Les Rhums

Diviser le rhum par type ou par âge est compliqué, du fait qu’il est produit dans de nombreux pays, dont chacun a sa propre législation. Il n’y a pas d’accord pour un âge minimum de vieillissement minimum ou pour une classification par typologie.

Malgré ces différences, trois grands types de rhum sont acceptés au niveau régional :

Rhums de tradition hispanique

  • Production : À partir de mélasse de canne à sucre.
  • Élevage : Par système de criaderas et soleras, appelée aussi réserve perpétuelle.
  • Style : Rhums légers, du sec au doux. Du caramel et du sucre sont ajoutés.
  • Catégorie et âge : Il est généralement mis un chiffre sur la bouteille, mais ne doit pas être interprété comme l’âge du rhum car :
    • dans certains pays représente le mélange le plus ancien,
    • dans d’autres l’âge de la solera,
    • dans d’autres, il s’agit simplement du millésime.
  • Les zones de production : Caraïbes, Amérique centrale et Panama, Mexique, Colombie, Pérou, Venezuela et Espagne (îles des Canaries et de Grenade). En raison de la grande influence du rhum portoricain, la majorité du rhum consommé aux États-Unis est de « type espagnol ».

Rhums de tradition britannique

  • Production : À partir de mélasse de canne à sucre.
  • Vieillissement : Divers systèmes allant des soleras et criaderas, au vieillissement statique en barriques de la plus haute qualité.
  • Style : Rhums sombres et puissants, doux et épicés. Du caramel (couleur), du sucre et des épices sont ajoutés.
  • Catégorie et âge : il est généralement mis une description sur l’étiquette (Rhum épicé, extra vieux…) qui a une signification différente pour chaque producteur.
  • Les zones de production : Les rhums de la Barbade, des Bermudes, du Bélize, de l’île Saint-Christophe, de la région de Démérara au Guyana et de la Jamaïque sont typiques de cette origine.

Rhums de tradition française (agricole)

  • Production : À partir de jus de canne à sucre (le vesou).
  • Vieillissement : Vieillissement statique en fût (même système que le Scotch Malt Whisky).
  • Style : des rhums légers qui se distinguent par leur palette aromatique issue de la canne à sucre. Sec et puissant. Pour les Rhums AOC (Appellation d’Origine contrôlé), le caramel ainsi que tout type d’additif sont fortement restreints.
  • Catégorie et âge : Rhum Ambré (vieilli sous-bois), Rhum Vieux (vieilli sous-bois pendant plus de 3 ans), et ans d’âge. Du fait que dans ces rhums, les années représentent l’âge minimum du rhum et qu’elles sont maîtrisées, elles ne dépassent généralement pas 10 ans.
  • Les zones de production : Antilles françaises (Guadeloupe, Martinique…), Guyane française, Haïti, Polynésie française, l’île de la Réunion, de l’île Maurice et les autres îles Mascareignes sont les rhums typiques de cette origine. En raison de leur production et surtout de leur vieillissement statique, ils ont tendance à être plus chers que les rhums de mélasse.
    • Dans les îles Mascareignes, le vesou fermenté mais non distillé était autrefois consommé sous l’appellation « fangourin », à l’île Maurice et à la Réunion. L’alcool de canne à sucre a longtemps été consommé de cette manière, avant que les techniques de distillation ne soient importées dans les îles. Ce vin de canne à sucre est encore toutefois produit, de façon artisanale, à Madagascar sous l’appellation « betsabetsa ».

Rhums de tradition portugaise

Les rhums de tradition portugaise sont souvent oubliés, ils regroupent diferent type de fabrication dont les Cachaças du Brésil et les Rhums Agricoles de Madère qui sont tous deux produits à partir de pur jus de canne à sucre, mais aussi le « Grogue » du Cap Vert qui est eau-de-vie obtenue après fermentation et distillation de la canne à sucre dont la teneur en alcool est supérieure à 40 degrés et peut aller jusqu’à 70 degrés.

Différence entre le rhum et la cachaça

Contrairement au rhum dont le vesou est chauffé, la cachaça est élaborée à partir de jus de canne frais, avec ajout de céréales grillées (blé, riz…), en plus de la levure. Cette pratique est interdite depuis 2003, mais elle persiste, car les contrôles sont rares. La cuisson ou non de ces jus aboutit à deux distillats aux compositions chimiques différentes, ce qui influe sur le goût du produit obtenu. Dans le cas du rhum, les substances présentes dans le moût de la canne à sucre, tels que esters et aldéhydes, sont altérés à la cuisson, ce qui n’est pas le cas pour la cachaça. Les deux alcools ont ainsi des qualités gustatives différentes, la cachaça se caractérisant par sa douceur patinée de cire et un arôme grillé.

Le vesou est distillé entre 38° et 48°, contrairement au rhum agricole qui lui titre 65-75° à la sortie de l’alambic avant d’être ramené aux degrés souhaités (50° ou 55° ou 59° généralement s’agissant des rhums antillais) par adjonction d’eau de source.

