L’histoire de la « 33 export »

La « 33 export » ou « bière 33 » et communément appelée « 33 » est une bière qui fut élaborée en France et dont la recette est basée sur la tradition brassicole et des ingrédients allemand. Sa première mise en production en Indochine. Destinée à l’exportation, son nom lui vient de son conditionnement, à l’origine une bouteille de 33 cl.

La « brasserie Larue »

Elle était à l’origine une petite entreprise de production de glace et de boissons fraîches et gazeuses fondée par vers 1875 par Victor Larue un ancien second maître mécanicien dans la marine française, démobilisé sur le territoire. Vers 1879, il commence à y brasser de la bière qu’il vend sous le nom de Bière Royale avec un logo de tigre.

À partir de 1885, année marquant la fin de la conquête de l’Indochine par la France, l’entreprise, devenue les Établissements Larue frères, ouvrent plusieurs succursales dans toute l’Indochine.

Dans les années 1909/10, le site de Saïgon-Cholon, qui avait atteint sa limite de capacité, fut agrandi en une grande brasserie moderne et fabrique de glace. La bière pouvait désormais être brassée à l’échelle industrielle pour la première fois.

La « brasserie Hommel »

Elle fut fondée en 1892 par un Alsacien, Alfred Hommel, sous le nom de « Brasserie de Hanoï » sur de la montagne de I’Éléphant (Voi), site réputé pour la qualité de son eau entre Hanoï et le port d’Haï-Phong. Comme tous les établissements industriels tonkinois, les débuts de la brasserie de Hanoï furent pénibles. À force d’énergie, il était arrivé, à mettre au point une installation industrielle, mais alors qu’il touchait au but lorsqu’il décéda en 1907. Ce sont sa femme et son fils Maurice qui lui succède et en 1911 doublèrent le matériel frigorifique de l’usine, améliorèrent la fabrication avec tout le matériel moderne de l’époque. Malgré cela, la « brasserie Hommel » doit importer d’Europe le malt, le houblon, la levure provient de Copenhague, les bouteilles viennent de France et les bouchons de Bordeaux.

Brasseries et Glacières d’Indochine

Après le décès de Victor Larue, l’entreprise est reprise par la maison de négoce « Denis Frères ».

Denis Frères

Denis Frères est une famille d’armateur et de négociant basée à Bordeaux qui, commerçant avec les Indes, les côtes africaines et l’Amérique du Sud, envoie en 1856 la goélette La Mouette à Saïgon et décide de s’y installer en 1862. Puis, du Vietnam, elle se développe ensuite au Laos et au Cambodge.

Au Vietnam, cette maison de négoce sera la plus importante avec des comptoirs dans différentes villes. Le groupe créera la compagnie de navigation du Tonkin, s’occupera des mines de charbon et de riziculture. Elle démarrera aussi les Brasseries glacières de l’Indochine, à l’origine de la bière 33 Export (le numéro du département de la Gironde, autre origine supposée de l’origine du nom de 33).

La fusion

Ayant créé quelques années plus tôt, en 1919 les Brasseries du Maroc, les Brasseries et glacières d’Algérie, en septembre 1927, la maison de négoce « Denis Frères » ayant racheté également la « brasserie Hommel » décide de les fusionner pour former les « Brasseries et Glacières d’Indochine » (BGI, brasseries et fabriques de glaces en Indochine) lui permettant ainsi de coordonner la production de la bière dans toute l’Indochine.

Placée au nord de l’Indochine, la « brasserie Hommel » alimente en bière le Tonkin, le Laos et le Nord-Annam ainsi que le Le Yunnan en Chine et située au sud, la « brasserie Larue » approvisionne la Cochinchine, le Cambodge et Sud-Annam où les principaux consommateurs sont européens, mais la clientèle annamite et chinoise progresse chaque année.

La 33 bière de l’empire colonial

Reprenant les savoir-faire hériter des deux brasseries, BGI à Saïgon au côté de la « Bière Larue » y développe la marque « 33 Export » où elle était produite en masse, destiné d’abord pour le marché indochinois, mais aussi pour le marché colonial français et fit dans les décennies qui suivirent, que « BGI » devint le plus important producteur de boissons de l’empire colonial français.

En 1948, elle crée les Brasseries du Cameroun. Elle rachète en 1954 la Compagnie fermière de l’établissement thermal de Vichy. Puis, elle crée les Brasseries du Niger en 1967, ainsi que les Brasseries et Glacières du Laos en 1973 (nationalisées en 1975).

Brasseries et glacières internationales

La BGI prend le nom de Brasseries et Glacières Internationales en 1975. Elle crée En 1986 la Société des Brasseries du Mali (BRAMALI). Par l’intermédiaire de sa filiale l’Union de brasseries, elle prend le contrôle des brasseries Pelforth en 1980. En 1986, l’Union des brasseries est fusionnée avec la filiale française d’Heineken pour former la Française de brasserie (FRABRA). La FRABRA est ensuite englobée dans Heineken en 1990. Cette même année, le groupe BGI est racheté par le Groupe Castel, qui prend le contrôle de la Société de limonaderies et brasseries d’Afrique en 1994.

Le groupe sud africain SABMiller a établi en 2001 un accord de partenariat avec le groupe Castel, à l’issue duquel SABMiller détient 20 % des parts de BGI, tandis qu’en retour Castel détient 38 % de la division africaine de SABMiller.

