Les monuments men

La spoliation d’œuvres d’art par le régime nazi

Dès son arrivée au pouvoir en Allemagne, le parti National Socialiste (NSDAP) met en place une politique de spoliation des biens des Juifs, mais aussi de tous ceux qui étaient considérés comme ennemis de l’État (Francs-maçons, communistes, homosexuels…). Cette politique de spoliation sera étendue à l’ensemble des pays occupés par le IIIᵉ Reich.
La Seconde Guerre mondiale a été pour les nazis l’occasion de piller dans l’Europe entière tant les collections privées que publiques comme les musées, des listes ayant été établies au préalable pour chaque pays. Certains États ou particuliers prennent des mesures pour évacuer leurs chefs-d’œuvre avant l’invasion des forces de l’Axe, comme ce fut le cas pour le musée du Louvre.
En 1945, le capitaine Walter Farmer considéra que 20 % de l’art en Europe fut pillé par les nazis et que 100 000 pièces ne furent pas retournées à leur propriétaire. Le recensement du nombre d’œuvres d’art spoliées est difficile et varie selon les sources entre 100 000 et 400 000, car avec la chute de Berlin, les Soviétiques, en guise d’indemnité de guerre, organisent le pillage systématique de l’Allemagne occupée et des anciens territoires de l’Est de l’Allemagne.
Les nombreuses destructions de patrimoine au cours de ce conflit (à titre d’exemple, on estime que 43 % de l’héritage culturel polonais fut détruit) sont à l’origine de la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé signée en 1954.

Le « Kunstschutz »

Durant la seconde guerre mondiale, les Allemands justifient ces pillages par le « Kunstschutz », principe de préservation du patrimoine artistique pendant les conflits armés dans le but de protéger l’art de l’ennemi (comme cela avait été déjà le cas lors du premier conflit mondial) mais aussi dans le but de constituer des collections pour le projet de musée allemand gigantesque, le « Führermuseum ».
Le concept du « Kunstschutz » (Protection de l’art) fut créé à la suite de l’incendie de la bibliothèque de Louvain (Belgique) et du bombardement de la cathédrale de Reims (France) lors de l’invasion allemande en 1914. Ces destructions ayant entraîné un vif émoi au sein de la communauté internationale où les autorités allemandes furent accusées d’avoir commis des « atrocités culturelles » et des actes de « barbarie ». L’Allemagne fut mise en cause pour non-respect des conventions internationales de La Haye sur les lois et les coutumes de la guerre sur terre qui avaient intégré, en 1899 et 1907, le principe de la protection des biens culturels.
Par réaction, les autorités allemandes instaurent à l’automne 1914 le « Kunstschutz », qui a pour objectif de « protéger l’art de l’ennemi » en créant un service de protection des œuvres d’art au sein des armées, d’abord en Belgique occupée, puis en 1916 dans le nord de la France et ainsi de se racheter aux yeux des instances internationales dans le but de redorer son image de « pays de la culture par excellence ». Si en Belgique les historiens d’art allemands se consacrèrent à l’inventorisation des œuvres d’art, en France, en revanche, la mise en place du « Kunstschutz » fut plus liée à un projet de confiscation stratégique, en vue des négociations de paix.
L’un des instigateurs du concept du « Kunstschutz » fut Paul Clemen, historien de l’art à l’Université de Bonn et inspecteur des monuments de la Rhénanie et qui fut à la tête de la commission artistique des forces d’occupation allemande en Belgique.
Durant le second conflit mondial, le concept du « Kunstschutz » fut remis en place dans certains pays occupés (en France et en Belgique, puis en Grèce, en Serbie et en Italie), car il donnait aux autorités du IIIᵉ Reich une image altruiste lui permettant de masquer les spoliations.

