La soupe à l’oignon

Soupe à l’oignon gratinée, de la cuisine bourguignonne.

La soupe à l’oignon est une soupe gratinée à base d’oignons, traditionnelle de la cuisine française et de nombreuses régions productrices d’oignons.

D’origine ancienne, le plat a connu un regain de popularité dans les années 1960 aux États-Unis en raison d’un plus grand intérêt pour la cuisine française.

Histoire

Les soupes à l’oignon sont populaires au moins depuis l’époque romaine. Elles furent à travers l’Histoire souvent considérées comme une nourriture pour gens modestes, en raison de l’abondance des oignons et de la facilité à les cultiver. La version moderne de cette soupe est venue de France au XVIIᵉ siècle, faite de pain sec ou croûtons, bouillon de bœuf et oignons caramélisés.

Soupe à l’oignon

Une première recette appelée soupe à l’oignon se trouve dans le recueil de recettes Le Viandier de Guillaume Tirel au XVᵉ siècle. François Pierre La Varenne, le chef de Marie de Médicis, a décrit l’utilisation du pain comme complément à la soupe à l’oignon dans son livre de cuisine de 1651 « Le Cuisinier François ».

La soupe à l’oignon française ou parisienne (soupe à l’oignon ou soupe d’oignons aux Halles) était déjà proposée comme nourriture aux marchands, clients et touristes dans le quartier des Halles au XVIIIe siècle.

La légende prétend que la soupe fut inventée par le roi Louis XV. Tard dans la nuit, alors qu’il se trouvait dans sa loge de chasse, il découvrit qu’il n’avait comme provisions que des oignons, du beurre et du champagne. Il cuisina les trois ingrédients et en fit la première soupe à l’oignon française. D’autres histoires attribuent la paternité de cette spécialité au roi Louis XIV.

Soupe miso aux oignons verts et au caillé de haricots frits

La façon traditionnelle de préparer la soupe à l’oignon consiste à faire rissoler lentement des oignons émincés, parfois aussi de l’ail, dans du beurre ou de l’huile végétale, jusqu’à ce qu’ils prennent une couleur jaune doré, puis de les saupoudrer de farine et de les tremper dans du vin blanc. Ensuite, est ajouté de l’eau et du bouillon de légumes ou plus communément, du bouillon de viande et laisser cuire lentement. Il est également courant de tremper des morceaux de pain blanc griller (croûtons) dans la soupe, d’ajouter du fromage râpé et de gratiner l’ensemble du plat.

Nicolas Appert, l’inventeur de la conserve appertisée, était avant tout un cuisinier et un confiseur et, s’il apprit la cuisine chez son père à l’hôtel du Palais-Royal, il fit aussi son apprentissage dans les meilleurs établissements de sa ville natale, Châlons-en-Champagne, et en particulier l’hôtel de La Pomme d’Or. C’est dans cette auberge que descendait chaque année Stanislas Leszczynski, duc de Lorraine et ex-roi de Pologne, sur la route de Versailles pour aller rendre visite à sa fille la reine Marie, épouse de Louis XV.

Soupe à l’oignon

Un soir, on lui servit une soupe à l’oignon qu’il trouva « si délicate et si soignée, qu’il ne voulut pas continuer sa route sans avoir appris à en préparer lui-même une semblable. Enveloppée dans sa robe de chambre, Sa Majesté descendit à la cuisine, et voulut absolument que le chef opérât sous ses yeux. Ni la fumée, ni l’odeur d’oignon, qui lui arrachaient de grosses larmes, ne purent distraire son attention ; elle observa tout, en prit note, et ne remonta en voiture qu’après être certaine de posséder l’art de faire une excellente soupe à l’oignon ».

