La Moutarde

À l’origine, la moutarde est une plante de la famille des Brassicacées dont les graines servent à fabriquer le condiment de même nom. Ces graines d’un diamètre approximatif de 1 mm dont la coloration varie entre le blanc jaunâtre et le noir selon les espèces participent à la teinte du condiment.

L’usage de la moutarde est répandu dans nombreuses cuisines à travers le monde. Sur l’ensemble des épices et des condiments, la moutarde est le troisième produit le plus consommé dans le monde après le sel et le poivre.

La moutarde est cultivée dans de nombreux pays, dont le Canada, qui assure 35 % de la production mondiale, domine le commerce international avec 50 % des exportations. Les autres pays producteurs significatifs sont le Népal, la Russie, l’Ukraine et la République tchèque. 85 % des grains servant à faire de la moutarde en France sont importés du Canada.

En France, le condiment connu sous le nom de moutarde est constitué des graines (en particulier les blanches), souvent réduites en farine et mélangées à du verjus. D’autres ingrédients peuvent être ajoutés, par exemple du sucre, du miel, du vinaigre, du vin ou du lait. La liste des ingrédients autorisés en France pour les moutardes figure dans le décret 2000-6583. Les graines entières peuvent être submergées de liquide avant le meulage si l’on veut fabriquer de la moutarde en grain dit à l’ancienne.

L’appellation d’origine « moutarde de Dijon » n’est commercialement pas préservée et c’est ainsi que tout le monde peut commercialiser n’importe quelle sauce sous cette appellation.

Les graines de moutarde contiennent naturellement des molécules de sinigrine et de myrosine (on retrouve ces substances également dans la racine de raifort). Sous l’effet du broyage et du mélange avec l’eau au cours de la préparation de la moutarde, une réaction chimique crée de l’isothiocyanate d’allyle, qui est une molécule organo-sulfurée. Lors du passage de la moutarde dans la bouche, cette molécule entre en contact avec les cellules sensorielles de la langue, ce qui donne du goût. Lorsque cette molécule volatile atteint le palais et le traverse, elle stimule le nerf trijumeau, ce qui provoque une sensation plus violente, désagréable, ressentie dans la gorge et le nez : on parle de « moutarde qui monte au nez ».

Histoire de la moutarde

Quatre siècles avant notre ère, Théophraste la mentionne comme plante cultivée, il s’agit du « sénevé » de la Bible. Columelle au Ier siècle dans son De re rustica cite son usage en tant que condiment, mais il ne s’agissait alors que des feuilles confites dans le vinaigre. Apicius, au IVe siècle, en fournit aussi une recette dans De re coquinaria.

En France, l’emploi de la pâte condimentaire obtenue par broyage des graines ne s’est répandu qu’autour du XIIIe siècle dont la préparation en décrite comme suit « Ce condiment est préparé avec des graines de moutarde pilées, additionnées d’aromates et délayées avec du moût ». C’est à cette époque qu’apparaît aussi le mot de « moutarde » (vers 1223), sous la forme de « mostarde » ou « moustarde ». Dérivé de « moût » (de raisin), mustus en latin et most en ancien français, le mot ardor en latin signifiant « ardeur, chaleur ». C’est donc un « moût ardent ».

Sa fabrication intégrant à la farine de moutarde du verjus (jus acide extrait des raisins n’ayant pas mûri) ou du vinaigre permettait de recycler les vins ayant tourné, sa production s’est naturellement répandu dans toutes les régions à vignes : Paris, Meaux, Bordeaux, Tours, Reims, Dijon, Beaune… C’est au XIVᵉ siècle, la Bourgogne s’en était fait une spécialité.

La moutarde connut un certain succès en France au XVIIIᵉ siècle, elle figure dans les écrits de quelques grands penseurs de l’époque, notamment Voltaire, qui l’utilise comme satire contre le cléricalisme dans une phrase assez méconnue : « À choisir, j’aurais plus confiance dans une vieille bigote à la moutarde que dans un pot de moutarde à la bigote. »

En 1937 eut lieu un fameux procès opposant deux moutardiers parisiens à deux moutardiers dijonnais, au sujet de l’appellation « moutarde de Dijon ». La Cour de cassation statua que l’appellation correspondait à une recette et non à un terroir. En revanche, depuis, il existe une indication géographique protégée « Moutarde de Bourgogne ».