En France occupée

De 1940 à 1942, le responsable, à Paris, de la mise en œuvre du Kunstschutz au sein de la Wehrmacht est le comte Franz von Wolff-Metternich zur Gracht. Celui-ci, diplômé de l’université de Bonn en histoire de l’art, est un élève de Paul Clemen. Bien qu’il ne soit pas membre du NSDAP, il est nommé par Adolphe Hitler pour superviser les collections d’art de la France. Il fut relevé de son poste en 1942, pour avoir contrevenu aux ordres, en fermant les yeux sur les activités de Jacques Jaujard (directeur des Musées nationaux) qui tentait de préserver du pillage les collections nationales françaises. Il reçoit la Légion d’honneur en 1952 des mains du général de Gaulle sur recommandation de Jacques Jaujard pour avoir permis la protection de nombreuses œuvres du Louvre durant l’occupation.
À partir de janvier 1942, le pillage s’intensifie et se porte sur les habitations et les appartements abandonnés par les Juifs, les évadés ou les déportés. Il est organisé par de petites équipes comme en France, en Belgique et aux Pays-Bas dans le cadre de la « Möbelaktion ». Tous les appartements ont été entièrement vidés de leur contenu : vêtements, meubles, ustensiles de ménage, vaisselle, linge de maison, photos, papiers personnels (certificats, polices d’assurance…), les objets sans valeur étant brûlés, rien n’étant épargné. Initialement mis à la disposition des administrations des territoires de l’Est occupé, ces biens spoliés sont proposés à la vente aux victimes des bombardements alliés en Allemagne. Les livres quant à eux servent à alimenter la bibliothèque de l’École supérieure du NSDAP.
De plus, la législation du régime de Vichy allait d’ailleurs dans le même sens, car elle prévoyait que les œuvres d’art prises aux Juifs seraient vendus « au profit de l’utilité publique ».

L’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg (ERR)

Créée en 1933 et dirigée par l’un des théoriciens du nazisme Alfred Rosenberg 1893-1946 (qui devient en 1941 ministre des Territoires occupés de l’Est), l’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg (Équipe d’intervention du Reichsleiter Rosenberg) était une section du bureau de politique étrangère du NSDAP en charge des spoliations.
Sur un ordre d’Adolf Hitler datant du 5 juillet 1940, l’ERR est autorisé à confisquer dans les pays envahis à confisquer :

  • Dans les bibliothèques d’État et les archives des manuscrits précieux pour l’Allemagne ;
  • Les greffes des autorités ecclésiastiques et des loges maçonniques ;
  • Tous les autres biens culturels de valeur appartenant à des juifs.

À partir de 1941, l’ERR a créé de nombreuses antennes en Europe de l’Est. Elle était en concurrence avec d’autres institutions nazies, notamment le « Sonderkommando Künsberg » et la « Communauté de recherche et d’enseignement Ahnenerbe » sous la tutelle de Heinrich Himmler. Les trois organisations s’occupaient en collaboration avec la Wehrmacht et la SS de détecter, de classer et d’évacuer (ou de détruire) des œuvres d’art et des archives.

L’ERR en France

Dès le début de l’occupation, l’ambassade d’Allemagne à Paris, et son représentant, Otto Abetz, sous prétexte de « mise en sécurité », organise des saisies importantes. En septembre 1940, la responsabilité de la mise en sécurité des œuvres est confiée à l’ERR.
L’ERR s’établit à Paris en juillet 1940, d’abord à l’hôtel Commodore (12, boulevard Haussmann) puis 54, avenue d’Iéna. Il est dirigé par le baron Kurt von Behr (1890-1945) assisté de Bruno Lohse (1911-2007). Les grandes collections détenues par des juifs comme celles de Paul Rosenberg, des Rothschild, ou encore des David-Weill ont été pillées.
Des objets d’art ont été confisqués dans plus de cinquante lieux différents et exposés lors de sept expositions au musée du Jeu de Paume, qu’ils utilisent comme dépôt central avant d’orienter les œuvres vers différentes destinations en Allemagne. L’objectif étant de montrer à Alfred Rosenberg et Hermann Göring, avec lequel l’ERR collabore étroitement à Paris, une vue d’ensemble des objets précieux confisqués.
Mi-1941, le travail de l’ERR en France était pratiquement achevé. Selon un rapport de travail, 203 collectes avaient concerné 21 903 objets. Rose Valland, attachée de conservation au Musée du Jeu de Paume, a fait l’inventaire détaillé des œuvres transférées et de leur déplacement de 1940 à 1944.
Une grande partie de ce butin de guerre est transférée à la fin de la guerre dans trois mines près de Salzburg, la plus connue étant la mine de sel d’Altaussee avec plus de 2 000 pièces.

