Faire chabrot

Préparation du chabrot

Faire chabrot, ou chabròl en occitan, est une coutume de la moitié sud de la France qui consiste, quand il reste un fond de soupe ou de potage, à ajouter dans l’assiette du vin rouge pour diluer ce bouillon, puis de porter le plat à la bouche, et à l’avaler à grandes goulées.

Il semblerait que cette coutume est aussi existé au nord de la Loire sous le nom de champorot ou champoreau.

Tradition

chabrot

Le chabrot a été fait régulièrement pour des soupes comme la bréjaude ou la garbure. Cette action nécessitait l’usage du récipient traditionnel utilisé pour servir les soupes, soit un bol profond de forme sphérique, soit une écuelle. Il était le plus souvent sans poignée, en terre cuite, de forme bombée et quelque peu étroit.

Le Périgourdin fa chabròu ; en Limousin, on fait chabrot ; tandis qu’en Provence, Frédéric Mistral explique que cabroù est issu du latin capreolus. Faire chabrot, c’est donc « boire comme une chèvre ». Dans le Poitou et en Saintonge, on utilise aussi le mot « godaille ». En gascon, on utilise aussi le terme goudale (graphie des félibres) ou godala (graphie occitane) — probable métathèse de goulade, « goulée ».

Cette pratique était autrefois courante et perdure aujourd’hui encore, notamment chez les personnes âgées en milieu rural. Il semblerait qu’elle ait aussi existé au nord de la Loire : dans le dernier volume de la Chronique des Pasquier, Georges Duhamel parle d’une pratique déjà ancienne (« c’était une coutume de mon père ») qu’il appelle le champorot et qui est le chabrot.

Usage actuel

Faire chabrot

C’est un usage qui perdure encore, particulièrement dans le sud-ouest de la France. Jean Rebier (1879-1966), fondateur de la revue Lemouzi, décrit la pratique du chabrot comme encore actuelle, « la soupe est régulièrement suivie par un bon chabròl ». De même que l’ethnologue Albert Goursaud, décédé en 1975, en parle toujours au présent, dans son livre La société rurale traditionnelle en Limousin : ethnographie et folklore du Haut-Limousin et de la Basse-Marche, publié l’année qui suivit sa mort. Dans son ouvrage, il distingue les traditions qui se sont perdues de celles qui continuent au moment où il rédigeait. On faisait chabrot couramment, du moins à la campagne, jusqu’au milieu du XXᵉ siècle.

À Mantoue, en Italie, on le fait d’habitude encore aujourd’hui avec les agnolini in brodo (bouillon aux raviolis), en l’appelant, en dialecte, bevr’in vin (boire en vin).

Le Catalan Jaume Fàbrega, né en 1948, signale dans sa Cuina del país dels càtars que lorsqu’il était enfant, il avait vu en Catalogne que, lorsque son grand-père mangeait de la soupe, il y mettait du vin à la manière du lo cabròt.

Roland Manoury, musicologue et poète d’Auvergne, a créé une marche de gloire pour chabrot qui est traditionnellement accompagnée d’accordéon. Son refrain affirme :

À la soupe! À la soupe!
Voici l’heure du chabrot.
Nous, on a le vin en poupe
Quand on a le bouillon tout chaud
On verse un’ rasade
De vin rouge bien costaud.
Si, de plus on est malade
Pour guérir, faisons chabrot.

Faire chabrot est aujourd’hui considéré comme un geste vieilli et campagnard, mais peut, dans certaines occasions, se faire dans tous les milieux, dans un esprit de connivence et de convivialité. Lors d’un repas entre gastronomes, Philippe Faure-Brac, meilleur sommelier du monde 1992, propriétaire du « Bistrot du Sommelier », à Paris, membre du GJE, se leva et demanda l’autorisation de faire chabrot avec son reste de velouté de champignon et un Cheval Blanc 1998. Pierre Lurton, directeur des sociétés des châteaux d’Yquem et de Cheval Blanc, lui répondit en versant le fond de son verre dans le potage. Tout le monde fit de même. Cette version moderne de chabrot a consisté à finir de déguster le mélange à la cuillère, mais aucun n’a bu directement à l’assiette.

Champoreau

Un champoreau est une boisson chaude, à base de vins et/ou surtout de liqueurs. Il peut s’agir aussi en pratique soit d’un mélange de café et de liqueurs, ou encore de vin ou d’un autre alcool, soit d’un simple bouillon au vin rouge. En France, ce premier breuvage peut aussi être appelé café-goutte ou café-liqueur. On trouve cette boisson à La Salette Fallavaux en Isère. Elle était composée d’eau-de-vie et de café chaud. En Normandie, une boisson similaire est appelée « café-calva » et chaque région a son café-goutte avec l’alcool local (comme la bistouille dans le nord par exemple).

En Espagne, une boisson semblable est connue sous le nom de carajillo, en Suède et en Norvège respectivement sous le nom de kaffekask et karsk, (karsk composée de café accompagné de vodka ou de samogon ou moonshine de l’alcool de contre-bande).

Origine du mot

Le mot est une adaptation française de l’espagnol populaire champorro, signifiant « mélange, mixture » (dérivé du verbe chapurrar : « mélanger des liquides »). Le terme espagnol désigne à l’origine un mélange de liqueurs.

Une boisson des colons du Maghreb

Dans la deuxième moitié du XIXᵉ siècle, le champoreau est présenté comme une boisson omniprésente dans l’Algérie nouvellement colonisée. On le trouve cité en 1866 dans les Lettres de mon moulin, d’Alphonse Daudet (dans la nouvelle A Milianah). Le même mélange de café et d’alcool porte, à cette époque, un autre nom en métropole : il est appelé un gloria.

Ce terme est également associé, dans les débuts de la bande dessinée, aux champoreaux d’honneur auxquels participe fréquemment le sapeur Camember (qui, en tant que sapeur, fait partie de troupes marquées par la conquête coloniale).

Caffè corretto

Caffè corretto : expresso et sambuca

Le caffè corretto, littéralement café corrigé, appelé aussi café arrosé, est une boisson italienne préparée avec un expresso auquel on ajoute un alcool, que ce soit de la liqueur ou un distillat, habituellement de la grappa ou de la sambuca, de l’amer ou du brandy.

Cette boisson est connue en dehors de l’Italie sous le nom d’espresso corretto. Il est commandé sous le nom un caffè corretto a grappa, corretto a sambuca, ou corretto a cognac en fonction de l’alcool ajouté.

L’alcool peut être servi directement dans la tasse à café ou servi à part dans un verre à liqueur. Ainsi, certains préfèrent boire d’abord leur espresso et « rincer » ensuite la tasse avec l’alcool, à la manière d’un chabrot.

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