L’extrait de levure est un ingrédient dérivé de levures fraîches et désigne aussi les différentes formes de levures transformées. La levure étant un microorganisme unicellulaire appartenant à la famille des champignons et utilisée notamment dans la fermentation du pain, du vin, de la bière…
Les extraits de levure et les aliments fermentés contiennent de l’acide glutamique (acide aminé) qui se trouve naturellement dans la viande, le fromage, les champignons et les légumes, comme les brocolis et les tomates.
L’extrait de levure est une pâte brune ou une poudre soluble dans l’eau de couleur jaune-brunâtre et contient une proportion élevée de protéines, d’acides aminés, de vitamines du groupe B. Cet apport est particulièrement important pour les végétaliens et végétariens.
Comme la levure, l’extrait de levure est riche en vitamines B 1, B 2, B 3, niacine, biotine, acide folique et acide pantothénique. Cependant, il ne contient pratiquement pas de vitamine B 12.
Grâce à des propriétés gustatives extrêmement variées, le principal avantage des extraits de levure est l’amélioration du goût dans les applications alimentaires et les boissons.
Comme les herbes et les épices, les extraits de levure sont utilisés dans l’agroalimentaire et la restauration comme ingrédient aromatique. Certains extraits de levure vont rehausser le goût des aliments pendant que d’autres ajouteront une intense saveur umami, ou encore des notes spécifiques de bœuf ou de poulet, grillées, rôties ou autres.
Les extraits de levure et les aliments fermentés contiennent de l’acide glutamique qui, en solution avec des ions sodium (provenant par exemple du sel), forment du glutamate monosodique (GMS). Étant donné les controverses sur le GMS, les fabricants de produits alimentaires utilisent de l’extrait de levure comme exhausteur de goût pour éviter de devoir indiquer « GMS » ou « glutamate monosodique » dans les ingrédients.
L’intérêt pour la levure en tant qu’ingrédient aromatique destiné à améliorer le goût des aliments est apparu au début du XXe siècle, faisant suite aux travaux de Justus von Liebig et de ses successeurs qui avaient découvert que les cellules de levure de bière peuvent être concentrées, emballées et consommées comme tel. Suite à de nombreux travaux menés durant la première moitié du XXe siècle, l’intérêt pour les extraits de levure s’est fortement accru dans les années 50.
Les produits constitués d’extraits de levure
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La « Marmite » est une pâte à tartiner britannique fabriquée depuis 1902 à partir d’extrait de levure issue du brassage de la bière et riche en vitamine B1. C’est également une source d’acide folique.
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La « Vegemite » est une pâte à tartiner australienne créée en 1923 en raison de la pénurie de « Marmite » lors de la Première Guerre mondiale. C’est à partir de la Seconde Guerre mondiale, où elle fera partie de la ration des soldats ANZAC, que la « Vegemite » est vraiment devenue populaire en Australie et en Nouvelle-Zélande.
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La « Vitam-R » est une pâte à tartiner, allemande et produite à partir 1925.
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Le « Cenovis » (du latin cenare, « manger », et vis, « force ») est une pâte à tartiner populaire en Suisse (en particulier en Romandie) à base d’extrait de levure et de légumes et produit à partir de 1931 à l’initiative d’un maître brasseur appelé Alex Villinger. Le Cenovis est riche en vitamine B11.
- Le « Bovril » en 2004 et l’« arôme Maggi » en 2006 », faisant suite à la crise de la « vache folle » ont remplacé de l’extrait de viande de bœuf par de l’extrait de levure au goût similaire.
- Les chip’s saveur barbecue utilisent de l’extrait de levure en guise d’arôme fumé.
Le glutamate monosodique
Le glutamate monosodique, également connu sous le nom de glutamate de sodium, monosodium glutamate, GMS ou MSG, est le sel sodique de l’acide glutamique, l’un des acides aminés non essentiels les plus abondants dans la nature. La FDA (organisme américain de surveillance des aliments et des médicaments) a classé le GMS comme « GRAS », généralement reconnu inoffensif, et l’Union européenne l’a classé comme additif alimentaire. Il possède le numéro E621. Le glutamate du GMS confère le même goût umami que le glutamate issu d’autres aliments. Les fabricants de produits alimentaires commercialisent et utilisent le GMS comme exhausteur de goût, car il équilibre, mélange et arrondit la perception globale des autres goûts.