The Monuments, Fine Arts, and Archives program

George Leslie Stout, conservateur d’art et directeur de musée, persuade le commandement militaire allié et le président des États-Unis, Franklin Delano Roosevelt, de créer la « Commission américaine pour la protection et le sauvetage des monuments artistiques et historiques en zone de guerre ». Cet organisme américain est créé le 23 juin 1943 par le général Eisenhower, sous le nom de « Monuments, Fine Arts, and Archives program », (« programme [de sauvegarde] de l’art, des monuments et des archives »), connue également sous le nom de la Commission Roberts grâce à son directeur Owen Josephus Roberts et communément surnommé les « Monuments Men ».

Les monuments men

Bien que le « Monuments, Fine Arts, and Archives program » soit une commission américaine, elle est composée d’environ 350 hommes et femmes originaires de 13 nations différentes : Belges, Néerlandais, Britannique, Polonais, Néo-zélandais, Norvégiens, Américains et Français.
Les « Monuments Men » fournissent aux troupes américaines et alliées des informations sur le patrimoine culturel et les zones d’interventions. Ils protègent les œuvres en zone de combat, mais sont aussi chargés de rechercher les œuvres disparues et d’établir des inventaires pour pouvoir les restituer à leurs propriétaires.
Les membres constituant les « Monuments Men », sont recrutés parmi les militaires ou les universitaires ayant une formation de conservateur de musée, d’historien de l’art, d’architecte, d’archiviste ou d’artiste et sont initialement chargés de préserver des combats, les églises, musées et monuments nationaux au cours de la progression des Alliés puis, à la fin de la guerre de retrouver les biens pillés par le IIIᵉ Reich et de les expertiser. Les spoliations ont été évaluées à plus de cinq millions de tableaux, sculptures, livres… et dont certaines pièces n’ont jamais été retrouvées.
Parmi les membres engagés auprès des « Monuments Men » on recense un certain nombre de Français dont :

  • Bernard Druène : militaire et historien français.
  • Michel François : archiviste, paléographe et historien français.
  • Jacques Jaujard : haut fonctionnaire français de l’administration des Beaux-Arts.
  • Rose Valland : historienne d’art, une résistante et une capitaine de l’armée française.

