« On emploie aussi le savon inventé dans les Gaules pour rendre les cheveux blonds : il se prépare avec du suif et des cendres ; le meilleur se fait avec des cendres de hêtre et du suif de chèvre ; il est de deux sortes, mou et liquide. L’un et l’autre sont en usage chez les Germains, et les hommes s’en servent plus que les femmes. »
Pline, Lib. XXVIII, chap. 51
Le savon, selon Pline, serait une invention gauloise, utilisé sous deux formes : liquide ou molle. Si le mot gaulois sapo a donné le français, savon, il aurait pour étymologie le mot latin sébum, suif, en grec, sapon. Les Celtes le désignaient sous le mot saboun, qui est resté dans la langue provençale. Le Talmud babylonien mentionne le tsapon utilisé pour nettoyer la laine.
Les Sumériens
Mais son origine est bien plus ancienne : Au début du IIIe millénaire av. J.-C., à Babylone, les sumériens connaissaient le savon. Des cylindres d’argile emplis d’une substance savonneuse y ont été retrouvés. Le flanc de l’un d’eux portait une recette pour faire bouillir de la graisse et des cendres. Une autre recette datée de 2 200 ans av. J.-C. décrit quant à elle des savons dans lesquels sont inclus divers éléments médicinaux pour un usage thérapeutique.
Les Égyptiens
Au IIe millénaire av. J.-C., des textes décrivent la saponification. Le papyrus Ebers (Égypte, 1550 av. J.-C.) indique dans sa partie finale que les Égyptiens utilisaient une substance semblable à du savon à des fins pharmaceutiques. Cette substance était obtenue par un mélange de graisses animales (oie) ou végétale avec du sulfate de plomb (extraits de galène) ou de carbonate de sodium (extrait des bords du Nil). La pâte nommée Trona, probablement toxique lorsqu’elle emploie du sulfate de plomb, était mise à reposer une journée avant son application sur les yeux.
Des documents égyptiens mentionnent également qu’une substance similaire a été utilisée dans la préparation de la laine pour le tissage.
Les Égyptiens, en guise d’hygiène corporelle quotidienne, se frottaient avec du natron, du carbonate de soude naturel extrait des lacs salés après évaporation, hydraté.
Les Phéniciens
Un millénaire avant notre ère, les Phéniciens exportent le savon et le fabriquent à partir d’huile d’olive et de soude végétale, comme deux millénaires plus tard en Syrie, en Grèce ou à Marseille. Ce savon était particulièrement réputé pour ses propriétés supposées désinfectantes, dues principalement à l’usage de cendres de laurier dans sa fabrication.
Le savon d’Alep
Si l’origine du savon d’Alep est inconnue, il est considéré comme le plus vieux savon du monde et daterait d’il y a 3 500 ans. Les affirmations non vérifiées de sa grande antiquité abondent telles que son utilisation supposée par la reine Cléopâtre d’Égypte et la reine Zénobie de Syrie.
On pense généralement que le processus de fabrication du savon a émané de la région du Levant (dont Alep est une ville principale) et s’est déplacé de l’ouest de là vers l’Europe après les premières croisades. Ceci est basé sur l’affirmation selon laquelle le premier savon fabriqué en Europe l’eut été peu de temps après les croisades, mais le savon était connu des Romains au premier siècle de notre ère et Zosime de Panopolis a décrit le savon et sa fabrication du savon vers l’an 300. Il est le lointain ancêtre de l’ensemble des savons durs et, en particulier, celui des savons de Marseille et de Castille.
Le savon d’Alep, également connu sous le nom de savon syrien ou Sabun Ghar (signifiant savon de laurier) est un savon classé comme savon de Castille, car il s’agit d’un savon dur à base d’huile d’olive et de lessive, dont il se distingue par l’inclusion d’huile de laurier qui lui apporte des propriétés antimicrobiennes, antifongiques et anti-démangeaisons.
Savon Nabulsi
En arabe sabun Nabulsi, est un type de savon Castille produit seulement à Naplouse en Palestine. Ses principaux ingrédients sont l’huile d’olive vierge (le principal produit agricole de la région), l’eau, et un alcalin composé de sodium. Le produit fini est de couleur ivoire et n’a presque pas d’odeur.
