Le rhum (anglais : rum, espagnol : ron) est une eau-de-vie originaire des Amériques et en particulier des Antilles, produite soit par distillation de sous-produits fermentés de l’industrie sucrière ou mélasse : le rhum industriel ou traditionnel, soit à partir du jus de canne à sucre fermenté : le rhum agricole. Il est consommé blanc, vieilli en fût (rhum vieux) ou épicé ; il prend alors une coloration ambrée plus ou moins foncée.
L’étymologie du mot rhum
L’origine exacte du mot « rhum » est inconnue. Le mot est attesté en français sous la forme rum en 1687, emprunté à l’anglais rum, lui-même attesté en 1654, d’origine obscure. Il pourrait provenir d’une abréviation d’un mot du dialecte du Devon, comté du sud-ouest de l’Angleterre. L’hypothèse la plus largement acceptée trouve son origine dans le mot « rumbullion », une boisson à base de canne à sucre bouillante ou du vieux mot normand « rombollion » (« rond-bouillon »), qui désignait des alcools distillés à partir de cidre ou de poiré. De là, il serait abrégé en rhum en anglais, et plus tard en espagnol sous le nom de « ron ».
Une autre théorie veut qu’il provienne de « rumbustion », un mot d’argot anglais qui désigne un tumulte, une émeute ou une bagarre, une agitation bruyante et incontrôlable, bien que l’origine de ces termes et la nature de leur relation ne soient pas claires.
En tout cas, les deux termes sont apparus en anglais en même temps (rumbullion date de 1651 et rum de 1661).
D’autres théories veulent :
- Qu’il soit apparenté au mot « ramboozle » et sa variante « rumfustian », désignant une boisson britannique populaire du milieu du XVIIᵉ siècle, fabriquées en mélangeant des œufs, de la bière, du vin, du sucre et diverses épices, puis en distillant. Ces deux mots, issus de l’argot britannique, ont été associés au mot la langue Roms « rum », qui signifie « fort » ou « puissant » en raison de leur forte teneur en alcool.
- Qu’il provienne des grands verres à boire utilisés par les marins néerlandais appelés rummers en anglais, dérivé du mot néerlandais « roemer » lui mème dérivé de l’Allemand rhénan « römer » signifiant romain et désignant un verre d’origine romaine.
- Qu’il serait l’abréviation du mot latin iterum, (pour une seconde fois) ou viendrait du latin aroma qui, donne arôme en français.
- Ou plus simplement, rhum pourrait être une abréviation de saccharum mot utilisée par les moines pour designer la canne à sucre (nom scientifique Saccharum officinarum).
Le rhum dans la Culture populaire
Le rhum fait partie de la culture de la plupart des îles des Antilles ainsi que dans les provinces maritimes et de Terre-Neuve, au Canada. La boisson est associée traditionnellement à la Royal Navy (où elle était mélangée avec de l’eau ou de la bière pour faire du grog) et la piraterie (où elle était consommée comme bumbo).
Le bumbo
Le bumbo (bumboo ou encore bumbu) est une boisson à base de rhum, d’eau, de sucre et de noix de muscade. La cannelle est parfois utilisée pour remplacer ou s’ajouter à la noix de muscade. Le bumbo moderne est souvent fait avec du rhum brun, du jus d’agrumes, de la grenadine et de la noix de muscade. Une boisson apparentée est le « Traître » (traitor), à base de jus d’orange, de rhum, de miel et de cactus, mélangés et chauffés.
Le Bumbo comme le grog sont nés du fait que l’eau et la bière sous les latitudes tropicales se détériorent rapidement, contrairement au rhum. Pour étancher la soif des marins, une solution fut trouvée : diluer le rhum avec de l’eau.
Le bumbo est devenue célèbre parmi les pirates et les marchands des Caraïbes vers 1740, après l’introduction du grog dans la Royal Navy, qui, afin de protéger les marins du scorbut, contenait des agrumes et/ou du gingembre, ce qui le rendait amer.
Les pirates et les marins des Caraïbes, ne faisant que de courts voyages et bénéficiant d’une alimentation riche en fruits et légumes, étaient beaucoup moins menacés par le scorbut. Par conséquent, ils exclurent les agrumes de la composition du grog et les remplacèrent par du sucre et de la noix de muscade.
Le bumbo était couramment utilisé au XVIIIᵉ siècle, du temps des treize colonies anglaises d’Amérique, pendant les campagnes électorales où il était de bon ton d’offrir aux électeurs des cadeaux. Une expression anglaise datant de cette époque résumait ce procédé « swilling the planters with bumbu » (arroser les planteurs avec du bumbu).
George Washington était particulièrement connu pour avoir utilisé cette technique. Ses papiers indiquent qu’il a utilisé 160 gallons de rhum pour traiter 391 électeurs au bumbo lors de la campagne électorale pour la Chambre des Bourgeois de Virginie en juillet 1758.