Jacques Jaujard, illustre et inconnu

Haut fonctionnaire de l’administration des Beaux-Arts, ayant veillé par le passé à l’évacuation des collections du musée du Prado, durant la guerre d’Espagne, Jacques Jaujard ne croit pas aux Accords de Munich signés en 1938. Alors, en secret, il imagine un plan d’évacuation des collections des musées nationaux, en y incluant les vitraux des cathédrales dont celles de Strasbourg, Chartres, Rouen et Amiens.
Si son travail au niveau national est mal documenté, on en connaît plus sur celui qu’il entreprit au Louvre où dès 1938 il teste un plan d’évacuation du Musée. Le 25 août 1939, il fait fermer le Louvre, c’est-à-dire dix jours avant la déclaration de guerre par la France à l’Allemagne, où il entreprend avec ses équipes de déménager les œuvres les plus importantes en Province, loin de la ligne de front.
Dès la première soirée, 800 toiles sont retirées des cadres, dans les deux jours qui suivent, 200 personnes emballent minutieusement 4 000 Œuvres (peintures, livres, archives, antiquités grecques et romaines, dessins, les tapisseries, les meubles). Plus de 200 véhicules sont nécessaires pour le déménagement du Louvre dont le dernier chef-d’œuvre sera évacué le 3 septembre 1939, le jour même de la déclaration de guerre.
En juin-juillet 1940, il organise et surveille le transport des œuvres qui avaient été cachées en 1939 au Château de Chambord vers des lieux divers de la zone libre, et ce, malgré les ordres contraires donnés par le régime de Vichy.
Le 16 août 1940, il reçoit l’officier allemand Franz von Wolff-Metternich en charge du « Kunstschutz » et de prendre le contrôle des chefs-d’œuvre français. Il trouvera en ce dernier un appui imprévu.
Pendant l’Occupation, il reste à Paris, où il tente sans succès de faire accepter aux Allemands l’établissement d’un inventaire des œuvres en partance.
L’action de Jacques Jaujard ne s’est pas réduite à assurer la protection continue des œuvres du Louvre. Il contribue à la sauvegarde des collections d’art publiques et privées, et encourage l’action de Rose Valland au musée du Jeu de Paume.
Membre du réseau NPA (Noyautage Administration Publiques), il rencontre de l’actrice Jeanne Boitel envoyée par la Résistance, qui répertorie les œuvres séquestrées par les Allemands et pour discuter du sort des œuvres qu’il a dissimulés. Grâce à leurs actions, les alliés savent où se trouvent les châteaux dans lesquels sont stockées les œuvres d’art afin d’éviter de les bombarder.

  • Jeanne Boitel
    Véritable star des années 1930, elle refusa de tourner sous l’occupation et se distingua dans la Résistance sous le nom de « Mozart ». Pseudonyme qu’elle aurait choisi, en souvenir du Mozart de Reynaldo Hahn qu’elle avait joué en Amérique du Sud en 1939.
    Elle est recrutée avec huit autres comédiennes (surnommées les neuf « muses ») par Henri Rollan (Bach dans la Résistance), acteur de renom à la Comédie-Française et à l’Odéon, pour constituer un réseau discret. Ce réseau était en charge de l’hébergement parisien et du secrétariat des envoyés de Londres, parmi lesquels les plus grandes figures de la Résistance, de Jean Moulin à Pierre Brossolette. Jeanne Boitel a été envoyée auprès de Jacques Jaujard pour inventorier et discuter du sort des œuvres qu’il avait dissimulées. Ils tombent amoureux et se marieront après la guerre, après le divorce de Jaujard.
    Femme d’un grand sang-froid, Jeanne Boitel transportait tous les jours dans une serviette des documents secrets de la Résistance et avait déclaré : « C’était une volupté de me trouver dans le métro, avec cette serviette, serrée contre les Allemands ». Son courage lui a valu d’être décorée de la Croix de Guerre, de la Rosette de la Résistance et de la Légion d’Honneur.

À partir de 1944, avec l’aide du service américain Monuments, Fine Arts, and Archives program, Jacques Jaujard commence la récupération des œuvres cachées depuis 1939 dans toute la France, et même en Europe pour ce qui est des œuvres volées aux Juifs français. Les collections publiques mettront près de 4 ans pour regagner les musées qu’elles avaient dû quitter.
En octobre 1944, à la Libération, il est nommé directeur général des Beaux-Arts, puis, en décembre, directeur général des Arts et des Lettres. Il réforme les théâtres nationaux, crée la Caisse nationale des lettres et les centres dramatiques de province.
En juillet 1959, à la création du Ministère d’État chargé des Affaires culturelles confié à André Malraux, Jaujard en devient le secrétaire général. Il a pour mission de coordonner les différents services placés sous l’autorité du ministre : Arts et Lettres, Théâtres nationaux, Monuments historiques, Cinémas, Propagande touristique, Éducation populaire.