Nicolas Appert lui dédia cette soupe, lui donnant le nom de « soupe à l’oignon à la Stanislas » et il publia la recette dans son “Livre de tous les ménages, ou l’art de conserver pendant plusieurs années toutes les substances animales et végétales”, de 1831 :

Soupe à l’oignon

« On enlève la croûte du dessus d’un pain, on la casse en morceaux que l’on présente au feu des deux côtés. Quand ces croûtes sont chaudes, on les frotte de beurre frais, et on les représente de nouveau au feu jusqu’à ce qu’elles soient un peu grillées ; on les pose alors sur une assiette pendant le temps que l’on fait frire les oignons dans le beurre frais, on en met ordinairement trois gros, coupés en petits dés ; on les laisse sur le feu jusqu’à ce qu’ils soient devenus d’un beau blond un peu foncé, teinte qu’on parvient à leur donner bien égale qu’en les remuant presque continuellement ; on y ajoute ensuite les croûtes, en remuant toujours, jusqu’à ce que l’oignon brunisse. Quand il a suffisamment pris de couleur, pour détacher de la casserole, on mouille avec de l’eau bouillante, on met l’assaisonnement et l’eau nécessaire, puis on laisse mitonner au moins un quart d’heure avant de servir. »

L’histoire ne dit pas si, une fois à Versailles, Stanislas prépara cette soupe à son gendre le roi de France. Par contre, une fois à la cour, la renommée de la « soupe à l’oignon » se fit.

Soupe à l’oignon

Tout en prenant un tout autre sens qu’uniquement celui de mets : sa capacité à voiler les senteurs de vins et alcools, non d’un verre ou deux, mais d’une consommation marquée. La réputation de la soupe à l’oignon devint alors celle de « la soupe des ivrognes ». Cette réputation l’a fait rentrer dans les mœurs, principalement des moyennes et petites gens, qui pouvaient ainsi, aux occasions de beuveries, s’offrir et consommer un plat de la noblesse, non à titre de bouche, mais pour occulter les relents de vins.

La soupe à l’oignon a été introduite aux États-Unis en 1861, par d’Henri Mouquin restaurateur new-yorkais, dont sa femme Marie-Julie Grandjean Mouquin était le chef.

Société du « dîner de la soupe à l’oignon »

Cette société, forte de vingt membres, exista pendant la Restauration. Les sociétaires se réunissaient tous les trois mois pour un dîner qui débutait toujours par une soupe à l’oignon. Ils s’étaient juré de se retrouver ainsi jusqu’à ce que chacun d’entre eux ait été élu à l’Académie française, ce qui fut chose faite en 1845, lorsque le dernier convive entra à l’Institut de France.

Préparation

La soupe à l’oignon se prépare en faisant brunir dans une matière grasse des oignons émincés. On y ajoute de l’eau, on laisse mijoter un peu avant de mettre la soupe dans des bols et de l’agrémenter de croûtons et fromage râpé et la passer au four durant quelques minutes. Cette soupe est servie chaude, en entrée.

Variantes

En Auvergne, cette recette était traditionnellement faite par des bergers. Ceux-ci partaient en transhumance avec le bétail, et avec des matières faciles à conserver : oignons, saindoux ; ils faisaient leur fromage sur place avec le lait du bétail, vaches ou brebis. Si l’on veut faire une recette traditionnelle, on remplace le beurre par du saindoux, et le fromage par de la tomme de fromage, si possible de Saint-Nectaire. Le vin, lui, pouvait être remplacé par de l’eau-de-vie (prune, poire, etc.).

La soupe à l’oignon strasbourgeoise ressemble à la soupe parisienne, la différence étant l’utilisation de croûtons et d’un jaune d’œuf cru.

Une autre variété est la soupe Soubise, où les oignons sont réduits en purée et la soupe est épaissie avec de la sauce béchamel. Au lieu de pain grillé, la soupe est servie avec des morceaux de pâte à choux et accompagne des plats de viande ou de légumes. De nombreuses variations existent. Elle figure dans de nombreux livres de cuisine à partir du milieu du XIXᵉ siècle, notamment Le Guide culinaire d’Auguste Escoffier. Son invention est attribuée au maréchal et gourmet Charles, prince de Soubise (1715-1787), mais les premiers ouvrages qui la mentionnent remontent à la décennie 1830, notamment L’Art de la cuisine au XIXᵉ siècle de Marie-Antoine Carême.

Soupe à l’oignon allemande

Soupe gratinée à l’oignon et au fromage

Des soupes à l’oignon similaire à la française sont également connues en Allemagne.

