La bière traditionnelle

Il n’existe pas d’appellation officielle pour désigner la bière traditionnelle (autochtone, indigène, tropicale, ethnique ou ancestrale), brassée depuis des temps lointains par nombre de populations autochtones réparties sur tous les continents ; ainsi les anciens Égyptiens disposaient déjà de maisons de bière, cabarets et maisons closes des grandes villes où l’on y boit de la bière appelée heneqet ou tenemu et du zythum boisson assez semblable à de la bière que les anciens Égyptiens fabriquaient à partir d’orge germée et fermentée et porte aussi le nom de vin d’orge.

Bien qu’aujourd’hui la bière dans sa définition légale désigne un produit contenant au minimum de l’eau, du malt d’orge, du houblon et de la levure comme ingrédients, tel n’a pas toujours été le cas. En Occident, au Moyen Âge, le gruit remplaçait encore le houblon et la levure n’existait pas encore en tant que telle. On brassait alors aussi bien avec du froment que du seigle ou d’autres céréales. Certains types de bières artisanales ou industrielles forment d’ailleurs désormais des types de bières spécifiques en vertu de ces ingrédients particuliers.

Il est aussi essentiel de se rappeler la fonction de pain liquide dans nombre de sociétés qui consomment ces bières (auxquelles les enfants ont souvent accès), en plus de rôles sociaux ou rituels qui peuvent y être associés. La consommation individuelle de ces bières est très importante dans certains pays africains (+ de 160 l/an) et dépasse les records européens concernant la bière industrielle.

De manière générale, ces bières traditionnelles ne sont ni légères ni rafraîchissantes ; au contraire, elles ont un fort potentiel nutritif, et présentent un aspect trouble, voire opaque, délivrant peu de gaz (à moins qu’il ne s’agisse de bière verte ou tiède en pleine fermentation) et ayant un goût aigre ou acidulé ; on les boit très souvent à la paille afin de ne pas absorber des matières résiduelles et on ne les conserve pas. Quant à leurs taux d’alcool, ils sont très variables allant de 1 à 16 % en volume.

La production à petite échelle individuelle ne signifie pas que leur poids économique soit minime ; au contraire, la production de bière de banane ou de sorgho se chiffre en millions d’hectolitres et concurrence vivement le marché des bières industrielles quand il ne le domine pas (jusqu’à 80 % de part de marché), étant plus abordable. Les brasseurs occidentaux ne s’y sont d’ailleurs pas trompés en proposant à leur clientèle tropicale des bières brassées à l’aide de denrées locales, donc moins chères à importer et à vendre, et plus proches du goût traditionnel local. Comme par ailleurs, il existe de vrais problèmes d’hygiène des petites productions locales, au point que certains pays africains interdisent désormais le brassage domestique, les produits de substitutions sont du coup très recherché, mais le savoir ancestral est dès lors menacé.

À base de céréales

Toutes les céréales se prêtent à l’action de l’amylase, une enzyme digestive, qui transforme les sucres complexes comme l’amidon en sucres simples (tel le glucose, le fructose, le saccharose, le lactose, le maltose, le galactose… qui sont rapidement digérés, donc rapidement utilisables par l’organisme) ; toutefois, depuis les temps anciens, certaines ont été préférées.

  • Bière d’amidonnier : L’amidonnier était très prisé par les Anciens et on la retrouve notamment dans : le Sikaru (Sumer) ou le Zythum (Égypte antique).
  • Bière d’avoine : L’avoine est une céréale assez pauvre destinée à l’alimentation animale, et par défaut à des bières rustiques : le Chang ou bang chang appelé aussi Tongba ou Marwa (Bhoutan, Chine, Inde, Népal), la Keptinis alus (Lituanie), le Sahti (Finlande).
  • Bière de blé tendre (froment) : En raison de la prédilection de son usage en panification, le blé est moins usité en brasserie que l’orge. Ce style de bière est communément dénommé Bière Blanche, ce sont des bières de fermentation haute contenant du froment non malté, non filtrées ce qui leur donne cet aspect laiteux qui est à l’origine de leur nom. De nos jours, la levure utilisée est la Saccharomyces cerevisiae. Il existe deux grandes traditions de bière « blanche » : en Belgique (Witbier ou Tarwebier) et en Bavière (Weizenbier). Il existe plusieurs variétés en Europe de l’Est et en Afrique brassées à partir de malt de blé tendre : la Bouza et Kishk (Égypte, Nigéria, Soudan), le Hemeket (Égypte antique), le Kvas (Biélorussie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Ouzbékistan, Pologne, Russie, Ukraine), le Maijiu (Chine ancienne).
  • Bière d’éleusine : L’éleusine est une céréale secondaire qui joue un rôle important dans certains pays africains.
  • Bière d’épeautre : L’épeautre est rarement employé : Sikaru (Sumer).
  • Bière de fonio noir : Le fonio noir est une rare et très ancienne céréale africaine : Tchapalo ou Chapalo ou Dolo (Mali, Bénin, Burkina Fasso, Côte d’Ivoire, Niger, Togo).
  • Bière de maïs
  • Bière de mil : Beaucoup de variétés de mil existent, offrant diverses recettes de bières selon leurs ingrédients ou mélanges, tant en Asie qu’en Afrique ou en Amérique.
  • Bière de millet : Il en existe plusieurs variétés en Afrique et en Asie selon le type de malt utilisé
    • Millet
    • Sorgho
    • Blé
    • Bière de millet des oiseaux : Rare variété utilisée en Inde dans les zones tribales : Jann (Inde)
  • Bière d’orge : Avant d’intéresser les brasseurs industriels, l’orge a depuis longtemps été choisie pour confectionner la bière selon des recettes variées à travers le monde depuis l’antiquité.
  • Bière de riz : Il en existe plusieurs variétés en Asie selon le type de champignon (microscopique) utilisé. Puisque le riz utilisé est cuit et non malté, les Anglo-Saxons les qualifient souvent de Rice Wine, soit « vin de riz », mais « alcool de riz » serait plus exact.
  • Bière de seigle : Cette céréale rustique est depuis longtemps connue dans le brassage domestique des pays de l’Est.
  • Bière de sorgho : Il en existe plusieurs variétés en Afrique selon le type de malt utilisé.
  • Bière de teff : Céréale secondaire consommée en Afrique de l’Est.
  • Divers : Certaines variétés emploient des racines à la place du malt, d’autres sont mâchées puis recuites.