Rose Valland, une héroïne si discrète

Rose Valland (1898 −1980), est une conservatrice de musée et une résistante française, qui a joué un rôle décisif dans le sauvetage et la récupération de plus de 60 000 œuvres d’art et objets divers spoliés par les nazis aux institutions publiques et aux familles juives pendant l’Occupation.
À partir du 30 octobre 1940, à la demande du directeur des Musées nationaux, Jacques Jaujard, elle demeure en activité au Musée de Jeu de Paume, officiellement comme attachée de conservation, officieusement chargée de lui rendre compte des agissements des Allemands qui viennent de réquisitionner le musée pour y stocker les œuvres d’art spoliées à des collectionneurs privés.
Pendant quatre ans, elle garde la trace des mouvements, de la provenance et de la destination des œuvres. Elle rédige des dizaines de fiches de manière scrupuleuse, déchiffre les papiers carbone allemands dans les poubelles du musée, écoute les conversations des officiels nazis.
Elle dresse alors un inventaire précis des œuvres qui transitent par le musée et essaye de connaître leurs destinations (en tête de liste, Hitler et son musée Führermuseum ainsi que la collection personnelle d’Hermann Göring), les noms des personnes responsables des transferts, ainsi que le numéro des convois et des transporteurs.
Elle fournit des informations essentielles à la Résistance sur les trains qui transportent les œuvres, afin que ces convois soient épargnés par les résistants. À l’automne 1944, elle communique aux Alliés les noms des dépôts allemands et autrichiens (Alt-Aussee, Buxheim, Neuschwanstein-Füssen, Nikolsburg, etc.) afin d’éviter les bombardements, de les sécuriser et de faciliter la récupération des œuvres.
À la libération de Paris et jusqu’au 1er mai 1945, elle travaille avec le SHAEF (Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force) donnant aux Américains des informations capitales sur les sites de stockage des œuvres transférées en Allemagne et Autriche. Parallèlement à cela, en novembre 1944, elle est nommée secrétaire de la « Commission de récupération artistique » et chef de poste central de la « récupération artistique en Allemagne et en Autriche ». Cette Commission française fut créée sur l’initiative de Jacques Jaujard le 24 novembre 1944, elle est présidée par le collectionneur Albert Henraux, et est dissoute le 30 septembre 1949.
À partir du 1er mai 1945, elle est détachée du ministère de l’Éducation nationale au ministère de la Guerre, puis, du 1er avril 1946 au 1er mars 1952, détachée au ministère des Affaires étrangères, au secrétariat d’État par la suite au Commissariat général aux Affaires allemandes et autrichiennes. Elle devient « officier Beaux-arts » dans la 1re armée française, chef du Service de remise en place des œuvres d’art – Récupération artistique, division Éducation publique du Groupe français du Conseil de Contrôle où elle a le grade de capitaine.
En résidence administrative à Berlin, elle est habilitée à se rendre dans les différentes zones d’occupation alliées, britannique, américaine et soviétique, d’où elle rapatrie de très nombreuses œuvres. Lors de ces déplacements en zone soviétique, elle se livre à des opérations d’espionnage, faisant des rapports sur les mouvements de troupes et leur armement.
Elle coopère avec les agents américains comme Ardelia Hall, James Rorimer, S. Lane Faison, pour interroger les officiers et les marchands nazis auteurs des pillages : Günther Schiedlausky, Hildebrand Gurlitt, Bruno Lohse, etc. Elle témoigne au procès des dirigeants nazis à Nuremberg.
Entre 1945 et 1954, elle aura participé au rapatriement de plus de 60 000 œuvres et objets divers spoliés aux institutions publiques (Musée de l’Armée, loges maçonniques, Bibliothèque polonaise, etc.) et aux familles juives persécutées (Bacri, Bernheim, Cassel, David-Weill, Dreyfus, Alphonse Kann, Paul Rosenberg, Rothschild, Seligmann, etc.).
À son retour à Paris en mars 1952, elle réintègre l’administration des Musées de France, comme conservatrice des Musées nationaux. Elle devient chef du Service de protection des œuvres d’art (SPOA), service créé à son intention dans un but prospectif de protection des œuvres d’art en cas d’un 3ᵉ conflit mondial.
Elle prend sa retraite en 1968, mais continue à travailler sur la restitution des œuvres spoliées, à la demande du Service des bibliothèques, des archives et de la documentation générale (SBADG) des Musées nationaux.