  • La soupe à l’oignon du Palatinat est préparée avec de la crème et du vin, assaisonnée de carvi, et du pain grillé sans fromage.
  • La soupe à l’oignon du sud de l’Allemagne est liée avec du roux blond, passé au tamis, allié avec du jaune d’œuf et servi avec des cubes de pain grillé. Dans le livre de cuisine pratique pour la cuisine bourgeoise et raffinée de Marie Buchmeier de 1885, il y a une recette extrêmement simple dans laquelle du pain noir finement tranché est versé sur de l’eau bouillante dans la soupière et des oignons cuits jaunes au beurre sont ajoutés.
  • La soupe à l’oignon du Rhin contient des carottes en dés et des saucisses cuites en plus des oignons et du bouillon de viande. Il est passé au tamis et assaisonné de vinaigre, les saucisses sont coupées et utilisées comme ingrédient.
  • La soupe à l’oignon de Hambourg est préparée avec des échalotes, du bouillon et du xérès et gratinée avec des croûtons et du fromage.

Soupe à l’oignon italienne

Outre la version française, une variante est également connue en Italie de la Zuppa di cipolle dans laquelle le bouillon et le vin sont remplacés par du lait. Il est servi avec des cubes de croûtons de pain et du parmesan râpé (non gratiné).

Dans le Piémont, on prépare un plat très similaire qui prend le nom de « soupe mitonata », le pain trempée dans un bouillon de poulet ou de bœuf et contenant du fromage râpé.

La tradition culinaire florentine comprend la « carabaccia », une soupe au pain dont il existe deux versions :

  • une « pauvre » avec des oignons cuits, du céleri et des carottes,
  • et une « riche » à base d’oignons de Tropea.

Soupe à l’oignon arabo-musulmane

La chorba est une soupe à l’oignon propre au monde arabo-musulman que l’on retrouve du Maroc à l’Asie centrale. Elle contient en outre de l’oignon, notamment des poivrons, des tomates et de l’ail et du bouillon de bœuf ou de mouton.

Maghreb

Assiette de chorba.

La chorba est principalement consommée en Afrique du Nord : Algérie, Libye, Tunisie et Maroc. Pendant le ramadan, la chorba est servie quotidiennement après la prière et offerte traditionnellement aux pauvres. Elle est très appréciée pour commencer le repas après une journée sans boire ni manger, car elle étanche la soif et prépare en douceur l’estomac pour recevoir de la nourriture.

Chorba zaara tunisienne.

Elle est généralement préparée à base de viande ovine (mouton ou agneau), de vermicelles ou de frik (blé concassé) et de légumes (variables selon les régions : tomates, courgettes, carottes, etc.).

  • La chorba tunisienne peut également être préparée avec de la viande de veau ou de poulet (moins grasses que le mouton) ou avec des pattes de bœuf ou encore à base de poisson ou de poulpe. Elle est souvent plus piquante que celle que l’on trouve en Algérie.
  • Chorba frik/djari algérienne.

    La chorba algérienne la plus répandue est préparée à base de frik alors que d’autres types de chorba existent telles que la chorba fdaouech avec des vermicelles. Dans la région algéroise, la chorba était couramment nommée el m’katfa du nom des vermicelles (thimkatafth en berbère) préparés artisanalement.

Leur point commun est qu’elles sont épicées et parfumées avec de la coriandre et de la menthe. La chorba bida (blanche) est aussi une spécialité algérienne consommée pendant le ramadan et appréciée pour sa légèreté.

Turquie

Çorba yayla turque.

Le mot « Chorba » signifie littéralement « soupe » en turc et il en existe de nombreuses variantes. Partager une chorba était symboliquement très important chez les janissaires de l’armée ottomane. Dans ce corps d’armée, çorbacı (littéralement « homme soupe ») était un rang militaire équivalent au grade de colonel.

Il est encore courant en Turquie de consommer une chorba, et particulièrement une işkembe çorbası, afin de contrer les effets de la gueule de bois.

Roumanie, Moldavie et Balkans

Chorpo kirghize.

Dans ces pays, la ciorbă est une soupe acide à base de son de blé fermenté.

Asie centrale

Dans les cuisines kazakhe et kirghize, la shorpo est préparée à partir de mouton bouilli. Il existe des variantes au Turkménistan (çorba) et au Tadjikistan (shurbo ou shurpo). Dans la cuisine afghane, on l’appelle shorwa ; elle est composée de viande, pommes de terre et haricots.

Ce contenu a été publié dans Gastronomie et terroirs, avec comme mot(s)-clé(s) , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.