Les apéritifs à la gentiane

La liqueur de gentiane

Les racines de la grande gentiane (Gentiana lutea), macérées et/ou distillées, sont utilisées surtout utilisées en France dans des apéritifs comme la liqueur de gentiane (Suze, Salers, Avèze, etc.) ou l’alcool de gentiane, Bière de Fleurac, et le Picon, auxquels elle apporte son amertume. Elle est également utilisée en Suisse dans « l’Appenzeller Alpenbitter », et en Italie dans la « genziana », liqueur de gentiane des Abruzzes.

Appelées « amer » (amère) ou Bitter, elles sont des liqueurs apéritives fabriquées à partir de l’infusion de plantes amères. L’origine de ces boissons semble remonter du fin XIXe début du XXe siècle où elles répondaient à la forte demande de boisson au quinquina, boisson amère à base de quinine, souvent bue avec une eau gazeuse (tonic), qui était très en vogue à cette époque, d’abord dans les colonies dans lesquelles les fièvres obligeaient à prendre un fébrifuge, puis dans les stations climatiques et thermales à cette époque.

Les liqueurs à 16 % et à 20 % sont habituellement consommées à l’apéritif. Elles se boivent pures sur glace, ou additionnées de crème de cassis, de sirop de violette, de jus d’orange et servent également pour apporter la note d’amertume « Bitter » dans de nombreux cocktails. Il en existe d’autres à 25 %, moins amères. La liqueur de gentiane sert aussi à composer d’autres apéritifs amers comme le Picon, Byrrh, Dubonnet, Pikina, Saint-Raphaël, etc.

Les liqueurs de gentiane françaises

Les principales marques françaises de liqueurs de gentiane sont la Salers, l’Avèze et surtout la Suze

L’Avèze

Créée par Émile Refouvelet en 1921, sous le nom de « Auvergne Gentiane », l’Avèze est élaborée dès son origine à Riom-ès-Montagnes dans le Cantal, au cœur même du Parc naturel régional des Volcans d’Auvergne dont elle a obtenu le label.

La Salers Gentiane

En 1885, Ambroise Labounoux fonde une distillerie à Montaignac-Saint-Hippolyte, en Haute Corrèze, pour produire une liqueur de gentiane et s’approvisionnant en racine de gentiane dans les montagnes autour du village de Salers d’où elle doit son nom. La Salers est la désignation courante de la « Salers Gentiane ». Elle est distillée aujourd’hui à Turenne en Corrèze et est la plus ancienne liqueur de gentiane du Massif central.

La Suze

La société qui fabrique la Suze, la distillerie « Rousseau & Laurent » fut créée en 1795 à Paris avant de déménager à Maisons-Alfort en banlieue parisienne. De nos jours, elle produite à Thuir, à l’ouest de Perpignan (66) dans l’ancienne gare de triage des caves Byrrh, ensemble architectural conçu par l’ingénieur Gustave Eiffel auquel la marque rendra hommage en créant une bouteille à son nom.

Le Picotin

Au XIXe siècle, la distillerie fabrique un apéritif dénommé « Picotin » à base d’avoine, de gentiane et de diverses plantes exotiques, notamment l’orange. Il doit son nom à sa composition, car le picotin était également le surnom donné à l’avoine.

Sa première apparition remonte à 1889 quand Fernand Moureaux, année de l’érection de la Tour Eiffel, le propriétaire de la distillerie « Rousseau & Laurents » souhaite se démarquer de la concurrence en présentant son nouvel apéritif à base de gentiane à l’Exposition universelle de Paris de 1889 où il reçoit sa première médaille d’or.

Fernand Moureaux et son collaborateur le plus proche, Henri Porte, fils de son banquier, ont pour ambition de faire du « Picotin », un amer qui vienne concurrencer les grandes marques déjà sur le marché comme Byrrh, Saint-Raphaël et Pernod. Pour cela, ils développent la publicité : affiches publicitaires, encarts dans les journaux, ainsi qu’une contremarque appelée « Le Picotin apéritif ». Cette dernière était un jeton constitué d’une ancienne monnaie française ou étrangère sur laquelle, il était gravé les mots « LE PICOTIN APÉRITIF » et s’échangeait contre un apéritif, de la marque Picotin, mais aussi contre tout autre apéritif.

Promue par une affiche du célèbre dessinateur animalier, Benjamin Rabier (qui sera également l’auteur de la fameuse vache de la marque la vache qui rit), montrant deux ânes se désaltérant dans un baquet marqué « Picotin », la marque, surnommée « l’apéritif américain », semble alors promise à un bel avenir. C’est compter sans la réaction du concurrent Picon qui colle sur les affiches Picotin un bandeau avec, pour seule inscription « Enfin les ânes ont trouvé leur apéritif » !