La législation européenne sur l’étiquetage concernant l’utilisation de l’acide glutamique et son sel dit qu’il doit être mentionné sur les étiquettes, sous son nom ou sur les numéros E :
- acide glutamique : E620,
- glutamate monosodique : E621,
- glutamate monopotassique : E622,
- diglutamate de calcium : E623,
- glutamate d’ammonium : E624,
- diglutamate de magnésium : E625.
Découverte du GMS
C’est en 1908 que le professeur Kikunae Ikeda isola dans l’algue Saccharina japonica, (kombu, en japonais) l’acide glutamique par extraction aqueuse et cristallisation dont il dénomma le goût « umami ». Il avait remarqué que le bouillon japonais de katsuobushi et de kombu avait un goût particulier qui n’avait pas encore été décrit scientifiquement et qui n’était ni sucré, ni salé, ni acide, ni amer.
Pour vérifier que l’acide glutamique ionisé était responsable du goût umami, le professeur Ikeda étudia les propriétés gustatives de plusieurs sels de glutamate tels que le calcium, le potassium, l’ammonium et le glutamate de magnésium. Tous les sels ont engendré l’umami, en plus d’un certain goût métallique dû aux autres minéraux. Parmi ces sels, le glutamate de sodium était le plus soluble et le plus savoureux, et se cristallisait facilement.
Le professeur Ikeda a appelé ce produit glutamate monosodique et a soumis un brevet pour produire le GMS. Les frères Suzuki lancèrent la production commerciale de GMS en 1909 sous le nom d’AJI-NO-MOTO, qui signifie « Essence du goût » en japonais ; c’était la première fois que du glutamate monosodique était produit dans le monde. De nos jours le GMS est fabriqué principalement au Japon et en Corée, les pays asiatiques en étant de grands consommateurs.
La découverte du Professeur Ikeda, a surtout servi les besoins des industriels de l’agro-alimentaire qui travaillent énormément le goût de leurs produits et les a menés à ajouter du mono-glutamate de sodium et d’autres additifs dans tous ses produits. Ceci afin de remplacer les saveurs naturelles trop longues et trop chères à produire.
Syndrome du restaurant chinois
La controverse au sujet de l’utilisation du GMS (glutamate de sodium ou glutamate monosodique) a commencé le 4 avril 1968, lorsque le Dr Robert Ho Man Kwok exerçant au « National Biomedical Research Foundation » a écrit au « New England Journal of Medicine ». Il y décrit un ensemble de symptômes qu’il baptise « syndrome du restaurant chinois ». Il s’agit d’un ensemble de troubles survenant quelquefois un quart d’heure à une demi-heure après la prise d’un repas asiatique : nausées, vomissements, diarrhées, crampes d’estomac, points à la poitrine, réactions allergiques, crises d’asthme, maux de tête, courbatures, vertiges, ou encore fatigue extrême.
L’usage de GMS étant ainsi décrié, certains restaurateurs décidèrent de le retirer de la liste des ingrédients de leurs plats, mais sans plus de résultat. Quelque temps plus tard, la théorie du docteur Ho Man Kwok fut définitivement écartée par une équipe de chercheurs australiens. Ceux-ci réalisèrent une « expérience en double aveugle » avec des sujets allergiques ou non, qui ont été soumis au même régime alimentaire (cuisine chinoise matin, midi et soir) sans savoir si le glutamate assaisonnait leurs repas. Le résultat fut que le syndrome apparut indépendamment de la présence de GMS.
Aujourd’hui, le mystère du « syndrome du restaurant chinois » reste entier. On suspecterait maintenant l’histamine, une molécule produite par la fermentation de certains aliments comme le soja, le haricot noir et la pâte de crevette.
L’usage des GMS dans la cuisine asiatique étant devenu un assaisonnement classique, certains se sont emparés de cette controverse pour développer des préjugés et des arguments racistes ou xénophobes en stigmatisant les cuisines asiatiques ; un racisme culinaire dont il existe des équivalents visant la « soul food » afro-américaine.
