Manifeste réalisé pour l’inscription au Patrimoine Culturel Immatériel de l’Unesco des langues anciennes.
Considérant le préambule du traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007 instituant la Communauté européenne déclarant :
« S’INSPIRANT des héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe, à partir desquels se sont développées les valeurs universelles que constituent les droits inviolables et inaliénables de la personne humaine, ainsi que la liberté, la démocratie, l’égalité et l’État de droit ; »
Et établissant le fait que les langues anciennes sont vectrices de culture, que le latin et le grec, s’enseignent depuis 2 000 ans en France. Les « Universités » d’Augustodunum, les fameuses Écoles Méniennes d’Autun (71) citées par Tacite et dont le professeur le plus célèbre fut le rhéteur Eumène au tournant des IIIᵉ et IVᵉ siècles, sont également attestées archéologiquement.
Considérant par ailleurs que les langues anciennes sont constitutives de l’histoire et de la langue française, mais pareillement constitutives de l’histoire européenne et des langues romanes.
Considérant que ces langues ont profondément marqué notre patrimoine culturel et artistique, qu’elles sont un facteur d’unité, d’identité commune à l’échelle de la France, du monde méditerranéen et du continent européen ; et qu’elles tendent même vers l’universalité : les six langues officielles de l’ONU partagent toutes un passé linguistique riche et ancien.
Considérant que la diffusion du Français d’abord, par le biais de la francophonie, s’accompagne d’une diffusion de ces langues anciennes et des cultures qu’elles véhiculent. Quand Aimé Césaire écrit « La Tragédie du roi Christophe », en 1963, ne s’inspire-t-il pas du théâtre grec pour décrire le drame de l’histoire haïtienne ? Cette dynamique est également partagée par les autres langues romanes, dont l’empreinte se fait sentir bien au-delà du continent européen : espagnol, portugais, italien, roumain…
Mais considérant qu’on ne saurait ensuite restreindre l’influence de ces langues anciennes au latin et au grec, tout comme on ne saurait restreindre leurs légataires aux seules langues romanes : l’arabe classique, le sanskrit, les glyphes mayas, le chinois classique sont constitutifs d’autres bassins civilisationnels, au sein desquels ils jouent un rôle similaire.
Considérant qu’au-delà des époques et des frontières, il y a dans leur étude et leur promotion la volonté de perpétuer la pensée de nos ancêtres, de mettre en lumière le lien de parenté tant linguistique qu’idéologique entre ces peuples d’autrefois et les nôtres.
Considérant qu’au-delà des mots, ces langues, en communiquant entre elles, portent des concepts nouveaux qui façonnent le développement intellectuel de nos civilisations, de la démocratie grecque et du droit romain jusqu’au zéro arabe. L’histoire du mot « Typhon » illustre bien ce dialogue entre les langues et leur enrichissement mutuel ; Typhon ou Typhée viendrait du nom d’une divinité primitive malfaisante de la mythologie grecque responsable des vents forts et des tempêtes. Le terme aurait voyagé vers l’Asie via l’arabe (tūfān), pour devenir tai fung (grand vent) en chinois-cantonais, que l’on retrouve sur l’archipel nippon sous la forme du sino-japonais taifū puis récupéré par les navigateurs portugais (tufão), avant de revenir vers notre langue pour dénommer les cyclones tropicaux de l’océan Pacifique nord.
Plus que des langues, cette histoire démontre bien que ce sont donc des points de contact avec les civilisations dont elles sont issues, des fenêtres ouvertes sur notre passé.
Considérant qu’elles furent et demeurent une source d’inspiration pour les penseurs et innovateurs de tout temps. Ceux de la Renaissance d’abord, qui envisagèrent le miracle grec et la prospérité romaine comme premières ébauches de la civilisation occidentale. Ceux d’aujourd’hui ensuite : le latin et le grec occupent une place prépondérante tant dans la littérature contemporaine que dans la nomenclature scientifique et les nouvelles technologies. L’ordinateur qui fait partie de notre quotidien, dont le nom fut suggéré en 1955 par le philologue Jacques Perret, n’est-il pas nommé d’après l’ordinator latin ? Idem pour sa forme anglo-saxonne computer empruntée au latin computare signifiant « calculer ».
Considérant qu’à l’heure où ces langues anciennes et leur enseignement perdent en popularité, les chercheurs, professeurs, associations et passionnés luttent pour leur sauvegarde au travers notamment de reconstitutions d’histoire vivante, clubs de discussions, et promotions du patrimoine linguistique, littéraire et archéologique. La diversité de ces initiatives témoigne de l’énergie déployée par ces individus et communautés pour la conservation de ce patrimoine inestimable.
Considérant que plus que des disciplines académiques, ce sont des instruments de dialogue entre les peuples, et elles conversent aujourd’hui avec nous comme elles ont conversé entre elles par le passé. Il y a nécessité de perpétuer leur enseignement et leur promotion, afin que notre héritage commun, bâti au fil des siècles, demeure dans les mémoires.
Ces civilisations et leurs langues n’ont en effet pas fini de nous livrer leurs secrets, et restent des sources intarissables auxquelles les sociétés contemporaines n’hésitent pas à faire appel pour penser le présent.
Nous déclarons vouloir et œuvrer à faire inscrire les langues anciennes, constitutives de la langue française, dont le latin et le grec, comme véhicules culturels sur la liste du Patrimoine Culturel Immatériel de l’Unesco afin de les protéger et de les sauvegarder comme héritage ancestral pour les générations futures afin qu’elles gardent un lien fort avec les origines de l’Humanité et l’avenir de nos civilisations.