Loin de s’avouer vaincus par cette leçon de réclame, Fernand Moureaux et Henri Porte décident, en 1895, de lancer une véritable marque, seule capable de conquérir un vaste marché.

La nouvelle recette

Parmi les produits développés dans le laboratoire de leur distillerie, Fernand Moureaux et Henri Porte découvrent un apéritif à la gentiane, titrant 35 à 37° et mis au point en 1885 par Félix Lebaupin, leur chef de laboratoire à partir d’une recette dénommée « or des Alpes » qu’ils avaient achetés auparavant à un herboriste Hans Kappeler, de Sonvilier dans le Jura bernois village situé le long de la rivière Suze (en allemand die Schüß ou die Schüss). Cette recette se démarquant complétement des boissons apéritives concurrentes, à base de vin, les deux associés font le pari d’un nouveau goût fondé sur l’alliance de l’amertume et du sucré. La Suze était née !

Afin de démarquer la Suze des autres apéritifs, Henri Porte s’inspire d’une bouteille râblée, au col court « tassé » déniché dans son grenier pour créer en 1896, une bouteille de couleur ambrée, longue, au col lui aussi court.

Il ne resta plus qu’à lui donner un nom. Ce sera Suze, nom facile à prononcer et à retenir choisi par le même Henri Porte en 1898.

L’origine du nom Suze n’est pas clairement définie et aurait deux possibilités :

  • Soit du prénom Suzanne que portait la belle-sœur de l’inventeur qui en avait l’habitude boire de la gentiane à l’apéritif et Fernand Moureaux avait alors coutume de dire « Comme d’habitude, servez une gentiane pour Suze ».
  • Soit du nom de la rivière Suze, Fernand Moureaux aurait reçu de la part du vendeur de la recette, montrant une petite rivière en contrebas, cette prédiction : « vous verrez que cet apéritif coulera en France comme la Suze à nos pieds ».

Donc en 1898, la marque « Suze » est créée avec sa célèbre bouteille et sa recette originale, c’est ce qu’on appelle aujourd’hui un « branduit » : néologisme formé en contractant le mot anglais « brand » et le mot français « produit » désignant un produit ou prestation standard qui associe une recette ou une formule unique à un conditionnement ou une présentation spécifique et à une dénomination propre (nom de marque) de façon indissociable.

À sa création, c’est un alcool fort (32°, 80 g de sucre par litre). En 1945, un changement important dans la fabrication de la boisson entraîne la baisse de la tenue en alcool. La Suze ne titre plus qu’à 16° (21° en Suisse) et à 200 g de sucre par litre. La teneur en alcool se stabilisera par la suite à 15°.

Le développement

À l’issue de la grande guerre, la réclame (comme on disait à l’époque) bat son plein, les murs de France étaient recouverts de publicité qui de nos jours, on peut encore deviner le nom Suze peint sur quelques murs. Une telle présence était justifiée par le développement de la marque, mais était qui était freinée par appellation, car l’étiquette mentionnait « Gentiane Suze » et les consommateurs, commandant une gentiane, consommaient souvent une imitation. C’est le gendre d’Henri Porte, Enguerrand de Vergie qui y remédièrent en 1922, en remplaçant la mention par « Suze à la gentiane », alors les ventes décollent, passant de 900 000 litres annuels durant les années 1920, à 13 millions dans les années 1930. La société devient « Distillerie de la Suze » et créé une deuxième distillerie à Pontarlier au plus près de l’extraction des racines de gentiane, illustrée par la célèbre affiche de l’arracheur de gentiane.

Recommandée par d’éminents médecins, elle est surnommée « l’amie de l’estomac » en 1934.

Le tour de France

En 1933, la marque sponsorise le Tour de France. Elle développe pour l’occasion un cocktail mélange de Suze et de liqueur de cassis, appelé « Fond de culotte ». Loin d’être graveleux, la culotte, ici, est celle des coureurs cyclistes, avec un jeu de mots : « un fond de culotte ne s’use qu’assis ».

Durant les années 50 et 60, Suze édita lors des Tours de France un journal quotidien et l’accordéoniste Yvette Horner assura le succès de la marque durant cette période en parcourant les routes du Tour de France, perchée au sommet d’un véhicule Citroën peint aux couleurs noire et jaune de la marque ce qui la rendit populaire et y gagna le surnom de « Suzy la rousse ».

