De l’eau de Seltz au Gin tonic

Eau de Seltz

Récipient à eau de seltz

On appelle couramment eau de Seltz une eau gazeuse faite d’eau pure, chargée d’acide carbonique sous forte pression. Elle est conservée dans une bouteille spécifique, généralement métallique, munie d’une valve, appelée « siphon ».

Historiquement, l’eau de Seltz est une eau minérale naturellement gazeuse provenant des sources du massif montagneux du Taunus proche de la ville allemande de Niederselters (land de Hesse).

C’est une eau minérale alcalino-muriatique, basique en raison de sa teneur en bicarbonate de soude et riche en sel. Dès le XVIe siècle, cette eau était connue pour ses propriétés thérapeutiques, digestives et diurétiques.

La consommation se répand en Europe dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle (eau de Selse, 1771), puis au XIXe siècle avec le développement des théories hygiénistes, particulièrement après l’épidémie de choléra qui a ravagé Paris en 1832. On entreprend alors la fabrication d’eau de Seltz artificielle, par adjonction de dioxyde de carbone (CO2, communément appelé « gaz carbonique »).

La limonade

citronnade

Initialement, la limonade à la même origine que la citronnade et l’orangeade qui sont des boissons à base d’eau, de sucre et de jus d’agrume (citron, orange, limon). Ce sont des boissons désaltérantes (coupe soif), peu sucrées et non-gazeuse traditionnellement consommé en Afrique du Nord et au proche et au Moyen-Orient. La limonade tire son nom du citronnier « Citrus limon » appelé également limonier. Initialement non gazeuse, elle est parmi les plus anciennes boissons du commerce des boissons, remontant au moins au XVIIᵉ siècle. Composée d’eau, de jus de limon et de miel, la limonade et vendu à Paris idées 1630 par des vendeurs ambulants. L’engouement pour la limonade y est tel que les vendeurs ont formé une corporation appelée « Compagnie de Limonadiers ».

Au XVIIIᵉ siècle, la limonade fut utilisée pour ses qualités médicales et pharmaceutiques. Elle fut à cette époque par ailleurs utilisée sous forme de poudre à diluer sur les navires pour lutter contre le scorbut.

Apparition des bulles

limonade

c’est vers 1780 que limonade et citronnade se séparent avec l’invention par Johann Schweppe d’une nouvelle méthode de carbonatation qui consiste à ajouter du gaz carbonique dans les bouteilles et qui rendait la production de masse ainsi que sa diffusion plus efficace.

Limonade Valstar

C’est à partir de 1830, du fait de la disponibilité immédiate de « soda water » (eau gazéifiée) Schweppes avait fait chuter les ventes de la limonade en Europe que les limonadiers se mirent à gazéifier leurs eaux.

Aujourd’hui, la limonade est une boisson gazeuse dans la plupart des pays du monde et est constituée de jus de citron, d’eau et de sucre. Elle est considérée par certain comme un soda bien la dose de sucre soit moindre et son origine différente.

Soda

Limonade thaïlandaise

Si le mot soda entré dans la langue française au XIXe siècle, son histoire est bien plus ancienne et remonte à l’« invention » de l’eau gazéifiée (« soda water ») et son développement par le polymathe britannique Joseph Priestley vers 1770 (scientifique ayant des connaissances approfondies dans un grand nombre de domaines). Sa technique reprise et améliorée par Johann Jacob Schweppe dans les années 1780.

Le mot est issu de l’expression anglaise « soda water » qui désignait l’ensemble des eaux gazeuses. Soda quant à lui désignant le gaz carbonique « bicarbonate of soda ».

Depuis le XIXe siècle, il désigne traditionnellement les boissons gazeuses non alcoolisées composées d’eau, de sucre et de différents types d’extrait de plantes/fruits et de gaz carbonique.

Elles pouvaient être parfois appelées « Club Soda ».

Parmi les plus anciennes boissons gazeuses à avoir été commercialisées figurent le Coca-Cola (1886) ou encore le Pepsi-Cola (1898).

Les eaux toniques

L’eau tonique (appelée aussi tonic, provient de l’anglais tonic water) est une boisson gazeuse, type « soda club », à base d’essences d’oranges amères et d’extraits de quinquina, ce qui lui confère un goût légèrement amer.

Deux bouteille d’eau tonique : à droite sous de la lumière noire, la quinine rend le produit fluorescent.

Les sodas dits « tonic » (Schweppes, Canada Dry, Finley, etc.) tirent ainsi leur goût amer et leur phosphorescence sous rayonnement ultraviolet de cet additif dont la teneur est encadrée.