Après la Seconde Guerre mondiale, il y avait, en France, quelque cent soixante fabricants de moutarde. En 2002, il n’en restait plus que six, la grande distribution étant pour une bonne part responsable de cette concentration. La dernière moutarderie alsacienne, Alelor, fondée en 1873, est située à Mietesheim dans le Bas-Rhin. En Bourgogne, l’entreprise Fallot fondée en 1840 et basée à Beaune, est la dernière moutarderie familiale et indépendante.

Les différents types de moutarde

Moutarde de Dijon. Elle est faite à partir de graines de moutarde noire et de moutarde brune en majorité, de vinaigre ou de verjus (jus de raisin vert), de sel et d’acide citrique. C’est une moutarde forte qui accompagne toutes les viandes dont plusieurs déclinaisons existent.

  • Moutarde au cassis. C’est une variante au cassis de la moutarde de Dijon. Elle accompagne particulièrement les gibiers.
  • Moutarde aux algues. La laitue de mer et la dulse fraîches sont intégrées dans une base de moutarde de Dijon composée de graines de moutarde, de vinaigre d’alcool, d’eau et de sel marin. La quantité d’algues fraîches est de 25 %.
  • Moutarde à l’estragon. C’est une variante à l’estragon de la moutarde de Dijon. Elle accompagne le poulet et toute viande froide.
  • Moutarde au basilic. C’est une variante au basilic de la moutarde de Dijon.
  • Moutarde aux noix. C’est une variante aux noix de la moutarde de Dijon.

Moutarde de grains à l’ancienne. Faite à partir de graines de moutarde entières, de sel, d’épices et d’acidifiants, les graines lui donnent une texture granuleuse et elle est souvent plus douce que la moutarde de Dijon. La moutarde de Meaux en est un exemple connu au moins depuis le XVIIIe siècle

Moutarde en grains aux piments. C’est une moutarde forte, faite à partir de graines de moutarde entières, de sel, d’épice, d’acidifiants et de piments. Certains la consomment avec la viande froide. Les graines lui donnent une texture granuleuse et le piment un goût relevé.

Moutarde aux fines herbes. C’est une moutarde faite à partir de graines de moutarde entières, de sel, d’épices, d’acidifiants, de vinaigre de vin blanc, de sucre, de persil, de coriandre, et de fines herbes. Certains la consomment avec la viande froide.

Moutarde provençale. C’est une moutarde fine et forte, faite à partir de graines de moutarde, de sel, d’épices, d’acidifiants, d’ail, de poivron rouge, de vin blanc, d’acide citrique, d’huile et de fines herbes. Elle accompagne toutes les viandes.

Moutarde à la tomate. C’est une moutarde douce, faite à partir de graines de moutarde entières, de sel, d’épices, d’acidifiants, de tomates séchées, de vinaigre de vin et de sucre.

Moutarde douce. C’est une moutarde douce, faite à partir de graines de moutarde, de sel, d’épices, d’acidifiants, de vinaigre de malt, de sucre, de caramel, et de fines herbes. Elle se distingue par sa saveur sucrée.

Moutarde au miel. C’est une moutarde sucrée, faite à partir de graines de moutarde, de sel, d’épices, d’acidifiants et de miel.

Moutarde à la violette. C’est une moutarde douce, faite à partir de graines de moutarde, de sel, d’épices, d’acidifiants et de suc de violette. C’est une spécialité du sud-ouest de la France.

Moutarde violette de Brive. C’est une moutarde faite à partir de graines de moutarde et de moût de raisin (jus de raisin non fermenté). Elle se consomme avec du boudin noir, un petit salé ou une viande froide. Elle connut son heure de gloire grâce au pape Clément VI qui, originaire de Corrèze et nostalgique de la moutarde violette de son enfance, fit venir à Avignon un moutardier corrézien, messire Jaubertie de Turenne, et le nomma « grand moutardier du pape ».

Moutarde de Bénichon. C’est une préparation qui rappelle plutôt la confiture. Elle est faite à partir de farine de moutarde, de sucre, de cannelle, d’anis, de clous de girofle, de vin blanc, de fleur de farine de blé et de vin cuit. La moutarde de Bénichon est consommée durant la Bénichon, fête populaire dans certaines régions de Suisse romande. On la consomme usuellement sur une tranche de cuchaule, sorte de brioche parfumée au safran.

Moutarde italienne. C’est de la moutarde avec de la cannelle et des fruits confits.

