Le Pastis de Marseille

Le pastis est une boisson alcoolisée aromatisée à l’anis et à la réglisse, variante de l’absinthe, apéritif traditionnel de la cuisine provençale et de la cuisine française.

L’histoire du Pastis

Le 16 mars 1915 (durant la première Guerre mondiale) l’absinthe et des boissons similaires sont interdites en France. En réaction, le fils d’un ancien industriel de l’absinthe, Jules-Félix Pernod, dépose la marque Anis Pernod en 1918 (variante autorisée de l’absinthe). C’est donc le véritable inventeur du pastis commercialisé à partir de son usine de Montfavet près d’Avignon.

Toutefois, très floue, la loi laisse des doutes et la production des boissons à base d’anis chute. En 1920, l’État autorise à nouveau la production et rétablit l’autorisation des consommations anisées dont le degré d’alcool est inférieur à 30°. Puis, en 1922, le degré est relevé à 40°. Une véritable frénésie s’empare alors de la Provence où tous les bars vendent du pastis. Chaque marque personnalise ses recettes en ajoutant à l’anis d’autres plantes aromatiques telles que le fenouil, l’anis vert, la réglisse, etc.

Paul Ricard fait preuve d’innovation en élaborant une recette incluant de l’anis étoilé, de l’anis vert et de la réglisse. Son slogan, « Ricard, le vrai pastis de Marseille », apparaît en 1932. C’est la première fois que le mot pastis apparaît sur l’étiquette d’un apéritif anisé. Un très large réseau de distribution permet à ses ventes de décoller et il devient le premier vendeur de pastis au détriment de Pernod.

Pastis « de Marseille »: Pour avoir droit à l’appellation « pastis de Marseille », le pastis doit avoir un titre alcoolique de 45 % et une concentration d’anéthol de 2 g/l2. Du fait de sa teneur en anéthol supérieure à celle d’un pastis commun, il est beaucoup plus sensible au froid. Un trouble apparaît à partir de 8, voire 10 °C. Dès qu’il est remis à température ambiante, le trouble disparaît rapidement, sans que le produit ait une quelconque altération de sa qualité, ni de son goût.

Le pastis Casanis est créé en 1925 par Emmanuel Casabianca à Bastia en Corse, qui décide ensuite de traverser la Méditerranée et de s’installer à Marseille. Cette double origine est désormais symbolisée par les deux blasons marseillais et corse. Un verre de Casanis est familièrement appelé un Spaggiari, jeu de mot faisant référence au « casse à Nice » où Albert Spaggiari célèbre auteur du « casse du siècle » survenu à la Société générale de Nice, en juillet 1976.

En 1938, on autorise la production et la vente de pastis et boissons anisées titrant 45°.

Sous le Régime de Vichy, le pastis est interdit en août 1940 comme toutes les boissons au-dessus de 16°. Le régime du maréchal Pétain reprochait à la « France de l’Apéro », celle du Front Populaire, celle des marcels et des congés payés où l’on sirotait un jaune, d’être responsable de la défaite et de la dénatalité du pays. Le petit jaune marseillais, légalisé deux ans plus tôt par Léon Blum, apparaît comme la boisson à abattre.

Ce qui se traduit dans les faits que l’usine Pernod est transformée en chocolaterie, celle de Ricard produit du vermouth, des jus de fruits, des alcools carburants pour le maquis. À la Libération, la déception est d’autant plus grande que le nouveau gouvernement (principalement la ministre de la Santé Germaine Poinso-Chapuis, surnommée « chapeau pointu » par Paul Ricard) ne révoque que partiellement les dispositions de Vichy en n’autorisant que les apéritifs à 40° : une quarantaine de distillateurs clandestins produisent leur pastis. Une taxe est alors prélevée par leur syndicat pour financer d’éventuels procès. l’État soucieux de trouver de nouvelles recettes fiscales abroge la prohibition en 1949. En 1951, une loi interdit la publicité des produits anisés par affiche et par presse, Pernod relance sa boisson sous l’appellation de « Pastis 51 » et envoie alors ses commerciaux (appelés « structure de propagande » à l’époque) qui contournent cette interdiction en développant des produits dérivés (pot à eau, cendrier, bob, etc.).

À la même époque, Paul Ricard, en janvier 1952, embauche comme représentant un ancien résistant qui deviendra ministre, Charles Pasqua, qui, lorsqu’il quitte l’entreprise en 1967, est alors numéro 2 du groupe.

Jusqu’à leur fusion en 1975, les sociétés Pernod et Ricard se livrent une concurrence rude sur le marché des boissons anisées qui atteint son apogée dans les années 1960. Le groupe Pernod Ricard domine aujourd’hui le marché mondial du pastis avec les marques Ricard et 51 (qui fut d’abord commercialisé en 1951 sous la marque Pernod 51, puis Pastis 51 de 1954 à 1999).

D’autres marques de pastis se partagent le reste du marché, notamment les Marseillais Duval et Casanis (tous deux la propriété du groupe Boisset et produits dans la même distillerie) et Berger (deux pastis, un blanc, Berger blanc et un jaune, Berger pastis de la société Gemaco de la maison Marie Brizard, détenue par le groupe Belvédère).

Depuis les années 1990, les marques dites « économiques » se sont approprié près de 40 % du marché français, parmi lesquelles Cigalis, la marque des hypermarchés Cora, ou encore la marque du maxidiscompteur Leader Price.

