Traditionnellement, le 21 janvier, des banquets républicains sont organisés où l’on sert de la tête de veau, un plat typique du terroir français, afin de commémorer la chute de la monarchie absolue de droit divin et la décapitation de Louis XVI (Capet), le 21 janvier 1793 à 10 h 22. De ce fait, elle est aussi, la date traditionnelle de deuil chez les royalistes en souvenir de la mort de Louis XVI, où des célébrations religieuses ont lieu tous les ans en France, notamment à la Chapelle expiatoire à Paris (premier lieu d’inhumation, sous le régime de la terreur du roi et de la reine Marie-Antoinette) et à la basilique de Saint-Denis où ils sont depuis les 18 et 19 janvier 1815 inhumés.
En conséquence, chaque 21 janvier, Royalistes et Républicains commémorent, chacun à leur manière, cette date très symbolique.
Aux origines, la tête de veau était de cochon
La tradition remonte à 1794, un an après la mort de Louis Capet, quand le citoyen Romeau publia un pamphlet « La Tête et l’Oreille de cochon », où il suggère de remplacer les fêtes religieuses en commémorant les épisodes les plus marquants de la Révolution. Il propose ainsi d’organiser, chaque 21 janvier, des banquets servant de la tête de cochon, pour commémorer la fin de l’Ancien régime, chaque 14 juillet pour la Fête de la Fédération, de déguster un gâteau en forme de Bastille ou encore « un gras poulet d’Inde » le 10 août pour célébrer la chute de la monarchie en 1792. Le gâteau du 14 juillet et le poulet du 10 août, n’ont pas pris, mais la tradition, bien française, du banquet républicain à cette date anniversaire est restée. Ainsi, le 2 pluviôse de l’an II (21 janvier 1794) signa l’arrivée sur les nappes des tout jeunes banquets de la tête de cochon. La tête de cochon, c’était celle dont était affublé Louis XVI sous la plume des caricaturistes dans les premières années de la Révolution. Le banquet du 21 janvier a survécu jusqu’à nos jours, sauf que l’on est passé au milieu du XIXᵉ siècle du cochon au veau.
En 1847, sous la monarchie de Juillet, les réformateurs lancent une campagne des banquets dans toute la France pour demander l’élargissement du corps électoral et s’opposer aux décisions du gouvernement conservateur de François Guizot. L’interdiction du banquet parisien le 19 février 1848 provoque la chute de la monarchie de Juillet, l’avènement de la IIᵉ République et la tête de veau se substitue à la traditionnelle tête de cochon farcie.
Une origine anglaise
L’origine de ce changement n’est pas sourcée. Par nécessité ? Par goût ? Du fait de la mode d’alors ? Les historiens n’ont pas tranché. Il convient donc de s’en remettre à Flaubert, qui au détour d’un dialogue dans « l’Éducation sentimentale » (publié en 1869) évoque un emprunt à la coutume anglaise pour le « mystère de la tête de veau » en ces termes : « C’est une importation anglaise. Pour parodier la cérémonie que les royalistes célébraient le 30 janvier, des Indépendants fondèrent un banquet annuel où l’on mangeait des têtes de veau, et où on buvait du vin rouge dans des crânes de veau en portant des toasts à l’extermination des Stuart ».
Depuis 1649, à Londres, chaque 30 janvier, les partisans de la monarchie constitutionnelle, surnommés les «Round Heads», y célébraient la décapitation du roi Charles Ier (le 30 janvier 1649) en dégustant de la tête de veau, arrosée de vin rouge pour se moquer de ceux qui se rassemblaient à cette date pour commémorer le décès de ce roi anglais catholique adepte d’une monarchie absolue. Cette cérémonie à la mémoire de Charles Ier est toujours organisée de nos jours au « Banqueting House », mais le « Calf’s head Club » (club de la tête de veau) de Londres, créé pour s’en moquer, n’existe plus.
Les Français du milieu du XIXᵉ siècle y aillant peut-être vue des similitudes et ont adopté comme symbole de la tête de veau.
Quoi qu’il en soit, il existe partout en France, depuis le milieu du XIXᵉ siècle, de nombreuses confréries et clubs de la tête de veau (vitellicéphalophages), qui organisent des banquets du 21 janvier où l’on déguste de la tête de veau. Chacune se réclamant de la vraie tradition de la tête de veau, aux origines la plupart légendaires.