Moutarde allemande (Süßer Senf). Il y a trois sortes de moutarde, dont la Moster de Düsseldorf, appelée aussi moutarde anglaise, qui est très relevée, la moutarde bavaroise qui est parfois appelée à tort, moutarde américaine, car elle se rapproche de ce qu’on appelle, en Amérique du Nord, moutarde jaune (yellow mustard) ou moutarde préparée (prepared mustard). Cette dernière moutarde est assez douce et elle est faite à partir de graines de moutarde, de sel, d’épices, d’acidifiants, de curcuma et de sucre. Partout, elle accompagne les fameuses saucisses bavaroises. Enfin, il y a la moutarde de l’est qui est plus clair et moins forte.

Moutarde américaine. Plus connu sous le nom de Moutarde jaune (yellow mustard). C’est la moutarde la plus communément utilisée en Amérique du Nord. Cette moutarde nord-américaine est également vendue sous le nom de « moutarde préparée » et elle est aussi communément appelée « moutarde à hot-dog » ou « moutarde baseball » par les francophones d’Amérique. Elle aurait été introduite en 1904 par George J. French sous le nom de « Cream salad mustard », ce qui signifie « sauce à salade à la moutarde ». En Amérique du Nord, la moutarde jaune n’est pas seulement utilisée pour garnir les hot-dogs, mais aussi les sandwichs, les bretzels, les hamburgers, le saucisson de Bologne, etc. C’est aussi un ingrédient de nombreuses salades de pommes de terre, de sauces barbecue et de vinaigrettes. En Europe, où elle est peu distribuée, elle s’appelle généralement « moutarde américaine » qui est traduit dans ses différentes langues vernaculaires, par exemple en Autriche, elle est appelée Amerikanischer Senf – et elle s’assimile quelque peu à la moutarde bavaroise, mais elle est d’un jaune plus vif et elle est considérée comme étant beaucoup plus douce et quelque peu plus vinaigrée, car elle est faite avec des graines de moutarde, du vinaigre blanc, du sel, du curcuma et du sucre.

Moutarde aux épices, aromates et cornichon mariné (pickles)

  • La Savora est une marque de condiment inventée en Angleterre par la société Colman’s en 1899, dont la texture est proche de la moutarde et dont la composition à base de farine mêlée de plusieurs épices et de vinaigre. Son goût, mais non sa texture, est proche de celui de certains pickles ou chutney, préparations d’accompagnement servies sur les tables britanniques au XIXe siècle, héritage de l’Inde. Sa particularité est d’être composée de onze épices et aromates : poivre, cannelle, piment de Cayenne, noix de muscade, curcuma, girofle, céleri, ail, estragon, etc.
  • Le piccalilli est une recette de condiment à base de vinaigre, composée de légumes coupés et d’épices, qui appartient à la famille des pickles originaires de l’Inde.

Cette recette prend sa source dans les traditions culinaires indiennes (pickles, chutney), et ce mot lui-même dérive de paco-lilla, puis piccalillo (d’après l’Oxford English Dictionary).

Les ingrédients qui la composent peuvent inclure des cornichons, du chou-fleur, des oignons, des tomates vertes, du chou et potentiellement un grand nombre de légumes. Les légumes sont d’abord découpés en petits morceaux, puis blanchis et additionnés d’un mélange de moutarde, de vinaigre, de sel, de sucre et d’épices, telles que le curcuma, cette épice étant à l’origine de la couleur jaune de beaucoup de piccalillis.

  • Piccalilli britannique

Le piccalilli apparaît en Angleterre au milieu du XVIIIe siècle. Vendu sous la forme de conserve, il contient divers légumes, en particulier du chou-fleur, de la moutarde et du safran des Indes. Il est proche, par sa texture, des conserves au vinaigre de type Branston, sauf qu’il est plus fort, moins sucré, de couleur jaune vif (par l’utilisation du safran des Indes) plutôt que brun, que les morceaux sont plus grands, et qu’il est habituellement employé comme accompagnement de plat plutôt qu’étalé sur du pain. C’est un produit de grande consommation, et il est habituellement employé comme condiment entrant dans la composition du ploughman’s lunch.

  • Piccalilli américain

Le piccalilli américain que l’on trouve dans le commerce contient des cornichons finement hachés, il est de couleur vert clair et a une saveur sucrée. Il est souvent employé comme condiment dans les hot-dogs. Il peut être mélangé à de la mayonnaise ou de la crème fraîche. D’autres recettes contiennent des tomates, les oignons et des poivrons verts.

Le piccalilli américain est connu au Québec (Canada), sous l’appellation de relish.

