La myrrhe est une gomme-résine aromatique produite par l’arbre à myrrhe (Commiphora myrrha ou Commiphora molmol). La résine de myrrhe a été utilisée à travers toute l’histoire comme parfum, encens et en médecine. Elle est aussi une des deux plantes, avec l’encens, apportées par les rois mages.
Le nom de genre Commiphora se compose de deux parties : le grec « kommi » (gomme, ou adhésif) et « pherein » (porter) ; il signifie donc littéralement « support adhésif ».
L’arbre à myrrhe
Celui-ci, appelé également balsamier, est un arbuste originaire de l’Afrique de l’Est et de la péninsule Arabique, d’une hauteur d’environ 3 m, avec de nombreuses branches écailleuses, noueuses et hérissées d’épines, .de la famille des Burseraceae. À la fin de l’été, l’arbuste se couvre de fleurs rouge orangé, tandis que son tronc se boursoufle de nœuds. C’est de ces boursouflures que s’écoule la myrrhe, en petites larmes jaunes que l’on recueille une fois qu’elles ont séché.
Il ne doit pas être confondu avec un arbre fruitier d’Afrique, le baumier ou arbre à baume (Dacryodes macrophylla) issu de la même famille et pareillement appelé balsamier.
Dans la Grèce antique, l’arbre à myrrhe était consacré à Aphrodite.
Les résines de gomme-résine aromatique d’un certain nombre d’autres espèces de Commiphora sont par ailleurs utilisées comme parfums, médicaments (tels que les pansements aromatiques pour plaies) et ingrédients de l’encens. Ces résines de type myrrhe sont connues sous le nom de bdellium (y compris le guggul et le bdellium africain), le baume (baume de Galaad ou baume de la Mecque) et l’opopanax (bisabol).
Le baume de la Mecque, de Galaad ou de Judée
Une gomme à peu près similaire à la myrrhe, appelée « baume de La Mecque », est produite par le Commiphora opobalsamum. Elle pouvait être un des multiples constituants de la thériaque : célèbre contrepoison rapporté à Rome par Pompée, puis complété par Andromaque, médecin de Néron et faisant partie de la pharmacopée maritime occidentale au XVIIIe siècle.
Commiphora opobalsamum (ou Commiphora gileadensis) est un arbre originaire du sud de l’Arabie et naturalisé, depuis l’antiquité, dans l’ancienne Judée (Palestine / Israël).
La résine du Commiphora gileadensis porte également les noms de baume de Judée, baume de la Mecque ou baume de Galaad. Elle est un liquide jaune doré, plus ou moins consistant, voire solide, d’une odeur suave rappelant celle du citron, de saveur amère et astringente. Elle était utilisée pour les soins de la peau, pour cicatriser les plaies et pour les maux d’estomac ou d’intestin.
Le plus célèbre site de production de baume de la région a été la ville juive d’Ein Gedi. Ce baume a été utilisé pour la médecine et le parfum dans la Grèce antique et de l’Empire romain. Ainsi, Pline l’Ancien le mentionne comme l’un des ingrédients du « Parfum Royal » des Parthes dans son Naturalis Historia. En latin, la résine est nommée opobalsamum, le fruit séché, carpobalsamum, et le bois, xylobalsamum.
Lorsque le « baume » est mentionné dans les traductions de la Bible, cela ne sous-entend probablement que le produit. Sa relation littéraire avec Galaad vient de la Genèse chapitre 37 et de Jérémie chapitres 8 et 46 (cité ci-dessous). Le Baume de Galaad mentionné dans la Bible qui cite un baume transporté par les caravanes du pays de Galaad jusqu’en Égypte (Genèse 37,25).
Ce baume biblique a donné son nom à un negro spiritual titré « There Is A Balm In Gilead », le baume de Galaad étant supposé calmer toutes les douleurs.
De la version du Roi Jacques de la Bible :
- « Une compagnie d’Ismaélites venait de Galaad avec leurs chameaux portant des épices et du baume et de la myrrhe, faisant route vers l’Égypte. »
— Genèse 37,25.
- « N’y a-t-il point de baume en Galaad ?
N’y a-t-il point de médecin ?
Pourquoi donc la guérison de la fille de mon peuple ne s’opère-t-elle pas ? »
— Jérémie 8,22.
- « Monte en Galaad, prends du baume,
Vierge, fille de l’Égypte !
En vain, tu multiplies les remèdes, il n’y a point de guérison pour toi. »
— Jérémie 46,11.
Tant les juifs et les chrétiens croient que la « fille de mon peuple » et « mon peuple » dans le 3e passage ci-dessus signifie que les Juifs et la terre d’Israël dans laquelle ils vivent, sont plus ou moins interchangeables.
Les deux religions croient également que les versets de Jérémie prophétisent sur la présence du Messie en Galaad, un mot à la signification très semblable à celui du baume, ou de purificateur (bien que certaines souches du judaïsme moderne n’attendent plus le Messie).
Les chrétiens croient que le baume, le messie, est apparu en Galaad en la personne de Jésus-Christ et c’est la raison pour laquelle le terme a pris un sens spirituel.