La bière de la guerre d’Indochine et du Vietnam

La défaite de Dien-Bien-Phu en 1954 met fin à la présence française en Indochine, ce qui provoque le déplacement du siège social de BGI vers Paris en 1955. Les communistes arrivés au pouvoir à Hanoï nationalisent toutes les succursales de BGI dans la partie nord du Vietnam. Il ne lui reste que les succursales du sud du pays avec le bureau principal de Saïgon et la succursale de Đà Nẵng.

Malgré tout, l’entreprise est restée la plus grande brasserie du pays, employant environ 4 000 personnes.

Pendant la guerre du Vietnam, la 33 (prononcée Ba Muoi Ba) était la bière la plus consommée par les soldats américains. La production de la « 33 Export » cesse en 1975 à la suite de l’annexion par le Nord du Sud-Vietnam où elle est remplacée par la 333.

La 33 aujourd’hui

La 33 Export est brassée pour la première fois en France par la Brasserie de Drancy en 1960. Elle est lancée en Angleterre en 1986. À son apogée, elle était présente dans 80 pays et la production atteignait 1,5 million d’hectolitres.

En France, la 33 Export est brassée par la Brasserie Pelforth de Mons-en-Barœul et par la Brasserie de la Valentine de Marseille.

Outre une exportation intensive (le groupe Heineken est présent dans 170 pays), la licence de la 33 Export est vendue à plusieurs brasseurs d’Afrique. Elle existe sous différentes variantes selon les particularismes locaux même si l’identité visuelle à dominance de rouge demeure. Le degré d’alcool peut varier (de 4,8 à 5,1 %) et quelques modifications dans la recette, par exemple pour ajouter du riz au houblon.

La 33 sous licences

Au Bénin : La licence 33 Export appartient depuis 2009 à la Brasserie BB Lome qui propose le format 33 cl et 65 cl à 5 %. La cible du marché est le sport, sponsor n°1 du football au Bénin.

Au Cameroun : La 33 Export est fabriquée par les Brasseries du Cameroun. La stratégie commerciale de cette marque est voisine de celle du Bénin. Positionnement sport avec un budget publicitaire orienté football, bouteilles de 33 cl et 65 cl comme au Bénin, mais un degré d’alcool de 5,1 %.

En Algérie : Vendue par la société nouvelle Brasseries SNB filiale du groupe Castel.

Au Maroc : La licence 33 Export appartient aux Brasseries du Maroc, filiale du groupe Castel depuis 2003.

Au Gabon : La Société des brasseries du Gabon ou SOBRAGA, située à Owendo au sud de Libreville vend les marques 33 Export, mais aussi Guinness, Castel, et la bière locale Régab.

En Centrafrique : Brassée par Mocaf, filiale du groupe Castel.

En Tunisie : La 33 Export est brassée par la Société de fabrication des boissons de Tunisie. Les volumes de ventes des fûts suivent la fréquentation touristique, tandis que les bouteilles sont davantage vendues en grandes surfaces.

Au Vietnam : La 33 Export a été renommée 333 en 1975.

333 et 333 Export

Restée active après l’indépendance du Sud-Vietnam, la brasserie de Saïgon est nationalisée en 1975 lorsque qu’elle tombe aux mains des Nord-Vietnamiens communistes qui unifient le pays et change le nom de la marque de la bière « 33 » en « bière 333 » (en vietnamien : ba ba ba, la bière aux trois « trois ») et « 333 Export » afin brouiller quelque peu ses origines coloniales et capitalistes.

Dans un premier temps, les Vietnamiens conservent l’importation de matières premières d’Allemagne, comme le faisaient les Français, mais nouent progressivement des partenariats avec l’Australie, en particulier pour le houblon, puis en ajoutant du malt qui n’était pas dans la recette originelle. De nos jours, la 333 Export est une bière de riz fabriquée à partir d’eau, de malt d’orge, de houblon et de riz. La 333 est une bière de type lager avec un goût légèrement malté. Elle titre à 5,3 %. Légère, elle est peu chargée en conservateurs.

Exportation

Aujourd’hui, la bière 333 export de qualité supérieure (333 Premium Export Beer) est exportée vers de nombreux pays : États-Unis (depuis 1994), Canada, Hong Kong, Singapour, Japon, Thaïlande, Australie, Pays-Bas.

Les déclinaisons et variantes de la 333 export

La Saïgon : marque de bière la plus ancienne du Vietnam, la Saïgon est née en 1875 à Saïgon, au sein de la brasserie de M. Victor Larue.

Elle est aussi déclinée en plusieurs variétés.

  • La Saïgon Lager en elle-même qui titre à 4,3 % d’alcool.
  • La Saïgon Special avec une teneur en alcool de 4,9 % d’alcool, est fabriqué à partir de 100 % de grain de printemps.
  • La Saïgon Export, bière blonde pâle est faite à partir de malt et de riz, ce qui lui donne des arômes céréaliers. Elle titre à 4,9° d’alcool.
  • La Saïgon Gold, titre à 5 % d’alcool, elle est vendue en diffusion restreinte.
  • La Lac Viet, avec un taux d’alcool de 4,3 %.
  • La Saïgon Chill, pour sa production, elle est vieillie à froid à 2 degrés Celsius. Avec une teneur en alcool de 4,6 %.
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