Le cornet à glace

Un cornet à glace, nommé également cornet de glace, cornet de/à crème glacée (en Belgique, au Québec et au Nouveau-Brunswick) ou, par métonymie, cornet, est une pâtisserie conique, servant de contenant lors du service « à emporter » de la crème glacée, ou du sorbet, et qui permet de consommer ceux-ci sans coupe ni cuillère.

Il est généralement constitué d’une plaque de pâte gaufrée enroulée sur elle-même comme une oublie ; il peut être fabriqué par moulage.

Origine

Dès le XVIIᵉ siècle, la crème glacée se déguste dans des coupelles de papier, de verre ou de métal. Au XVIIIᵉ siècle, le cornet en pâtisserie, tel que défini par l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, est une espèce de gaufre, faite de farine et de sucre ou de miel délayés, cuite « entre deux fers gravés, qui y marquent en relief les traits qu’on y voit ; au sortir du fer, on le tortille & on lui donne la forme d’un cornet d’épice ».

La plus ancienne recette de cornet gaufré date de 1724 dans un livre de cuisine du confiseur italien Antonio de Rossi et appelée cialdoni torcerli (roulées en cône).

Des galettes de pâte roulées sans levain sont mentionnées en 1769 dans The Professed Cook de Bernard Claremont et en 1770 dans « The Complete Housekeeper & Cook de Mary Smith ».

En 1825, Julien Archambault signale qu’on peut enrouler les « petites gaufres à la crème », ou en former des cornets dans lesquels on « met l’odeur qu’on désire ». On peut l’utiliser fourré de glace, comme décoration d’un gâteau glacé : Charles Elmé Francatelli le cite en 1846 ; Garlin donne, en 1889, une recette de gaufre roulée, servie froide, et dans laquelle on introduit de la crème à la Chantilly avec un cornet de papier ou une poche à douilles ; ce cornet à la Chantilly est repris par Pierre Lacam, « fait d’une pâte aux amandes et à la vanille cuite au four vif, roulée en cornet, refroidie dans des douilles, puis garnie de chantilly », mais, surtout, Lacam et Charabot donnent en 1893 la recette des cornets à la noisette glacée : une pâte faite de noisettes grillées, d’amandes, de blanc d’œufs, de sucre et de farine, cuite à four vif, est roulée en cornets qui sont garnis, « avec une glace à la crème ou aux fruits ».

Des marchands de glaces ambulants développent avec succès la crème glacée à partir de la fin du XIXᵉ siècle. Le livre Mrs A. B. Marshall’s Cookery Book, rédigé en 1887 par Agnes Marshall (surnommée « la reine des glaces »), constitue une des premières références sur ce sujet. Elle y écrit, dans la recette pour le cornet à la crème, que « les cornets étaient faits avec des amandes et cuits au four et non pressés entre des fers », et ajoute, « ces cornets peuvent également être remplis avec de la crème ou de l’eau, de la glace, de la crème anglaise ou des fruits, et être servis pour un diner, un déjeuner ou comme mets au souper ».

Ces auteurs décrivent des recettes préexistantes, exécutées en privé, ou pour le public, dans les restaurants et les cafés. Dans l’angle inférieur droit d’une gravure de Philibert-Louis Debucourt, représentant le Café Frascati du boulevard des Italiens, en 1807, on remarque, assise à une table, une dame mangeant ce qui ressemble fort à un cornet de glace.

Dans les années 1850 se développe à Manchester le commerce ambulant de glaces par des immigrés italiens. C’est dans cette ville qu’est délivré, le 3 juin 1902, au marchand de glace Antonio Valvona, le brevet « 701 776 » pour un appareil à confectionner des coupes en biscuits pour crème glacée. On y lit : « Avec cet appareil, je réalise des coupes ou des plats de diverses formes à partir de pâte à pain ou de pâte fluide, de préférence composée des mêmes matières que celles utilisées dans la fabrication des biscuits, et lorsque lesdites coupes ou plats sont cuits, ils peuvent être remplis de crème glacée qui peut ensuite être vendue par les marchands de glaces sur la voie publique ou en d’autres lieux. » Le cône de crème glacée est popularisé aux États-Unis à l’occasion de l’Exposition universelle de 1904, à Saint-Louis (Missouri).

Une pléiade d’inventeurs

Aux États-Unis, la crème glacée est une « friandise nationale pareille à une tranche de savon tricolore ». Son cornet y devient populaire dans la première décennie du XXe siècle, et nombre d’Américains s’en disputent le titre d’inventeur.

Un New-Yorkais, nommé Italo Marchioni, a affirmé qu’il vendait de la glace dans un récipient comestible en pâtisserie depuis 1896. Il est avéré en tout cas qu’il a obtenu le brevet « US 746 971 », le 13 décembre 1903, pour un moule à coupe en pâte destinée à recevoir la glace ; il avait tenté de trouver une solution au manque à gagner causé par le bris des récipients en verre qu’il utilisait, ou par le fait que les clients ne les rapportaient pas. Son brevet ne concernant pas qu’une seule forme de moule, alors que bien d’autres avaient été créées, Marchioni a ensuite perdu le procès qu’il avait intenté contre les fabricants de cornet pour violation de brevet.