Au début du XIXe siècle, c’est une décoction appelée « tonique-amer », résultat de la macération d’écorces de quinquina dans de l’eau. Elle était utilisée comme traitement contre la malaria, comme digestif, et dépuratif, mais le goût était tellement amer qu’on y ajoutait du sucre (miel ou sucre de canne), et parfois du rhum. Il existe d’autres plantes servant à fabriquer des toniques amers, comme la gentiane ou le gingembre.

La transformation en soda, à partir d’eau gazeuse, devient populaire à partir des années 1850-1860, laquelle est réputée bonne pour la digestion, et de nombreuses marques se développent comme Schweppes (la plus ancienne) qui lance le « Ginger ale » (au gingembre) et l’Indian Tonic, qui comprend aussi des extraits d’agrumes. L’objectif de la quinine étant de donner une saveur amère. Tous les sodas portant la mention « Tonic » contiennent de la quinine et offre la particularité d’être fluorescent.

L’histoire du Schweppes

Publicité pour les produits de la marque Schweppes en 1883.

Créé par un Suisse-allemand Johann Jacob Schweppe (1740-1821), il développe au début des années 1780 une méthode pour charger l’eau en gaz carbonique (dioxyde de carbone- CO2). Il dépose un brevet pour le procédé en 1783. En 1790, Schweppe s’installe en Angleterre où il fonde avec des associés sa société « Schweppe, Paul and Gosse » puis « J.Schweppe & Co », après le départ de ceux-ci.

À cette époque, l’eau de Schweppe créée par un procédé industriel permet de répondre à la demande toujours croissante d’eau de Seltz, reçoit les faveurs du corps médical qui juge sa qualité supérieure à celle des autres eaux grâce à son processus de carbonatation.

L’eau de Schweppe est déclinée en trois catégories « Acidulous Rochelle Salt Water », « Seltzer, Spa & Pyrmont Water » et « Tooth Lotion of Soda » où il est précisé que l’eau-médicament peut être mélangée à du rhum ou du cognac.

La bouteille ovoïde de Schweppes utilisée tout au long du xixe siècle et surnommée « Drunken Bottle ».

Le terme « soda water » est utilisé dès 1798 dans ces publicités qui est la première occurrence de cette terminologie. En 1799, l’eau de Schweppe (Schweppe’s water) est vendue dans toute la Grande-Bretagne.

Les bouteilles des eaux Schweppes ont alors une forme ovoïde afin de mieux contenir le gaz et lui valent les surnoms de « Drunken bottle » (bouteille bourrée du fait qu’elle ne tient pas debout) et « Torpedo » (torpille).

Au début du XIXe siècle, les boissons de Scheweppe ne sont plus spécialement réservées à un usage médical et créent en 1835 le « Schweppe’s Aerated Lemonade » (limonade gazéifiée).

Indian tonic

Schweppes Indian Tonic

En 1870, le groupe lance ses deux produits principaux : « Ginger Ale » (au gingembre) et « Indian Tonic ».

« Indian Tonic » est une eau tonique, contenant des extraits de quinine et d’orange amère qui donnent au breuvage un goût amer qui a depuis été associé à la marque Schweppes.

Le « Schweppe’s indian tonic » tire son nom du fait que les premiers extraits de quinquina utilisés dans sa fabrication venait des plantations britanniques de Darjeeling et de Ceylan et s’inspire de la coutume des colons britanniques stationnés aux Indes, qui buvaient régulièrement des breuvages contenant de la quinine pour se prémunir de la malaria (à usage préventif).

C’est cependant après la Seconde Guerre mondiale que l’Indian Tonic est diffusé de manière plus large.

Le gin

Le gin est un alcool très sec obtenu par la fermentation alcoolique d’un malt (d’orge, de seigle, de maïs…) aromatisé principalement de baies de genévrier, à l’instar du Genièvre dont il serait dérivé.

dutch genever

Le genièvre est une boisson traditionnelle du nord de la France, de Belgique et des Pays-Bas, cet alcool à base de baie de genièvre (Juniperus communis L.). Il ne doit pas être confondu avec le Genepy réalisé à base de certaine variété d’armoise : Artemisia eriantha, Artemisia genipi, Artemisia umbelliformis, Artemisia glacialis.

La première distillation de genièvre pourrait avoir été effectuée par la distillerie Bols, fondée en 1575, réputée pour être la plus ancienne distillerie du monde et la première à commercialiser le genièvre en tant que tel en 1664.

