisson, fruits de mer.

Les quiches de par le monde

  • Homonyme en Italie (chisce) où on remplace les lardons par la pancetta, elle est parfois rapprochée du sformato, tarte à la béchamel, aux œufs et aux légumes, qui admet autant de variantes que la quiche.
  • La kisshu donne des idées au Japon : thon/épinard cuite à la poêle, quiche au chou, au lait de soja et haricots.
  • En Chine, fàshì xián pài tarte salée française ou luò lín xiāngcūn xián pài tarte salée de campagne de Lorraine : avec des crevettes et du poivre de Cayenne, de la soupe à la citrouille en conserve, des poivrons, des shiitake et de la mozzarella.
  • En Russie, kiche : tomate, poireau et caviar.
  • Thon/Vache qui rit chez les blogueurs africains.

Les quiches des chefs

Les chefs renommés se sont emparés de la quiche : Alain Ducasse et Michel Roth y mettent du lard sec, du lait, de la muscade et du gruyère, Thomas Keller présente une quiche bien épaisse aux oignons confits, Emmanuel Renaut, des champignons de bois et des épinards, Michel Roux, une quiche au crabe, Julien Lefebvre, une quiche aux poireaux et aux pommes (avec une pâte au vin blanc). En 2020, le chroniqueur gastronomique Frédéric Payan propose pour la fin d’année une fine quiche au boudin blanc et foie gras du pays dignois. On compte également Christophe Dufossé, à Metz, avec sa quiche déstructurée aux truffes, à l’opposé de Frédéric Anton et sa très traditionnelle quiche avec une migaine sans les blancs d’œufs, ou Cyril Lignac, et sa quiche traditionnelle aux œufs entiers et au fromage.

Jamie Oliver invente une quiche au fromage de cheddar et au basilic ou avocat et huile d’olive remplacent la crème.

Une spécialité culinaire française des plus connues

Selon IPSOS, en 2011, la quiche lorraine est la 3e spécialité culinaire que les Français déclarent savoir faire : 80 % savent faire des crêpes, 73 % la tarte aux pommes puis 69 % la quiche lorraine et le gratin dauphinois.

En 1972, le New-York Magazine classe la notoriété des recettes françaises :

  1. soupe à l’oignon gratinée,
  2. omelette,
  3. quiche lorraine,
  4. salade niçoise.

Elle figure en tête d’un classement récent (2019) devant la tartiflette et le bœuf bourguignon. Elle est présente avec des garnitures diverses à côté des escargots, des cuisses de grenouilles, de la bouillabaisse et du coq au vin. Comme souvent, la cuisine française est associée au fromage, y compris dans la quiche classique. Une présentation chinoise, qui parle de tarte salée française ou crème anglaise, relève sa possible origine allemande (« il est très probable que ce ne soit pas une invention des Français ») et la richesse des garnitures possibles : Gruyère, fromage bleu fort, fromage italien et tomates à la sauce verte, épinards, asperges, cœurs d’artichaut, poireau.

En 2021, en nombre d’occurrences dans le moteur de recherche Google, « pizza » donne 1.1 milliard de résultats, « Quiche » 54 millions, devant « tarte » (47 millions) et « omelette » (38 millions).

Une consommation en croissance

Une étude américaine montre que la quiche fait partie des plats servis régulièrement dans les restaurants scolaires français (avec le bœuf bourguignon, la ratatouille, le ragoût de veau, la salade d’endives, ou le poisson en sauce) afin que les enfants l’identifient à la culture nationale. Elle note que les concepteurs de menus de repas scolaires savent que leurs choix ne reflètent pas la culture française contemporaine.

Le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) note, en 2017, que l’éloignement domicile/travail (repas sur le lieu de travail), le temps croissant passés devant des écrans, la durée plus faible des repas et de leur préparation, incitent à l’achat de produits faciles à consommer tels que les pizzas, quiches, sandwiches, pâtes ou riz. La consommation de QTT (pizzas/quiches/tartes/tourtes) mesurée en France croît de 4,9 kg par ménage et par an en moyenne, sur la période 2015 – 2017, le profil de consommateur est plus jeune, familial et relativement modeste.

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