Le savon Nabulsi était traditionnellement fait par les femmes pour un usage domestique, avant même l’apparition d’atelier de fabrication du savon au Xe siècle et devenir une importante industrie de Naplouse au XIVe siècle. Le commerce avec Bedouins était indispensable pour la fabrication de savon, aussi bien à Naplouse et à Hébron, car ils étaient les seuls à pouvoir fournir la soude alcaline (de qilw) requis par le processus.
L’industrie du savon à Naplouse a commencé à décliner au milieu du 20e siècle, causé en partie par des catastrophes naturelles, en particulier un tremblement de terre 1927 qui a détruit une grande partie de la vieille ville de Naplouse et par le conflit israélo-palestinien.
Le savon Gaulois ou gallique
Selon Pline, le savon connu en Europe depuis l’époque gauloise, cette substance lavante et nettoyante fut utilisée couramment par les celtes et les germains qu’ils fabriquaient en quantité à partir de cendres alcalines ou potassiques (cendres de hêtre, de l’herbe à savon), de suif, de saindoux ou d’huiles excédentaires est typique du « savon gallique ». Il sert surtout, appliqué comme onguent sur les chevelures, pour se teindre les cheveux en roux. Constitué de suif et de cendres, ce savon sert de gel et de décolorant à cheveux.
À côté de la toilette des mains et du visage, il faut retenir l’emploi de substances de toilette complexes à base de suc de plantes, de savons mêlés de substances adoucissantes ou grasses, telles le beurre ou la glycérine, mélange de moins en moins agressif ou de plus en plus protecteur appliqué de la pointe à la racine des cheveux.
L’odeur d’eau savonnée et d’acide butyrique, lorsque le beurre a ranci, était barbare aux nez romanisés du Haut-Empire et même du Bas-Empire. Grecs et Romains se débarrassent des poussières du stade ou des taches en raclant un strigile sur leur corps huilé, avant la régénération par les massages et l’eau des thermes, aux bains successifs chauds, tiède et froid.
D’autres sources, nous indique l’origine celtique du savon, comme : le médecin romain du Ier siècle ou IIᵉ siècle apr. J.-C., originaire d’Anatolie, Arétée de Cappadoce (Aretæus ou en grec Aretaĩos) qui écrit : « Les boulettes nitreuses des Celtes, qu’on appelle aujourd’hui Gaulois, avec lesquelles ils lavent leur linge, et nommées savon, lavent bien le corps humain ». Ceci corrobore les connaissances d’Asclépiade de Pruse, le médecin de Cicéron, et de Gallien (un peu plus tard) qui utilise l’adjectif gallique quand il parle de savon. L’utilisation du savon est cependant sensiblement différente de celle citée par Pline (usage médical contre les scrofules et usage comme teinture capillaire).
Savon de Gallipoli
La ville portuaire de Gallipoli, située sur la mer Ionienne dans le sud de l’Italie, a probablement été l’origine du savon de Marseille qui, grâce à ses nombreuses oliveraies et à ses multiples pressoirs, commercialise dans toute l’Europe une huile d’excellente qualité, destinée à un usage alimentaire ou non. L’idée d’ajouter de la soude aux restes des olives qui venaient d’être pressées une première fois permit aux habitants de Gallipoli de fabriquer des savons blancs et de diversifier durablement leurs activités.
Savon de Castille
Connu en Espagne dès le Ier siècle, la fabrication du savon est décrite vers l’an 300 par Zosime de Panopolis. Traditionnellement, les apothicaires de l’époque connaissaient les noms latins de sapo hispaniensis (savon espagnol) ou sapo castilliensis (savon castillan).
C’est un savon bon à tout faire, écologique, qui est autant parfait pour l’entretien de la peau que de la maison, on peut ainsi nettoyer le sol avec, la vaisselle, le linge, les meubles, etc. car il purifie, fait briller et dégraisse les surfaces.
Le savon de Castille possède les mêmes qualités multi-usages que le savon de Marseille, sauf qu’il est fabriqué à froid ce qui lui permet de garder la qualité des huiles végétales et présence de glycérine qui protège la peau. Pour sa douceur et ses vertus cutanées lui ont valu d’être très vite adopté par les apothicaires puis par le corps médical.