Le glutamate de sodium est aussi soupçonné de favoriser la prise de poids en stimulant notre appétit. Il entraînerait aussi une forte hausse du taux d’insuline fabriquée par le pancréas, et augmenterait alors les risques de diabète de type 2. Encore plus grave, il est soupçonné de jouer un rôle dans le développement de maladies neurodégénératives provoquant la destruction des cellules nerveuses, comme la maladie d’Alzheimer, de Parkinson, ou de la sclérose en plaques.
Umami
L’umami est un emprunt au japonais se traduisant généralement par savoureux, il est l’une des cinq saveurs de base avec le sucré, l’acide, l’amer et le salé.
L’umami a un après-goût durable et doux. Il provoque la salivation et une sensation de fourrure sur la langue, en stimulant la gorge, le palais et le dos de la langue. L’umami n’est pas savoureux en soi, mais il améliore la saveur d’une large variété d’aliments, surtout en présence d’un arôme assorti.
La première expérience de l’humain avec le goût umami se fait souvent avec le lait maternel. Il contient à peu près la même quantité d’umami que les bouillons.
Scientifiquement, le secret de l’effet umami tient en trois acides aminés : glutamique, guanylique et inosinique. Ces substances, naturellement présentes dans de nombreux aliments du quotidien comme les poissons, les crustacés, les viandes fumées, les légumes (champignons, tomates mûres, chou chinois, épinards…) ou le thé vert, ainsi que dans les produits fumés, fermentés et vieillis (fromages, purées de crevettes, sauce soja…) sont responsables de cette sapidité.
L’origine de l’umami
Si les qualités de l’umami sont connues depuis l’antiquité, notamment avec l’utilisation de sauces de poisson fermentées comme le garum, riches en glutamate, et malgré sa longue histoire dans la tradition culinaire, il ne fut décelé qu’à partir du XIXe siècle et réellement été identifié au début du XXe siècle.
L’osmazôme
L’osmazôme, terme issu du grec ancien ὀσμή, osmế (« odeur ») et zômós (« jus, bouillon »).
Le premier à essayer d’identifier le goût umami fut le chimiste Louis-Jacques Thenard en 1806 qui donna le nom d’« osmazôme » à des extraits de viande dans l’alcool.
Cette substance, qui est un mélange mal défini, fut popularisée par l’écrivain gastronome Jean-Anthelme Brillat-Savarin, qui en fit le principe sapide des viandes. Dans sa « Physiologie du goût » parue en 1825 où il le décrit comme la quintessence de la saveur, celle qui donne du goût à tout ce qui lui est associé et le décrit comme : « celui de nos sens qui nous met en relation avec les corps sapides, au moyen de la sensation qu’ils causent dans l’organe destiné à les apprécier ». Il décrit également certaines caractéristiques de la substance responsable de l’umami : « L’osmazôme est cette partie éminemment sapide des viandes, qui est soluble dans l’eau froide » et « C’est l’osmazôme qui fait le mérite des bons potages ; c’est lui qui, en se caramélisant, forme le roux des viandes ; c’est par lui que se forme le rissolé des rôtis ; enfin, c’est de lui que sort le fumet de la venaison et du gibier. L’osmazôme se retire surtout des animaux adultes à chairs rouges, noires, et qu’on est convenu d’appeler chairs faites »
En réalité, le goût des viandes résulte de la présence de nombreux composés, sapides, odorants, à action trigéminale, et ne découle certainement pas d’un principe unique, quoiqu’il soit possible de voir en ce mélange une première tentative d’isoler le goût umami, caractéristique des bouillons de viande.
À la fin du XIXe siècle, le chef Auguste Escoffier, qui avait ouvert ce qui était le restaurant le plus cher et le plus révolutionnaire de Paris, créait des repas qui associaient l’umami à des goûts salés, acides, sucrés et amers, mais sans en connaître la source.
La découverte
Ce n’est qu’en 1908 que le goût umami a réellement été identifié, par le chercheur Kikunae Ikeda, professeur à l’Université Impériale de Tokyo. Celui-ci de retour en 1899, d’un voyage d’étude en Allemagne où il fut impressionné par la condition physique des Allemands. Il s’était intéressé aux découvertes de Pasteur et de Justus von Liebig sur l’alimentation, ce dernier ayant mis au point en 1865 un « extrait de viande de bœuf » dans le but de pallier la malnutrition des pauvres ne pouvant s’offrir de viande.