- la Confrérie de la tête de veau du Périgord ;
- la Confrérie des entêtés de la tête de veau d’Ussel, en Corrèze ;
- la confrérie de la Tête de Veau de Saint-Laurent-de-Chamousset en région lyonnaise ;
- la confrérie des Gaubregeux Gousteurs de Tête de Veau de Rambervillers.
Ces confréries et leur culture sont relancées après que le président de la République, Jacques Chirac, a déclaré que la tête de veau était un mets honorable, et qu’il en dégustait à de nombreuses reprises.
Retour en grâce
Boudée par le grand public et délaissée, parfois, par les grands chefs, la tête de veau doit une partie de son retour en grâce à Jacques Chirac, qui confiait dans un reportage « les Présidents et la table » : « J’aime beaucoup la cuisine roborative. Plus que la cuisine sophistiquée. Tête de veau, cassoulet, civet de lièvre, chou farci. »
C’est d’ailleurs ainsi que Jacques Chirac s’en régalait jusqu’à faire de ce plat son emblème et à s’en faire servir partout où il voyageait. Ainsi retrouva-t-elle ses lettres de noblesse et sa place aux cartes des belles tables. Tant et si bien qu’à la mort de l’ancien président, la Confédération nationale des tripiers de France déclarera sobrement : « Tristesse d’apprendre le décès de notre meilleur ambassadeur de la tête de veau, et grand amateur de produits tripiers ! »
Recettes
Il existe un grand nombre de façons de préparer la tête de veau. Dans le Grand Dictionnaire de cuisine, Alexandre Dumas décrit neuf recettes, toutes différentes. Il existe également une grande variété de recettes italiennes, dont notamment la testa di vitello alla sorrentina et la testa di vitello in polpette.
Les livres de cuisine anciens, dont celui d’Alexandre Dumas, insistent sur les étapes préliminaires : le choix de la tête, la meilleure méthode pour la désosser, la faire dégorger et le blanchissage. La plupart de ces étapes ne sont plus utiles de nos jours, la tête de veau étant généralement commercialisée en boucherie déjà préparée et prête à la cuisson.
Cuisson
La tête de veau se mange souvent brûlante, elle est donc habituellement prédécoupée avant cuisson. Elle peut se cuire dans un fond blanc avec un assaisonnement variable selon les auteurs. Le blanc est une sorte de court-bouillon dans lequel sont ajoutées de la farine et de la graisse, la graisse faisant alors office de couvercle et empêchant l’oxydation, surtout de la peau, en laissant la tête de veau parfaitement blanche.
La farine est délayée dans de l’eau froide avec du sel et du vinaigre. Après ébullition, la tête de veau est ajoutée, éventuellement frottée au citron dans le blanc en ébullition, avec un bouquet garni, un oignon piqué, du poivre et du vinaigre. L’ensemble est recouvert de graisse et maintenu à une ébullition à petit feu. La cuisson dure environ 3 heures.
Dans le cas de la testa di vitello alla sorrentina, une recette italienne, la tête de veau, une fois bouillie, est mise à refroidir. Elle est ensuite désossée et remplie d’une farce de veau, de cervelle de veau, de ris de veau, de champignons (dont des truffes), de pistaches, du jaune, de deux œufs et d’herbes et d’épices. Le tout est braisé, avec des tranches de lard, du jambon et des herbes.
Apprêts
La tête de veau peut se servir au naturel, accompagnée de vinaigrette aromatisée. Le plus souvent, en France, elle est servie avec une sauce gribiche ou une sauce ravigote.
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La sauce gribiche est faite d’œufs durs, les jaunes émiettés et les blancs coupés en petits cubes, de moutarde, puis montée avec de l’huile, vinaigrée et enfin relevée de fines herbes (cerfeuil, estragon, ciboulette, câpres, cornichons, et parfois échalote, persil, oignon blanc, ail, etc.).
- La sauce ravigote est dans son sens actuel une vinaigrette froide additionnée de câpres, persil, cerfeuil, estragon, échalote ou oignons hachés.
En Belgique, la « tête de veau en tortue » se compose d’une sauce tomate relevée au vin de Madère et s’accompagne de frites. La tête de veau en tortue peut aussi se consommer froide sous forme de tranches de charcuterie. Cela peut être peut-être une version de la fausse tortue (mock turtle soup en anglais) est une soupe anglaise créée au milieu du XVIIIᵉ siècle comme copie bon marché de la soupe de tortue verte, connue en Basse-Saxe sous le nom de Mockturtle.