Savon de Marseille
Au IXᵉ siècle, Marseille saponifie déjà son huile d’olive et produit de façon saisonnière son savon. Suite aux croisades, la fabrication et l’usage du savon végétal se répand, la cité phocéenne possède des manufactures de savon à partir du XIIᵉ siècle qui utilisent comme matière première l’huile d’olive extraite en Provence la plus proche. Crescas Davin en 1371 fut le premier savonnier marseillais à utiliser la soude. La soude, terme qui à l’époque désigne un carbonate de sodium plus ou moins pur, provient des cendres des plantes des milieux salins, en particulier la salicorne.
Sa formule est réglementée depuis XVIIe siècle où un édit limitant l’utilisation du nom « savon de Marseille » aux savons fabriqués à l’huile d’olive dans la région de Marseille, avec une teneur de 72 % en masse d’acides gras.
Le savon de Marseille étant issu d’une cuisson à chaud, a surtout un effet détergent qui enlève le film gras (film hydrolipidique) recouvrant naturellement la peau. Pour pallier à ce phénomène, il peut lui être est enrichi en agents surgraissants appelé « surgras ».
Le « surgras » est composé par exemple des huiles végétales limitant le dessèchement dû au savon. Il convient parfaitement aux peaux sensibles. Les savons et savonnette destinés à l’hygiène corporelle contiennent un surgras souvent associé à des senteurs.
Le savon de Marseille, particulièrement efficace par son pouvoir nettoyant, est utilisé pour l’hygiène corporelle, en particulier pour les mains et le visage. En France, il connaît un regain d’intérêt avec l’épidémie de Coronavirus (Covid-19) et la nécessité de se laver les mains régulièrement. Il sert aussi comme nettoyant ménager et pour le lavage du linge.
Savon Azul e Branco
Ce savon bleu et blanc se développe conjointement aux savons de Marseille et de Castille au Portugal.
Autrefois, il était beaucoup utilisé pour laver le linge dans les lavoirs des villages, laver les tapis et laver le sol. Son utilisation s’est réduite au fil du temps et ne servait plus qu’à laver les tapis, les sols et exceptionnellement pour laver le linge.
Depuis 2009, ce savon “bleu et blanc” a été réintroduit dans les foyers portugais pour se laver ou se “désinfecter” les mains, par le ministère de la Santé portugais, afin d’endiguer la contagion de la Grippe A (H1N1), alors qu’il y avait une rupture de gel désinfectant dans les écoles. En raison de la pandémie de coronavirus 2019-2020 causée par le nouveau coronavirus du SRAS 2 (SARS-CoV-2), le savon Azul e Branco est de nouveau utilisé par les institutions publiques.
Les autres appellations de savon
Le savon blanc : assimilé au banal savon de Marseille et aux différents savons de toilette. La couleur blanche indique qu’il s’agit d’un savon à la soude, de teinte claire ou nettement moins sombre que les différents « savons noirs » à la potasse ou lessive potassique.
Le savon noir : ou savon mou est un savon plus ou moins mou au toucher, de teinte plus ou moins foncée et peu attirante (brunâtre, verdâtre, bleuâtre, grisâtre, noirâtre) sans coloration. Le produit fini est peut-être facilement coloré à l’indigo ou à l’encre. Il est réalisé avec des lessives de potasse et des huiles végétales. Il affiche une teneur équivalente en acides gras de l’ordre de 38 % en masse. Il est recommandé pour le nettoyage des carrelages bien qu’il existe aussi du savon noir pour le corps.
Aujourd’hui, il est très largement utilisé dans le monde arabo-musulman pour ses propriétés purifiantes, notamment lors du rituel du hammam.
Il existe des savons noirs à l’huile de lin recommandés pour le nettoyage des carrelages. De même que des savons noirs à l’huile d’olive recommandés tant pour la maison que pour le jardin.
Le savon animal : est un savon réalisé avec des graisses animales, souvent du suif de bœuf et de la lessive des savonniers (dissolution de soude caustique dans de l’eau contenant environ 3 doses de soude pour huit d’eau).
Le savon sans savon : comme son nom l’indique, ne contient pas de molécules de savon. De même que les savons antiseptiques : à base d’iode, ou d’antifongiques sont utilisés pour des soins particuliers de dermatologie. Leurs pH sont proches de celui de la peau.