Le steak tartare ou tartare est une recette à base de viande de bœuf ou de viande de cheval crue, généralement hachée gros ou coupée en petits cubes au couteau (d’où l’appellation de tartare au couteau). Le filet américain est une variante belge et du Nord de la France.
Par extension, le mot « tartare » est employé pour désigner d’autres préparations crues et hachées à base de viande de veau, d’huîtres, de thon, de saumon, de courgettes…
Le steak tartare est similaire au kibbeh nayyeh levantin, au çiğ köfte turc, au yukhoe coréen et au kitfo éthiopien.
La viande tartarie
La consommation de viande hachée ou crue a été popularisée dans les régions slaves, lors de l’occupation mongole médiévale et introduite à Moscou par la Horde d’or. Les Mongols et leurs alliés turcs, les Tatars, avaient pour tradition de hacher finement les viandes très dures comme le cheval et le chameau, pour les rendre comestibles, puis de lier la viande avec du lait ou des œufs.
Une caricature populaire de guerriers mongols, appelés Tatars ou Tartares, les fait attendrir la viande sous leurs selles, puis la mangeaient crue. Cette histoire a été popularisée par Jean de Joinville au XIIIᵉ siècle, bien qu’il n’ait jamais rencontré de Mongols lui-même et ait utilisé l’histoire comme un moyen de montrer que les Tartares n’étaient pas civilisés.
Ces peuples considérés comme étant de la Tartarie et les plats de viande crue ou hachée sont devenus associés dans l’imaginaire collectif à la Tartarie. Il est possible que cette histoire ait été une confusion provenant de l’utilisation de fines tranches de viande pour protéger les plaies de selle d’un frottement supplémentaire. Confusion reproduite au XVIIᵉ siècle, l’ingénieur et cartographe Guillaume Levasseur de Beauplan dans une recette attribuée aux Tatars, mais observée chez les Cosaques zaporogues en Ukraine, il dit qu’il faut découper des morceaux de filet de cheval de un à deux doigts d’épaisseur, puis, après les avoir abondamment salés d’un côté pour faire sortir le sang, de les placer sous la selle sur le dos de sa monture. La viande doit rester en place deux heures, ensuite être retirée et nettoyée de son écume sanglante sur le côté salé. Elle est ensuite retournée sur l’autre face et préparée de la même manière avant qu’elle ne soit jugée prête à être hachée, c’est-à-dire asséchée de son trop-plein de sang, au contraire de la viande simplement crue.
La consommation de viande crue en Occident
La consommation de viande crue se diffuse progressivement à Hambourg au XVIIᵉ siècle du fait des nombreuses escales de navires russes, qui est une des principales villes hanséatiques et de l’établissement dans cette ville d’une importante communauté russe.
La plus ancienne description connue du plat à ce jour se trouve dans le livre La gastrosophie, ou l’étude des plaisirs de la table d’Eugen von Vaerst, publié à Leipzig en 1851. Chose assez curieuse, le hamburger et steak tartare semble la même origine qui est le « steak de Hambourg » qui, à la fin du XIXᵉ siècle, était devenu populaire dans de nombreux restaurants du port de New York, destination principale des bateaux en provenance de Hambourg, qui débarquaient de nombreux migrants venant d’Europe du Nord et de l’Est.
Des nombreux documents attestent que ce style de préparation était utilisé en 1887 dans certains restaurants américains et qui proposent différente version de cette recette qui est alors basée sur du bœuf haché à la main, légèrement salé et souvent fumé, généralement servi non cuit dans un plat avec des oignons, de la chapelure et un œuf cru.
Le « steak de Hambourg » est également servi dans les hôpitaux et était servi cru ou légèrement cuit et était accompagné d’un œuf cru.
L’origine française de l’appellation « tartare »
En France, on trouve des recettes désignées comme « tartare » avant le XIXe siècle, comme le « poulet tartare » ou les « anguilles tartares », plats accompagnés d’une sauce moutardée qui prend, elle aussi, le nom de « sauce tartare » qui se serait transmis à l’actuelle sauce tartare.
On ne sait pas quand est apparue la première recette de restaurant de steak tartare. Sans donner de nom clair, il est possible que le plat ait été popularisé à Paris par des restaurateurs qui ont mal compris la description de Jules Verne, dans son roman de 1875 Michel Strogoff, adapté avec succès au théâtre en 1880, évoque une recette de koulbat décrite en ces termes par un hôtelier tatar « quelle est cette chose… koulbat ? – un pâté fait avec de la viande pilée et des œufs ».
Dans la seconde partie du XIXᵉ siècle, la consommation de viande crue augmente, de même que l’hippophagie et le steak tartare serait apparu en France dans ce contexte à la fin du XIXᵉ siècle, à base de viande de cheval, avant d’être supplanté par la viande de bœuf. Une recette de viande crue hachée, passée au tamis et assaisonnée de jaunes d’œufs crus, de fines herbes et d’épices fines apparaît dans un ouvrage de 1910 : Zomothérapie et viandes crues du docteur O’Followell.