Après avoir goûté cet extrait de viande, dont la saveur lui rappelait le dashi, bouillon qui constitue la base de l’alimentation nipponne, et de retour au Japon, il se questionna sur la provenance de cette saveur. Question qui le mena à découvrir les substances chimiques responsables de l’umami.
Il découvrit que le glutamate était responsable de la sapidité du bouillon d’algue kombu. Il a remarqué que le goût du bouillon dashi à base de kombu était différent des goûts sucré, acide, amer et salé, et il l’a appelé umami.
La première sauce soja industrielle
À cette époque du début de l’ère Meiji, l’état nippon cherche à fortifier la santé du peuple japonais à l’instar de ce qui se faisait en occident. Il essaye de promouvoir la consommation de bœuf, viande interdite dans les siècles précédents, mais la viande rouge était rare et chère.
Le Docteur Ikeda, revenant de son voyage d’étude en Allemagne, berceau des bouillons en cubes, s’est donc inspiré de la technique chimique de l’extraction des acides aminés de la viande et l’a appliquée au soja pour fabriquer la première sauce de soja industrielle, non fermentée et très bon marché.
Les saveurs du goût
Au IVe siècle avant J.-C., Aristote distingue 8 saveurs : le doux, l’amer, l’onctueux, le salé, l’aigre, l’âpre, l’astringent et l’acide.
En 1751, Charles Linné discerne 10 qualités gustatives : l’humide, le sec, l’acide, l’amer, le gras, l’astringent, le sucré, l’aigre, le muqueux et le salé.
Ce n’est qu’en 1824 que le chimiste français Michel-Eugène Chevreul fait la distinction entre les sensibilités tactiles, olfactives et gustatives. L’ensemble de ces trois sensations est désigné par le terme de flaveurs.
En 1864, le physiologiste Adolph Fick fixe le postulat selon lequel l’ensemble des perceptions gustatives est une combinaison additive de quatre saveurs primaires ou fondamentales qui seraient liées à quatre types de récepteurs sensoriels et quatre localisations sur la langue, ce qui permet au chimiste Georg Cohn en 1914 de classer quatre mille corps purs en « quatre goûts élémentaires ».
En 1908, une cinquième saveur primaire, l’umami (savoureux), a été identifiée par le scientifique japonais Kikunae Ikeda.
Les cinq saveurs primaires seraient donc les suivantes :
- sucré comme le saccharose (sucre) ;
- salé comme le chlorure de sodium (sel de table) ;
- amer comme la quinine ;
- acide comme l’acide citrique (contenue dans le citron) ;
- umami comme les glutamates.
L’appétence pour le sucré est innée, chez l’homme et aussi chez les mammifères. Chez le bébé, le mouvement de succion est lié à la reconnaissance du sucré. Le salé provoque en général une mimique de désagrément. L’acide génère des réactions de déplaisir. L’amer entraîne une véritable répulsion, assimilable à une forme instinctive de protection, (les poisons étant généralement amers).
De nos jours, les chercheurs penchent désormais pour un continuum de saveurs et au-delà de ces 5 saveurs fondamentales, on identifie d’autres sensations en bouche comme :
- saveur astringente (airelle, thé, tanin, pomme verte, coing) ;
- saveur piquante ou pseudo-chaleur (moutarde, poivre, raifort, wasabi, piment, gingembre, menthol, oignon cru, radis, poivre) ;
- saveurs métalliques (fer, zinc, sulfate ferreux hydrate, aliments oxydés) ;
- saveur grasse (les acides gras, appelé « oleogustus ») ;
- saveur de l’amidon (Pain, viennoiseries, pâtes, pommes de terre…) ;
- goût du calcium (produits laitiers, chou et pavot) ;
- goût du réglisse ;
- le brûlant (alcool, piment).
Le goût est très culturel, il est très dépendant des pratiques alimentaires tant collectives qu’individuelles, d’autant que tout ceci commence dès la gestation.