Des distillateurs locaux sont répartis dans l’arrière-pays provençal ou méditerranéen. La société Cristal Limiñana, restée à 100 % familiale depuis 1884, fabrique dans son usine située à Marseille intra-muros le pastis Un Marseillais. Liée à la Maison Damiani, le Pastis Dami’anis, quant à lui, voit le jour en 1935. Il sera plus tard rebaptisé Pastis Dami et reste le dernier pastis corse à subsister.

La distillerie Janot, à Aubagne, produit différents pastis, dont la distribution est centrée en région PACA. Les Distilleries et Domaines de Provence avec leur Pastis Henri Bardouin, médaillé d’or du concours agricole de 2008, visent le marché haut de gamme des pastis plus complexes et raffinés. L’artisanal Pastis des Homs produit à Nant (Aveyron) obtient deux fois la médaille d’or du concours général agricole.

En 2016, la distillerie Larusée à Fenin crée le premier pastis artisanal de Suisse et obtient deux médailles d’or au Paris International Trophy et au Palmarès National de l’AVGF (Académie des Vins et de la Gastronomie Française) en 2019.

Dénominations régionales

Le pastis est aussi appelé un jaune ou un flai (et non fly) dans le sud de la France. Il peut également s’appeler fenouil, pommade, flan, voire plus récemment flambi si la proportion d’eau est faible. On peut entendre dire qu’un pastis est « gras » lorsque la proportion d’alcool est importante. S’il est vraiment très gras, on l’appelle « yaourt » ou « soupe de pastis ». On dit aussi pastaga dans le sud-est de la France, plus particulièrement du côté de Marseille.

Il est courant de demander « un Ricard » du nom de la société historique ayant réussi à lier le nom de sa marque à cette boisson dans l’esprit collectif. Il est également appelé Pontarlier en Franche-Comté.

La momie ou mominette est un pastis servi dans un petit verre. Ricard organisant des courses mecanique dont de mobylette, il est également appelé dans certaine région du sud de la France mobylette ou mobilette. Une histoire de l’époque rapportée par le journal la Dépêche du midi jouait sur la confusion de l’expression :

« Dis papa, pourquoi tu es toujours tout rouge ?

  • Eh bien, vois-tu, l’hiver, quand je rentre en mobylette, l’air frais me rend tout rouge.
  • Ah bon. Mais pourquoi l’été aussi, tu es tout rouge ?
  • Eh bien, c’est à cause du casque quand je rentre en mobylette, ça me fait trop chaud.

Soudain la mère excédée se lève de table et attrape la bouteille de pastis.

Son mari surpris lui demande :

  • Mais qu’est-ce que tu fais mon chou ?
  • Et bien, tu vois, je range la mobylette… »

Un Gainsbourg (une des boissons préférées de l’artiste Serge Gainsbourg) est un double pastis 51, c’est-à-dire un 102. On utilise également le nombre 153 pour qualifier un triple pastis (3/4 de pastis, 1/4 d’eau).

Boissons apparentées

Dans le bassin méditerranéen, les Balkans et le Caucase, on trouve d’autres boissons aromatisées à l’anis (en général de couleur blanche ou transparente et sans réglisse, ce qui les rend plus proches du berger blanc) :

  • Algérie : l’anisette ;
  • Grèce : l’ouzo ;
  • Bulgarie, ex-Yougoslavie : la mastika ;
  • Turquie, Arménie : le raki ;
  • Liban, Syrie, Israël, Jordanie, Palestine : l’arak ;
  • Italie : la sambuca ;
  • Espagne : l’aguardiente, l’anis del Mono (Badalona), l’anis, le chinchon et la cazalla.

Il existe même un Pastis californien, produit par distillation.

Cocktails

  • La mauresque (ou moresque), à base de pastis et de sirop d’orgeat, aussi appelée « EPO » eau, pastis, orgeat) par analogie avec l’érythropoïétine (EPO), parfois utilisée par des sportifs comme agent dopant. Ttrès populaire dans le sud de la France, il fut créé à l’origine par les soldats français servant dans le bataillon d’Afrique au cours de la campagne d’Algérie des années 1830 et 1840. Ce bataillon portait également le nom de « Bureau arabe », en référence au bureau militaire chargé des affaires locales, dont on disait qu’il agissait « comme une main de fer dans un gant de velours ». Son nom pourrait venir, par analogie de couleur, des mauresques qui étaient habillées de blanc.
  • La tomate, à base de pastis et de sirop de grenadine.
  • Le perroquet, à base de pastis et de sirop de menthe. Désignant en Belgique une bière menthe.
  • La feuille morte, à base de pastis, sirop de menthe et de sirop de grenadine.
  • La limonette, à base de pastis et de limonade. Un verre, deux pailles.
  • Le mazout, à base de pastis et de Coca-Cola. Des fois, nom donné au whisky coca en Afrique.
  • Le pélican, à base de pastis et de sirop de pêche.
  • Le pétrole, à base de pastis et de bière.

Gastronomie

Le pastis (ou toute autre forme d’alcool, anisé ou non) peut entrer dans la confection d’un certain nombre de recettes de cuisine, comme les gambas et crevettes flambées au pastis, poulet au pastis, moules au pastis, salade niçoise au pastis, brochettes de thon au pastis, melon au pastis, daurade ou loup au pastis, coupe de fraises au pastis, rouget au pastis, moutarde au pastis, soupe d’agrumes au pastis, omelette au pastis, la crème glacée au pastis… La cuisson supprime généralement toute trace d’alcool dans le plat fini.

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