  • Piccalilli belge

Le piccalilli belge, appelé aussi pickles, est une sauce à base de légumes, de vinaigre, de sucre, de moutarde et de curcuma. Les légumes utilisés sont les petits oignons, les cornichons, le chou-fleur. Les pickles sont une métonymie pour désigner des frites au piccalilli. C’est également un condiment populaire pour accompagner les côtes de porc (sauce Blackwell), la viande chevaline et le cervelas (saucisse).

Les variétés de plants de moutarde

La moutarde blanche (Sinapis alba) ou sénevé ou sanve est une plante annuelle, cultivée pour ses graines servant à la préparation de condiments. Elle est aussi une plante fourragère et une plante mellifère. Dans le calendrier républicain, le sènevé était le nom attribué au 29e jour du mois de floréal.

La moutarde noire ou sénevé noir (Brassica nigra) est une plante annuelle, cultivée pour ses graines servant à la préparation de condiments dont la célèbre moutarde, mais aussi en cuisine indienne où les graines sont utilisées dans certains currys dans lesquels elles sont dénommées rai. On les jette dans l’huile ou le ghî chaud pour les faire éclater et libérer leur saveur de noisette. L’huile tirée des graines de moutarde est utilisée en cuisine indienne. Quant aux feuilles, les jeunes, de saveur légèrement piquante, peuvent être consommées en salade. Plus âgées, les feuilles, une fois bouillies, perdent leur goût piquant et constituent un excellent légume cuit. Cet usage est habituel dans la cuisine éthiopienne.

La moutarde noire est aussi utilisée comme plante médicinale, parfois connue sous ancien appellation Sinapis nigra, (nom donné par Linné) notamment en homéopathie. Les graines peuvent servir à la fabrication de à la préparation des cataplasmes ou des sinapismes. Dans le cadre de l’aromathérapie, on prête à l’huile essentielle de moutarde noire des propriétés fortement neurotoxiques et abortives. Ses propriétés seraient principalement : antiparasitaire, antibactérienne, antiseptique, révulsive, répulsive, vésicante.

La moutarde des champs, (Sinapis arvensis), aussi nommées crucifères, est une plante annuelle, placée souvent dans les mauvaises herbes (adventices), envahissant champs et jardins. Elle peut être confondue avec la ravenelle dont les nervures au niveau des pétales ont un aspect bleu-violet, ce qui n’est pas le cas chez la moutarde des champs.

Cette espèce est très commune dans toute la France et dans presque toute l’Europe, en Asie occidentale et centrale (de l’Afghanistan à la Mongolie) et en Afrique septentrionale. Son centre d’origine est la région méditerranéenne. Elle s’est naturalisée dans de nombreuses régions du monde, notamment au Canada. Elle se rencontre en plaine et en montagne, dans les champs et aux bords des chemins, dans les terrains vagues, mais principalement dans les lieux cultivés calcaires.

Les jeunes plantes (feuilles, tiges et fleurs) peuvent être consommées. Elles ont des propriétés toniques, apéritives, digestives et dépuratives. Les graines une fois moulues peuvent donner une sorte de moutarde.

La moutarde des champs a été signalée comme responsable d’empoisonnements du bétail au Canada, dus à la consommation de foin en contenant une grande quantité.

La moutarde brune, ou moutarde chinoise (Brassica juncea), est une plante herbacée bisannuelle, également de la famille des Brassicaceae, cultivée essentiellement pour ses graines servant à la préparation de condiments, mais également pour ses feuilles et tiges dans différentes cuisines asiatiques. Cette moutarde est connue aussi sous les noms de chou faux jonc, moutarde de Sarepta, moutarde indienne. Elle résulterait d’une hybridation naturelle entre moutarde noire (Brassica nigra) et un chou (Brassica rapa).

Les graines sont utilisées à la fabrication industrielle de condiments du type moutarde. Elles ont une saveur piquante, légèrement poivrée, et servent en mélange avec la moutarde noire à la fabrication de la moutarde de Dijon. Dans les cuisines chinoise, coréenne, indienne, japonaise, vietnamienne, malgache (appelées alors anatsonga et réunionnaise (appelées alors brède moutarde), les branches et feuilles sont utilisées comme légume, généralement sautées. Dans la cuisine japonaise et coréenne, on utilise aussi les graines pour fabriquer la pâte de moutarde ; karashi (en japonais) et yeongyeoja en coréen. Les feuilles, à saveur piquante comme celle de la roquette, peuvent être consommées comme légume ou condiment.

La moutarde brune a la propriété d’absorber les métaux lourds, comme le plomb par ses racines, qu’elle conserve dans ses cellules. Elle est utilisée en phytoremédiation pour décontaminer un sol, après une utilisation industrielle d’un terrain.

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