Les baies de genièvre étaient connues pour leurs effets anti-infectieux, antiseptiques, pour soulager les rhumatismes, la goutte, les infections urinaires et les douleurs provoquées par les calculs biliaires que comme traitement des digestions très difficiles et des gaz intestinaux. Elles sont ajoutées préventivement lors de la préparation de plats un peu lourds, de certains plats de gibier ou viandes grasses, notamment en raison de leurs propriétés digestives. Elles peuvent également être utilisées pour leur parfum dans la choucroute et les pâtés.

London gin

La production de gin a commencé dans les Pays-Bas espagnols à la fin du XVIIe siècle, sous le nom de Genever. On attribue souvent son invention au fondateur de l’université de Leyde, le médecin Franciscus de le Boë dénommé pareillement Franciscus Sylvius, sans que cela puisse être établi avec certitude. Expert dans la composition de potions médicinales, il aurait, vers 1650, réalisé un remède à base de baies de genièvre qu’il baptisa « genièvre » (en français dans le texte).

Initialement vendu par les Hollandais aux Anglais sous le nom de « Genever » soit comme alcool pur ou coupé avec du mauvais vin portugais, il s’est répandu en Angleterre avec accession au trône britannique de Guillaume III d’Orange-Nassau. Les distilleries anglaises produisent un alcool proche du « Genever » qui est baptisé « Gin ».

C’est à cette époque que se situe la genèse de la mode des alcools forts, les « eaux-de-vie » (aqua vitae) en Europe.

  • Aquavit suédois

    L’eau-de-vie fut élaborée au Moyen Âge par des alchimistes qui tentaient de créer un élixir de longue vie. On lui a longtemps attribué des vertus médicinales, avec une certaine raison, car le degré alcoolique de la plupart des eaux-de-vies en faisait d’excellents antiseptiques utilisables en internes (gargarismes en cas d’inflammation de la sphère ORL). Elle servait encore à soigner les enfants jusqu’à l’aube du XXe siècle, avec certains dégâts sur leur développement physique et mental ainsi que leur santé à long terme du fait des doses données.

  • L’Aquavit est une eau-de-vie de céréale ou de pomme de terre parfumée avec différentes substances aromatiques dont la plus ancienne référence se trouve dans une lettre de 1531 d’un seigneur danois de Bergenshus, Eske Bille. Elle est fabriquée traditionnellement dans les pays scandinaves, tire son nom du latin « aqua vitae ».

Il existe deux grandes variétés de gin :

  • Genever dit Dutch gin (Gin hollandais ou belge). C’est un gin très aromatisé qui peut parfois être vieilli en fûts de chêne ayant contenu du Xérès, ce qui lui confère une teinte jaune paille (Yellow Gin). En Wallonie, il est connu sous le nom de peket.
  • London Dry Gin (Gin anglais). Plus légèrement aromatisé, le gin anglais est donc plus facilement utilisé dans la composition des cocktails.

Navy Gin

Plymouth Gin Commissioning kit

Par le passé, le gin employé sur les bâtiments de guerre de la « Royal Navy » titrait à près de 57° (100° English proof), ce qui permettait de conserver les propriétés explosives de la poudre à canon si elle était mise en contact accidentellement avec la boisson (stockage en soute). Ce gin peut être trouvé encore dans certaines distilleries, comme celle de Plymouth, sous l’appellation « Navy Gin » (Gin de la marine). Il était de tradition dans la Royal Navy que tous les navires nouvellement mis en service reçoivent un « Plymouth Gin Commissioning kit », une boîte en bois contenant deux bouteilles de Navy gin de Plymouth et des verres.

Le gin tonic

Gin tonic

La tradition veut que ce cocktail ait été introduit par la Compagnie anglaise des Indes orientales en Inde au XVIIIe siècle où l’on utilisait la quinine diluée dans de l’eau pour lutter contre le paludisme. Initialement pour lutter contre le goût très amer de la quinine, elle était associée à du sucre et à du Gin ou du Rhum pour le rendre plus acceptable. C’est à cette même époque qu’est créée l’eau tonique, boisson gazeuse contenant de l’eau additionnée de quinine.

C’est donc naturellement que le mariage du gin et de l’eau tonique s’opère, associant les vertus du quinquina à celle du genièvre, pour produire un mélange très plaisant qui devint populaire parmi les militaires et colons britanniques au début du XIXe siècle. En effet, l’amertume de l’eau tonique (devenue moindre aujourd’hui) se marie relativement bien avec les notes vertes du gin (issu du genévrier). La boisson devint populaire, au-delà de son seul rôle préventif, surtout que le liquide présente l’apparence de l’eau, ce qui permettait d’en boire en toute discrétion.

Winston Churchill déclare ainsi : « Le gin tonic a sauvé davantage de vies et d’âmes anglaises que tous les médecins de l’Empire ».

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