Recette d’Apéritif à la gentiane

Ingrédients / pour 6 personnes

  • 1 bouteille de vin blanc sec
  • 1 zeste d’orange (non traitée)
  • 200 g de sucre en poudre
  • 20 têtes de camomille
  • 20 g d’écorces d’oranges amères
  • 5 g de racine de gentiane
  • 1 gousse de vanille fendue en 2 (facultatif)
  • 15 cl d’alcool pour fruits à 40 °C (facultatif)

Préparation 

  1. Peler l’orange avec un couteau économe afin de ne pas prélever la peau blanche. Mesurer tous les autres ingrédients.
  2. Verser le vin dans une jatte ou un grand pichet. Y verser l’alcool et tous les autres ingrédients. Laisser macérer couvert pendant 5 à 6 jours.
  3. Pour finir, filtrer, mettre en bouteille et conserver au réfrigérateur.

Autre recette d’Apéritif à la gentiane

Ingrédients / pour 8 personnes

  • 1 L de vin blanc
  • 180 g de sucre
  • 25 cl d’eau-de-vie
  • 5 g de racine de gentiane séchée

Préparation

  1. Lavez et brossez la racine, puis coupez-la en morceaux. Faites-les macérer avec l’eau-de-vie durant 48 h
  2. Au bout de deux jours, ajoutez le vin et le sucre à cette eau-de-vie aromatisée. Filtrez et embouteillez.
  3. Laissez reposer une semaine de plus avant de déguster.

Cocktail à la gentiane

Ingrédients pour 2 personnes

  • 10 cl de Gin
  • 3 cl de Vermouth blanc
  • 3 cl de sirop de gentiane
  • 1 lanière de zeste d’orange
  • 6 glaçons

Préparation 

Dans un shaker, réunissez le Gin, le Vermouth, le sirop de gentiane et le zeste d’orange. Ajoutez les glaçons, refermez et secouez énergiquement pendant quelques minutes.
Versez le cocktail avec les glaçons dans des verres à pied en retirant le zeste, et dégustez sans attendre.
Essuyez le bord du verre avec une tranche d’orange afin d’y faciliter l’adhésion du sucre, puis trempez-le dans du sucre en cristal.

Autre cocktail, la Gentiane Royal

Ingrédients

  • 4 cl de Gentiane
  • 2 cl de Crème de cassis
  • 4 cl d’Eau gazeuse
  • 1 demi rondelle ou écore d’orange

Préparation directement dans le verre.

Le spritz auvergnat

La recette est simple, il faut juste se souvenir de la formule : 3, 2, 1.

  • 3 doses de Prosecco italien ou tout autre vin pétillant très sec
  • 2 doses de biter : Salers ou Avèze ou autre liqueur de gentiane
  • 1 dose d’eau pétillante ou eau de Seltz
  • glace

Autre recette

  • Déposez des glaçons dans votre verre
  • Versez 3cl Gentiane,
  • 6cl de vin effervescent,
  • 6cl d’eau gazeuse
  • finissez par 2cl de sirop de pamplemousse.

Vous pouvez aussi décorer votre verre d’une rondelle d’orange.

L’alcool de gentiane

L’alcool de gentiane ou eau-de-vie de gentiane, ou encore plus simplement gentiane (ce qui induit des confusions avec la liqueur de gentiane) est une boisson alcoolisée, traditionnellement produite à partir des racines et des rhizomes fermentés de la gentiane jaune (aussi appelée « grande gentiane »).  Cette eau-de-vie est produite dans certaines régions de France, de Suisse, d’Italie, d’Allemagne et d’Autriche.

Récolte et distillation

Gençanaïres dans le Velay avec leurs fourches du diable

L’alcool de gentiane est distillé à partir des racines et des rhizomes fermentés de la gentiane jaune. Les racines et les rhizomes sont traditionnellement arrachés par les gençanaïres ou gentianaires durant l’automne pour une distillation qui se déroule pendant l’hiver. Quinze kilos de racines et de rhizomes de gentiane permettent de produire un litre d’alcool. La fabrication de cette eau-de-vie passe par trois étapes primordiales. Dans un premier temps, les racines et les rhizomes sont soigneusement nettoyés et réduits en fines lamelles.

Puis après 6 semaines de fermentation dans des caves chauffées à 20 °C, une première distillation du moût produit un liquide titrant de 25 à 30 % appelé « blanquette » dans le Jura (ce liquide prend le nom de « flegme » lors de la distillation de grains ou de « brouillis » dans la distillation du Cognac). La blanquette est ensuite redistillée et donne après rejet des distillats de tête (encore appelés dragon ou chien dans le Jura) un produit titrant de 70 à 90 %, réduit ensuite par addition d’eau pour donner un produit final titrant de 40 % à 55 % suivant le goût du distillateur.

Consommation

L’eau-de-vie de gentiane est consommée traditionnellement en tant que digestif. Elle remplace parfois la vodka dans la coupe colonel (sorbet au citron accompagné de vodka).

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