Le cornet gaufré de crème glacée se répandit suite à l’Exposition universelle de Saint-Louis en 1904. Nombreux étaient les vendeurs de glaces à l’Exposition universelle, et plusieurs autres ont également réclamé la paternité du cornet, chacune d’entre elles s’étant par la suite engagée dans la production de cornets gaufrés. Les propriétaires du « Doumar’s Cones and BBQ », à Norfolk (Virginie), racontent ainsi que leur oncle, Abe Doumar, y a vendu les premiers cornets de crème glacée. Nick et Albert Kabbaz, David Avayou, Charles et Frank Menches affirment chacun aussi avoir été « le premier ».

Une histoire populaire sur la création accidentelle de cornets gaufrés à l’exposition dit qu’en raison des fortes températures, la crème glacée était très demandée. À l’étal du marchand de crème glacée Arnold Fomachu, une file d’attente importante se créa du fait qu’il n’y avait pas assez de coupe.

Tandis qu’à côté, à l’étale, Ernst Hamwi pâtissier originaire de Damas, qui vendait des zlabias (pâtisseries croustillantes cuites dans un moule à gaufres) et qui n’arrivait pas à vendre ses gaufres du fait de la chaleur, serait venu en aide à son voisin en lui proposant des zlabia fraîches roulées en cornet afin qu’il les remplisse de crème glacée. Le cornet gaufré de crème glacée connu un énorme succés et devint le symbole de l’exposition. Cette histoire découle d’une lettre adressée au « Ice Cream Trade Journal », par Hamwi, en 1928, bien après qu’il eut fondé la « Cornucopia Waffle Company », devenue ensuite la « Missouri Cone Company ».

Une autre histoire liée à un jeune Syrien de 16 ans, nommé Abe Doumar membre d’un « zoo humain » lors de l’exposition, avait acheté des gaufres et des glaces et les a vendus sous la forme de cornet de crème glacée qu’il appela « délice arabe traditionnel et partagea son idée avec de nombreux marchands d’exposition. Après l’exposition, il entame une activité de fabrication de cornets gaufrés et invente une machine à quatre plateaux. À l’Exposition de Jamestownen 1907, Dumar et ses frères ont vendu près de vingt mille cornets. Après cela, Abe Dumar a acheté une machine semi-automatique qui cuisait vingt cônes par minute et a ouvert une entreprise à Norfolk qui fonctionne toujours cent ans après.

Depuis 1904, la demande de cornets de crème glacée n’a cessé de croître et de nombreuses entreprises pour leur production ont été créées. La vente de crème glacée dans des coupes en verre a été interdite à Londres en 1926 pour prévenir la tuberculose. Depuis cette époque, la crème glacée dans la rue n’était vendue qu’en cornets ou en sandwich gaufré et seulement concurrencée par la glace sur bâtonnet de bois.

Le cornet de crème glacée, devenu très populaire, se vend chez les glaciers et chez les marchands ambulants. La demande est telle que la production manuelle ne peut plus suivre.

Frederick Bruckman, un inventeur de Portland (Oregon), semble avoir fait breveter, en 1912, une machine à fabriquer industriellement des cornets. Il vend son entreprise, en 1928, à Nabisco.

Le 29 janvier 1924, Carl R. Taylor obtient le brevet « US 481 813 », pour une machine à confectionner de fines gaufres pour les crèmes glacées dans des récipients en forme de cône. Il a prévu de placer les moules sur une table tournante, de sorte que le cornet ait le temps de refroidir et de durcir avant d’être dégagé.

Le rêve des fabricants de crème glacée, qui souhaitent pouvoir vendre en une seule pièce, stockable au congélateur, la glace et le cornet, ne se réalise qu’en 1928, grâce à J. T. « Stubby »Parker, de Fort Worth, qui fonde la « Drumstick Company » en 1931 (rachetée par Nestlé en 1991).

En 1959, le fabricant napolitain de glace, Spica, invente un processus grâce auquel l’intérieur du cornet gaufré est isolé de la glace par une couche d’huile, de sucre et de chocolat ; il fait enregistrer le nom, « Cornetto », en 1960. Les ventes restent faibles jusqu’à ce que, en 1976, Unilever rachète Spica et commercialise la marque dans toute l’Europe.

Variété de formes

Certaines firmes fabriquent un récipient comestible très semblable au cornet traditionnel, mais tronqué, à fond plat, ce qui lui permet de tenir debout sans risque de chute. Ce petit pot de pâte est appelé, dans les pays anglophones, kiddie cup, cool cup. Il existe aussi un cornet à embouchure élargie pour servir deux boules de glace côte à côte, et non plus empilées.

Ces cornets sont toujours moulés.

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