À partir de Rhizomes

L’usage de tubercules ou de racines comme matière première amylacée est répandu depuis longtemps, y compris avec la pomme de terre, bien qu’ici certaines variétés ne soient pas documentées.

  • Bière d’igname : Ce tubercule riche en féculent se prête aussi à la fermentation alcoolique.
  • Bière de gingembre : Cette racine bien connue a donné aux Caraïbes une boisson alcoolisée (sans matière amylacée au départ) devenue par la suite très en vogue en Amérique du Nord.
  • Bière de manioc : Il en existe plusieurs variétés en Afrique et en Amérique selon le type de malt utilisé. Parmi ces variétés, on distingue aussi celles qui utilisent des racines à titre de source d’amylase et enfin certaines variétés utilisent la salive humaine comme source d’amylase.
  • Bière de patate douce : La bière de patate douce (Ipomea batatas) est une boisson ancienne de la zone Caraïbe connue sous le nom de mabi (mapi/nap’i = patate en langue caribe). La patate douce joue un rôle alimentaire aussi important que le manioc pour les Amérindiens Caribes. La bière mabi intervient dans tous les moments importants de leur vie sociale (religion, médecine, puberté des filles et des garçons). À leur arrivée vers 1500, les Européens adoptent la bière de patate douce entre le XVIᵉ et le XVIIᵉ siècle. Après cette date, le mabi devient la bière des esclaves africains dans les îles des Caraïbes. Chose surprenante, ce sont les femmes amérindiennes qui préparent le mabi et la bière de manioc dont les techniques de brassage se ressemblent. À partir du xixe siècle, le statut du mabi change. Il devient synonyme de boisson indigène, boisson des plus pauvres, boisson déclassée par rapport au vin, au rhum et autres alcools industriels. La bière mabi tombe dans l’oubli. Au XXᵉ siècle, une boisson alcoolique baptisée bois-maby (Antilles françaises) ou mauby (Barbade) est préparée avec du sucre de canne, du gingembre et une écorce de bois-mabi (Colubrina reclinata/elliptica, Guaïcum officinale). Elle n’a rien de commun avec la bière mabi. Ce tubercule est souvent utilisé en remplacement du maïs.
  • Bière au sassafras : Cette racine est utilisée pour parfumer une boisson parfois alcoolisée (mais ne contenant pas de matière amylacée au départ) originaire d’Amérique du Nord.

À base de Fruits

Les fruits sont très rarement mis à contribution pour l’élaboration de la bière, mis à part les variétés amylacées dont la banane à bière est le principal représentant. Pour les autres, un ajout de céréales est nécessaire au brassage.

  • Bière d’ananas
  • Bière de banane : Il en existe plusieurs variétés en Afrique, en Amérique et en Océanie selon le type de malt utilisé.
  • Bière de datte : Rarement rencontrée, car souvent reliée au vin de palme, les historiens sont divisés quant au type de cette boisson (vin ou bière ?).
  • Bière de fruit à pain : Ce fruit de l’arbre à pain offre un matériau proche des féculents.
  • Bière de muratina : Ce fruit de l’arbre à saucisse est utilisé bien qu’il ait la réputation de ne pas être comestible.
  • Bière d’orange

À partir de diverses plantes

D’autres plantes sont aussi utilisées en fonction de leurs distributions et de l’absence de céréales :

  • Bruyère 
  • Canne à sucre 
  • Quinoa 
  • Palmiers 
  • Palmier pêche 
  • Sarrasin

À partir d’arbres

La sève, voire l’écorce, de certains arbres est aussi utilisé à titre d’ingrédient principal :

  • Bouleau 
  • Caroubier
  • Epicéa

À base d’autres ingrédients

  • Miel

Ferments

Les bières traditionnelles utilisent nombre de micro-organismes à titre de ferment, de levure ou de starter.

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