Dans la littérature et de cinéma

Si son travail sur la restitution des œuvres spoliées est bien reconnu par les victimes qui lui témoignent leur gratitude, il demeure toutefois peu valorisé après la guerre. Malgré tout, un certain nombre d’ouvrages rendent hommage à son travail durant cette période difficile et risquée.

  • Le lieutenant James Rorimer, l’un des officiers américains chargés du sauvetage du patrimoine artistique européen, témoignera du travail de Rose Valland dans son livre : Survival, en 1950.
  • En 1961, Rose valland fit connaître son action sous l’Occupation dans le livre : Le Front de l’art (réédité en 1997, puis en 2014).
  • En 1994, l’essai « The Rape of Europa: The Fate of Europe’s Treasures in the Third Reich and the Second World War » de l’Américain Lynn H. Nicholas permet de remettre en lumière le rôle de Rose Valland dans le cadre des pillages nazis.
  • En 2006, Corinne Bouchoux publie la première biographie consacrée à Rose Valland.
  • En 2009, l’écrivain Sara Houghteling pour son roman « Pictures at an Exhibition » s’inspire de la vie de Rose Valland pour créer le personnage de Rose Clément.
  • En 2009, Rose Valland est au centre de l’essai de Robert M. Edsel, « The Monuments Men ». Ce livre est adapté au cinéma février 2014 par le comédien-réalisateur George Clooney.
  • En 2014, elle est au centre du roman de Susan Winkler, « Portrait of a Woman in White ».

La vie de Rose Vallant fut également le centre de plusieurs documentaires, dont :

  • Un réalisé en 2006 par Richard Berge et Bonni Cohen qui s’inspire de l’essai Lynn H. Nicholas « The Rape of Europa » : « The Fate of Europe’s Treasures in the Third Reich and the Second World War ».

Et de plusieurs adaptations cinématographiques :

  • Son personnage durant le second conflit mondial inspira John Frankenheimer pour son film « le Train » (1964), au scénario en partie basé sur ses mémoires Le front de l’art, publiées en 1961 : on y voit un personnage qui se nomme « Mlle Villard », interprété par Suzanne Flon.
  • En février 2014, l’essai de Robert M. Edsel, « The Monuments Men » (paru en 2009) est adapté au cinéma février 2014 par le comédien-réalisateur George Clooney. Dans ce film, « Monuments Men », il met en scène le personnage de Claire Simone, interprété par Cate Blanchett, qui reprend les caractères de Valland.
  • En 2015, le film « L’Antiquaire » de François Margolin évoque la figure de Rose Valland.

Hommage

Même si son rôle a été méconnu du grand public, depuis peu un certain nombre d’hommages lui sont rendus :