Au début du XXᵉ siècle, l’actuel steak tartare est connu en Europe sous le nom de steak à l’américaine. On trouve une première définition du steak tartare dans le guide culinaire d’Escoffier dans son édition de 1903 (toujours présente dans l’édition de 1921) qui définit le « steak à la tartare » comme une variante de steak à l’américaine faite sans jaune d’œuf, servi avec une sauce tartare en accompagnement. Le nom « Steak à la tartare », signifiant littéralement « servi avec une sauce tartare », serait donc lié à la sauce tartare, se contracte ensuite en « steak tartare ».
Au fil du temps, la distinction entre le steak à l’américaine et le steak tartare finit par disparaître et c’est la désignation « tartare » qui s’impose pour la recette d’origine : l’édition de 1938 du Larousse Gastronomique décrit le steak tartare comme du bœuf haché cru servi avec un jaune d’œuf cru, sans mention de la sauce tartare.
Depuis, l’appellation de steak tartare a été depuis reprise aux États-Unis, « Tartar steak » en anglais
Composition
Le plat se consomme aujourd’hui avec de la viande de bœuf hachée (rumsteck) et comprend du jaune d’œuf cru, de la moutarde, de la sauce anglaise (Sauce Worcestershire), sel et poivre et parfois du ketchup, du Viandox, du Tabasco. On y ajoute en général d’autres condiments tels que câpres, cornichons, oignon, mélange d’herbes (persil, cerfeuil, estragon, ciboulette). Le steak tartare est, en général, servi avec une assiette de frites et de la salade. Au restaurant, il peut être servi préparé ou non. Dans ce dernier cas, le jaune d’œuf est fréquemment dressé sur la portion de viande hachée.
Une version moins courante en France est le steak tartare poêlé ou « aller-retour » est une variante dans laquelle le steak tartare est cuit brièvement sur chaque face avant d’être servi.
De nombreuses variantes existent en restauration avec l’ajout d’ingrédients personnalisant la recette (ajout de roquefort, foie gras, porto, etc.).
Variantes
Le steak tartare fait également partie de la cuisine coréenne, où il peut être servi de deux façons : en plat seul (yukhoe), sur lequel on dépose un œuf cru auquel on ajoute sauce de soja, sucre, sel, huile de sésame, oignon, ail émincé, graines de sésame, poivre noir et julienne de bae (poire coréenne). Un pot de sauce au piment est également donné au consommateur, afin d’assaisonner le mets selon son goût ; ou mélangé au bibimbap.
Dans la recette italienne (génoise), on y ajoute un jaune d’œuf et des câpres, des cornichons, un peu d’huile d’olive, du persil, de l’ail et des oignons.
Le kitfo est la variante éthiopienne du steak tartare. La viande est servie saisie, ou juste chauffée dans du beurre clarifié et mélangée avec un mélange d’épices nommé mitmita. Elle est ensuite servie tiède sur une crêpe a base de farine de teff nommée injera.
Le filet américain
En Belgique, au Luxembourg ainsi qu’en France dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, le filet américain est la variante régionale du steak tartare, servie préparée. Le filet américain est réalisé avec un assaisonnement de mayonnaise moutardée relevée de sauce Worcestershire et de Tabasco. Il peut être agrémenté d’oignons finement hachés, de câpres, de cornichons et d’oignons au vinaigre, incorporés à la préparation ou proposés séparément. Il est vendu en boucherie, et peut être mangé sur du pain ou avec des frites.
Le « steak à l’américaine » étant le nom porté par le steak tartare au début du XXᵉ siècle, l’appellation belge pourrait être un simple maintien du nom de ce plat, renommé « tartare » en France au cours des années 1920 ou 1930. La recette et sa désignation sous le nom de « filet américain » sont également attribuées au chef belge Joseph Niels, qui revendique l’invention en 1926 de la recette.
En restauration, on le trouve en garniture de sandwich dans les sandwicheries ou servi à l’assiette accompagnée de frites et de crudités dans les restaurants, où il constitue un plat typique en Belgique et dans le Nord de la France. En Belgique, la présentation sur des tranches de pain grillé, généralement accompagnées de crudités, porte le nom de (toast) « cannibale ».
Variantes
Le filet américain est proposé à la vente sous diverses appellations réglementées :
- « Filet américain », « steak haché préparé », « bifsteck » : il s’agit exclusivement de viande hachée crue de bœuf ou de cheval.
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« Préparé du chef » et « Martino » peuvent être composés de bœuf et de porc, leur assaisonnement dépendant du choix du préparateur.
Selon Eric Boschman et Nathalie Derny, la préparation du filet américain Martino inclut moutarde, mayonnaise, poivre de Cayenne et paprika. Dans le sandwich Martino, qui aurait été créé à Gand, il se déguste additionné de légumes au vinaigre, d’anchois, de moutarde et d’un trait de Tabasco.