Le rhum a également servi de moyen d’échange économique populaire, utilisé pour aider à financer des entreprises telles que l’esclavage (voir Commerce triangulaire), le crime organisé et les insurrections militaires (par exemple, la Révolution américaine et la Révolte du rhum australienne).
La révolte du rhum
La révolte du rhum (en anglais, Rum Rebellion) est une révolte survenue en Nouvelle Galle du Sud, en Australie, en 1808, suite aux tentatives du gouverneur William Bligh pour mettre fin au trafic du rhum auquel se livraient John Macarthur et le New South Wales Corps.
William Bligh, est à l’origine de cette rébellion lorsqu’il tente de normaliser les échanges commerciaux en interdisant l’usage d’alcool comme monnaie d’échange pour le paiement de produits. Bligh vise par là à réduire le pouvoir des négociants en rhum et du New South Wales Corps, le premier corps d’infanterie installé dans la région, qui sont impliqués dans ce commerce. Ces deux groupes n’acceptent pas son interférence et la querelle dégénère en rébellion militaire le 26 janvier 1808. Le groupe de mutins est mené par John Macarthur. Bligh est arrêté par le major George Johnston du New South Wales Corps qui prend le contrôle de la colonie. Bligh est détenu pendant plus d’une année, jusqu’à ce qu’il accepte de repartir pour l’Angleterre.
Cette révolte est la seule de toute l’histoire de l’Australie au cours de laquelle le gouvernement du pays ait été renversé par les armes. Le gouverneur de Nouvelle Galle du Sud, William Bligh (déjà rendu célèbre par la mutinerie de la Bounty) est alors déposé par le Corps de Nouvelle Galle du Sud (New South Wales Corps) sous le commandement du major George Johnston, travaillant en relation étroite avec John Macarthur, le 26 janvier 1808.
En 1809, le gouvernement britannique remplace Bligh par Lachlan Macquarie. Macquarie prend la tête de la colonie avec son propre régiment et met fin au pouvoir du New South Wales Corps. Johnston passe devant la cour martiale en Angleterre en 1811. Macarthur, quant à lui, évite la punition due à un traître à la couronne et revient en 1817 en Australie, où il reprend et fait prospérer son commerce de laine.
Dans la culture populaire, le rhum est classiquement associé aux pirates, étant dépeint comme leur boisson préférée. Cette association du rhum avec la piraterie remonte également au début du XVIIIᵉ siècle : le butin des pirates croisant entre la côte Est américaine et les Bahamas comprenait souvent des barils de rhum qui devaient être transportés des Caraïbes vers l’Amérique du Nord. Barbe Noire, l’un des pirates les plus célèbres de l’époque, était pareillement connu pour sa consommation inhabituellement élevée de rhum. Aujourd’hui encore, certaines marques de rhum, comme « Captain Morgan », font toujours de la publicité avec une figure de pirate.
Le lien entre la course et le rhum a trouvé une immortalisation littéraire dans le roman « l’île au trésor » de Robert Louis Stevenson qui a été édité en 1881. Billy Bones, l’un des personnages du roman, révèle l’origine douteuse de sa richesse à travers sa forte consommation de rhum, entre autres.
« J’ai été dans des endroits où il faisait une chaleur d’enfer et où mes camarades tombaient comme des mouches tout autour de moi […] Et j’ai survécu, je vous le dis, et c’est ce que le rhum a fait. C’était pour moi à boire et à manger, et étions comme mari et femme ; et si je ne dois pas avoir mon rhum, alors je suis une pauvre vieille épave sur une rive sous le vent […] ».
Le lien entre le rhum et la boucanerie est encore mieux établie par les paroles de la chanson « Dead Man’s Chest » connu aussi sous le titre « Fifteen Men on the Dead Man’s Chest » que Billy Bones et ses camarades pirates chantent encore et encore.
« Fifteen men on the dead man’s chest
Yo-ho-ho, and a bottle of rum !
Drink and the devil had done for the rest
Yo-ho-ho, and a bottle of rum ! »
Cette chanson de marin est fictive, elle est apparue pour la première fois dans l’œuvre de fiction de Stevenson et n’est une authentique chanson de marins.
De nombreuses versions du poème furent éditées et chantées à la fin du XIXᵉ et au début du XXᵉ siècle avec des traductions et des adaptations comme en allemand où le nombre de marins varie en fonction de la rime et du nombre de pieds « 17 Mann auf des toten Manns Kiste » ou parfois « 13 Mann » mais le plus souvent c’est « 15 Mann ».
Fünfzehn Männer auf der Brust des Toten
Yo-ho-ho und eine Flasche Rum!
Trinken und der Teufel hatte für den Rest getan
Yo-ho-ho und eine Flasche Rum!
En France, les paroles furent adaptées en 1970 par le chanteur breton Michel Tonnerre dans sa chanson « Quinze marins », chanté par son groupe Djiboudjep, et qui fera passer cette création pour un chant traditionnel et donnera un nouveau souffle au genre.
« Quinze marins sur l’bahut du mort
Yop la ho une bouteille de rhum
À boire et l’diable avait réglé leur sort
Yop la ho une bouteille de rhum »