Histoire de la myrrhe
Le mot est un emprunt, par l’intermédiaire du latin myrrha, au grec μύρρα, de même sens et certainement dérivé de la racine sémitique mrr signifiant « être amer » se prononçant « murr » en araméen comme en arabe.
L’histoire de la myrrhe est aussi ancienne que celle de l’encens.
Les Égyptiens
Les Égyptiens la connaissent depuis quatre millénaires et en faisaient un des composants du kyphi (sorte d’encens sacré de l’Égypte antique). Elle était également utilisée dans les embaumements associés au natron. Selon Hérodote, « le jeune Phénix embaumait ainsi la dépouille de son père dans un œuf de myrrhe ».
Le souverain de la 5e dynastie d’Égypte, le roi Sahourê aussi connu en grec sous le nom de Sephrês, a effectué la première expédition attestée au pays de Pount (pareillement appelé « Ta Nétjer » qui signifie « Pays du dieu », site d’échanges et de négoces dont la localisation sur la côte africaine de la mer Rouge est encore incertaine) dont il a rapporté de grandes quantités de myrrhe, d’encens, de malachite et d’électrum, mais aussi des animaux sauvages, en particulier des guépards, des Messagers sagittaires (Sagittarius serpentarius), des girafes et des Babouins hamadryas (qui étaient sacrés pour les Égyptiens), l’ébène, l’ivoire et les peaux d’animaux. Sephrês est montré, célébrant le succès de cette entreprise, dans un relief de son temple mortuaire appelé « La splendeur de Sephrês monte vers le ciel » et qui le représente tendant en offrande un arbre à myrrhe dans le jardin de son palais. Ce relief est le seul de l’art égyptien représentant un roi en train de jardiner.
Les Hébreux
Pour les Hébreux, la myrrhe est mentionnée à plusieurs endroits dans la Bible hébraïque comme un parfum rare et est l’un des principaux composants d’une huile d’onction sainte. Dans Genèse 37,25, les commerçants à qui les fils de Jacob vendirent leur frère Joseph avaient « des chameaux… chargés d’épices, de baume et de myrrhe », et Exode 30,23-25 précise que Moïse devait utiliser 500 sicles (Le sicle est une ancienne unité de poids d’environ 11 g) de myrrhe liquide comme ingrédient de base à la fabrication de l’huile d’onction sacrée.
La myrrhe était un ingrédient du Ketoret, commandement de la Thora où il est demandé de brûler des encens tous les jours dans le « Bet Hamikdash » (Temple de Jérusalem), comme décrit dans la Bible hébraïque et le Talmud. Une offrande était faite lors du Ketoret sur un autel spécial à encens et était une composante importante du service du temple. La myrrhe est également répertoriée comme ingrédient dans l’huile d’onction sainte utilisée pour oindre le tabernacle, les grands prêtres et les rois. L’huile de myrrhe est utilisée dans un rituel de purification pour la nouvelle reine du roi Assuérus ou A’hashverosh.
« Et quand venait le tour pour chaque jeune fille d’entrer auprès du roi Assuérus, après qu’il lui avait été fait pendant douze mois, selon la règle établie pour les femmes, car c’est ainsi que se complétaient les jours de leur purification : six mois avec de l’huile de myrrhe, et six mois avec des aromates, et les parfums nécessaires à la purification des femmes »
– Esther 2,12
Dans le cantique des cantiques
Le parfum de la myrrhe est parfois aussi associé à l’érotisme : il est mentionné sept fois dans le Cantique des cantiques, par exemple dans le verset 1,13 : « Mon bien-aimé est pour moi un bouquet de myrrhe, qui repose entre mes seins ».
Une des offrandes de la nativité
Si la myrrhe est l’un des principaux composants d’une huile d’onction sainte, les hébreux, elle est également utilisée pour la fabrication du « Saint-chrême » utilisées dans la liturgie des Églises romaines, orthodoxes et anglicanes.
À ce titre, elle fait partie des cadeaux apportés à Jésus par les rois mages, ce que rapporte l’Évangile selon Matthieu (2,11) qui ne précise d’ailleurs ni leur nombre, ni leurs noms. Mais une tradition apocryphe indique que le roi mage Balthazar apporta de la myrrhe en offrande, signe d’une souffrance future, alors que Melchior offrit de l’or (symbole de royauté) et Gaspard de l’encens (symbole de divinité).
Une plante analgésique
La myrrhe mélangée à la posca (vin de mauvaise qualité ayant tourné en vin aigre du fait de mauvaises méthodes de conservation) était une pratique courante dans l’antiquité et utilisé pour son côté festif et comme analgésique.
Du vin mêlé de myrrhe fut proposé à Jésus (qui l’a refusé) avant sa crucifixion (Marc 15,23) pour atténuer les douleurs immenses de ce supplice, mais le refus de ce vin peut s’expliquer aussi par le naziréat (abstinence de se couper les cheveux et de boire du vin) de Jésus, interrompu au moment de la cène (Luc 22,8).