  • À la fin des années 1990, le ministère de la Culture et de la Communication donne le nom de Rose Valland à la base de donnée des Musées nationaux récupération (MNR) répertoriant les œuvres spoliées non-réclamées.
  • Le 25 avril 2005, le ministre français de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres dévoile une plaque commémorative à son nom sur la façade du Jeu de paume au jardin des Tuileries.
  • Entre 2011 et 2017, deux fresques en trompe-l’œil sont réalisées à St Etienne de St Geoirs sur le mur de deux maisons (n° 5 et n° 5 bis, route de Saint-Marcellin). En particulier, la fresque du mur de droite évoque les œuvres d’art toujours en attente de restitution de nos jours et qui sont recensées par le répertoire dit « Rose Valland – M.N.R. »
  • La promotion 2012 des conservateurs du patrimoine de l’Institut national du patrimoine porte son nom.
  • À partir du 5 juillet 2013, au cœur de sa roseraie historique, le Musée dauphinois présente une rose en l’honneur de Rose Valland, créée par la roseraie Guillaut de Chamagnieu à l’initiative de l’Association La Mémoire de Rose Valland.
  • En 2014, la Ville de Paris dévoile une plaque officielle à son domicile, au 5 rue de Navarre, dans le 5e arrondissement.
  • Une statue à son effigie, inaugurée le 18 septembre 2016, a été réalisée par Guy Le Perse pour la résidence Les Rives de la Marque à Marcq-en-Barœul.
  • En 2016, une rue du 17e arrondissement de Paris, le passage Rose Valland, prend son nom.
  • Le 1er octobre 2018, La Poste française émet un timbre à son effigie.
  • Le 25 juin 2019, inauguration d’une allée Rose-Valland à Grenoble.
  • De novembre 2019 à avril 2020 : exposition Rose Valland. En quête de l’art spolié au musée dauphinois à Grenoble.
  • Le site des Musées Nationaux Récupération, répertoriant des œuvres spoliées qui n’ont pas pu être restituées, porte le nom de Rose Valland.

Musées nationaux récupération (MNR)

D’après les réclamations des victimes faites après-guerre, on estime qu’au moins 100 000 œuvres d’art ont été pillées par l’occupant et sorties du territoire français. 40 000 n’ont pas été retrouvées, soit qu’elles ont été détruites, soit qu’elles ont été cachées après-guerre. 60 000 ont été retrouvées et rapatriées en France. La plupart d’entre elles ont été réclamées et restituées à leurs propriétaires (ou à leurs ayants droit) spoliés.
Parmi les œuvres non réclamées, celles de moindre valeur ont été vendues par les Domaines, tandis que d’autres étaient confiées à la garde des musées nationaux. Ce sont elles qui constituent ce qu’on appelle les MNR, « Musées Nationaux Récupération », en faisant l’amalgame entre les œuvres et l’inventaire sur lequel elles sont inscrites.
L’ensemble de ces œuvres sont au nombre d’environ 2 000, la plupart conservées au musée du Louvre. Sur le plan juridique, ces œuvres n’appartiennent pas à l’État qui n’en est que détenteur provisoire en attente de leur restitution à leurs propriétaires légitimes.
Elles ne font donc pas partie des collections publiques des musées de France et ne sont pas répertoriées non plus dans la base Joconde des collections nationales. En revanche, elles sont dûment documentées et illustrées dans la base Atlas du Louvre.
Un catalogue spécifique, portant le nom de Rose Valland, le catalogue des MNR, décrit les œuvres et leur localisation ; il est consultable en ligne.
Le sigle MNR désigne les œuvres d’art (peintures, dessins, sculptures, objets d’art) provenant du pillage culturel commis par les Allemands pendant l’occupation et inscrites, à l’issue des opérations de récupération artistique (1945-1950), sur un inventaire spécifique (strictement distinct de l’inventaire des collections nationales). Les MNR provenant de spoliations sont restituables à leurs légitimes propriétaires.
Ces œuvres ont la particularité :

  • d’avoir été pillées par les Allemands sur le sol français pendant l’occupation,
  • d’avoir été localisées en territoire étranger puis rapatriées en France par les services chargés des opérations de récupération artistique,
  • de ne pas avoir été réclamées par leurs propriétaires légitimes pour le cas où elles auraient été spoliées,
  • d’avoir été sélectionnées pour leur valeur artistique parmi les œuvres non réclamées (les autres étant vendues en ventes publiques par l’administration des Domaines),
  • d’avoir été confiées à la garde des musées de France dans l’attente d’être restituées à leurs légitimes propriétaires en cas de spoliation.

Site des RMN → http://www2.culture.gouv.fr/documentation/mnr/MnR-accueil.htm

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