C’est sans doute cette boisson, imprégnée dans une éponge, accrochée au bout d’un roseau et mentionnée dans le Nouveau Testament, que le centurion aurait tendu à Jésus-Christ pendant sa crucifixion :
- « Après quoi, sachant que désormais tout était achevé pour que l’Écriture fût parfaitement accomplie, Jésus dit : « J’ai soif ». »
— Jean 19:28
- « Un vase était là, rempli de vinaigre. On mit autour d’une branche d’hysope une éponge imbibée de vinaigre et on l’approcha de sa bouche. »
— Jean 19:29
De ces citations, deux interprétations s’opposent, certains veulent y voir un geste de compassion, tandis que d’autres y voient (comme dans l’interprétation chrétienne) un acte d’humiliation supplémentaire ; où la réponse se trouve peut-être non dans la boisson, mais dans l’éponge piquée sur un bâton comme celle que l’on trouvait dans les latrines publiques.
Selon l’Évangile de Jean, Nicodème et Joseph d’Arimathie ont apporté un mélange de 100 livres de myrrhe et d’aloès pour envelopper le corps de Jésus (Jean 19,39).
Les grecs
Les Grecs l’ont aussi associée à une légende : Myrrha était la fille de Cinyras, roi de Chypre. Des Gorgones la poussèrent à avoir des relations incestueuses avec son père. Après quoi elle fut transformée en arbre à myrrhe, dont l’écorce se fendit pour donner naissance à Adonis. Les Grecs ont fait un grand usage de la myrrhe, allant jusqu’à en parfumer leur vin. Poséidon est notamment associé à la fumigation de myrrhe dans la prière qui lui est dédiée parmi les Hymnes orphiques.
Les romains
Au Ier siècle, le célèbre médecin botaniste Pedanius Dioscoride dans son livre « De Materia Medica » désigne une myrrhe extraite d’une espèce de mimosa dont aujourd’hui, on pense qu’il s’agit d’un gommier rouge (Vachellia nilotica) dont il décrit l’apparence et la structure de ses feuilles comme « à ailes spinnées » et le dénomme comme « l’épine d’Égypte ». Il est possible que ce même arbre, appelé Spina par Théophraste, et utilisée en pharmacopée sous le nom d’Akakia d’où dérive le nom du genre Acacia. Il fait également mention d’une myrrhe de Béotie, aujourd’hui disparue.
Les Nabatéens
Les Nabatéens, selon l’historien grec Diodore de Sicile, au 1er siècle avant J.-C., transportaient la myrrhe depuis les lieux de production situés au Yémen par les caravanes de chameaux jusqu’à leur capitale Pétra à partir de laquelle elle était redistribuée dans tout le bassin méditerranéen.
La forte demande, la difficulté d’augmenter la production ainsi que les contraintes liées au transport ont faite de la myrrhe un produit particulièrement coûteux, qui se négociait au même prix, au poids, que l’or.
Ce commerce déclina avec l’arrivée du christianisme ; en effet, même si « l’utilisation d’encens était acceptée dans l’Église catholique, l’église chrétienne primitive du temps de l’Empire romain avait interdit son usage, ce qui mena à un rapide déclin de son commerce ».
La myrrhe jusqu’à nos jours
Depuis l’Antiquité, la myrrhe fut également utilisée comme aphrodisiaque où elle était utilisée comme parfum et dont on aspergeait les lits avant les rapports sexuels. À partir de la résine de myrrhe (selon Avicenne avec de l’aloès et du safran) on fabriquait au Moyen Âge en Europe des « pilules contre la peste » et cela aurait pareillement un effet antipyrétique pour lutter contre les états fiévreux et certains syndromes inflammatoires aigus.
Bien que connu depuis la plus haute Antiquité et que le genre myrrhe comporte environ 250 espèces difficiles à distinguer et dont les dernières ne furent découvertes que dans les années 1980, la myrrhe ne fut décrite scientifiquement qu’en 1829 par Christian Gottfried Ehrenberg à la suite de son retour d’un voyage dans le sud de l’Arabie découvrit le buisson en 1826.
Si la myrrhe moderne a longtemps été commentée comme venant d’une source différente de celle décrite dans l’antiquité et dont l’odeur aurait été bien plus savoureuse que l’actuelle, des études récentes utilisant des données de séquence d’ADN ont démontré la monophylie du genre Commiphora, c’est-à-dire partageant une espèce ancestrale commune.
Utilisation
C’est surtout la parfumerie qui continue à en faire la gloire, notamment dans les parfums de type oriental, où elle accroît la sensualité des notes de rose.
Elle entre dans la composition de la Bénédictine.
En aromathérapie, on extrait une huile essentielle de cette gommo-oléorésine.
La myrrhe, astringente, est utilisée dans le traitement des ulcères de la bouche et des gencives.
Citée par Pline l’Ancien, la myrrhe dite troglodytique est un des nombreux constituants de la thériaque (préparation, connue depuis l’Antiquité, à laquelle on alléguait des vertus toniques et efficaces contre les poisons, les venins et certaines douleurs) selon le contre-amiral Esprit-Tranquille Maistral (1763-1815) et médecin de marine française.
La myrrhe est utilisée depuis l’antiquité comme abortif.