La cachaça est embouteillée immédiatement ou plus rarement après quelques mois en cuves inox ou fûts de bois neutre.

Par ailleurs, à l’instar des vieux rhums, on trouve des cachaças vieillies en fûts (Pitú Gold, Ypióca Ouro, …). Contrairement à la plupart des spiritueux, ce n’est pas que le chêne qui sert à la fabrication de ces fûts, mais pas moins de 25 essences locales : baumier, amburana, jequitibá, ipê, lapacho, tapinhoã, amendoim, amarelo, angico, cedro, jaccarandá, araribà, canela sasafrás…, bois qui confèrent couleurs et arômes caractéristiques à cette cachaça « gold ».

Les origines de la cachaça

Bien qu’il y ait plusieurs versions sur l’origine de la cachaça, il est sûr que son histoire commence lorsque les Portugais apportent dans l’Île de Madère les techniques de la canne à sucre et la distillation. Initialement, la production de sucre portugaise était a été principalement située dans l’archipel des îles de Madère où l’on fabrique à partir de la canne un alcool dénommé en portugais « Aguardente de cana » signifiant littéralement « eau ardente » (de agua ardiente) fabriquée en distillant du jus de canne à sucre en liqueur.

La première génération de colons au Brésil a dû importer la nourriture et la plupart des boissons de la métropole portugaise et appréciaient notamment la bagaceira (eau-de-vie portugaise) et le porto. Ils importèrent de Madère, les premières boutures de canne à sucre et les alambics au Brésil.

Dans la suite logique, une version présentée par l’historien Luís da Câmara Cascudo, souligne que la première cachaça fut distillée autour de 1532 à Saint-Vincent, où apparurent les premières usines sucrières au Brésil. Dans cette version ce seraient les Portugais, qui, auraient produit les premiers litres de cette boisson.

Une autre version nous dit que : la première distillation serait survenue près de la ville de Recife au Brésil, lorsqu’un esclave, qui travaillait dans l’usine, stocka la « cagaça », un bouillon verdâtre, sombre qui se forme pendant la cuisson du jus de canne à sucre. Le liquide fermentait naturellement et, en raison de changements de température, s’évaporait et condensait, formant de petites gouttes d’alcool sur les plafonds de l’usine. L’origine du synonyme « pinga » aurait vu le jour dans cette version populaire de l’origine du distillat.

De là vient la tradition qu’au Brésil, les esclaves aimaient boire de la « cagaça », qui était du jus de canne à sucre qu’ils faisaient simplement bouillir, sans le fermenter. Ils l’obtenaient après avoir pressé la canne à sucre au moyen de presses rotatives. L’ébullition permettait la stérilisation, évitant ainsi le développement des bactéries qui se trouvent normalement dans le jus de canne. C’était une boisson saine, en comparaison avec le cauim – vin produit par les Indiens, dans lequel chacun crache dans un immense chaudron d’argile pour aider le manioc à fermenter. Les propriétaires des plantations ont commencé à servir le bouillon, appelé cagaça, aux esclaves.

Les premières mentions historiques de la cachaça coïncident avec celle du rhum des possessions anglaises en Amérique, de la caña aguardiente des possessions espagnoles Espagne et du tafia des Antilles françaises. En d’autres termes, la cachaça, le rhum, l’eau-de-vie de caña et le tafia ont tous été créés à partir des mêmes sous-produits de la production de sucre : la mélasse et le jus de canne à sucre.

Le fait est que l’histoire de la cachaça a accompagné l’histoire du Brésil depuis sa création, à travers le cycle du sucre, la croissance des frontières territoriales et jusqu’à l’urbanisation du pays.

Cocktails

La cachaça est l’ingrédient de base du cocktail caïpirinha et des batidas qui font appel à différents fruits ou jus (orange, lait de coco, fraise, ananas, goyave, mangue, fruit de la passion…). Le cocktail Fortaleza a une composition voisine du mojito cubain : la cachaça remplace le rhum, le citron vert est sous forme de jus et le gingembre s’ajoute aux feuilles de menthe.

La caipirinha

La caipirinha est de loin la plus populaire et la plus connue à l’échelle internationale, mais les barmans ont développé d’autres cocktails à base de spiritueux comme  :

  • une caipiroska ou caipivodka est faite avec de la vodka au lieu de cachaça,
  • tandis qu’une caipiríssima est faite avec du rhum et une sakerinha, avec du saké.

Il existe plusieurs théories autour de l’origine de la caïpirinha.

Au XVIIᵉ siècle, une boisson composée de cachaça, citron vert, ail et miel serait apparue pour guérir les esclaves africains de la grippe.

Une boisson aux mêmes ingrédients aurait été utilisée à Paraty (Rio de Janeiro) en 1856, comme une mesure pour combattre l’épidémie de choléra dans la région. Carlos Eduardo Cabral de Lima, directeur de l’Institut brésilien de la Cachaça (Instituto Brasileiro da Cachaça, IBRAC), signale en plus que les marins de Paraty buvaient, eux aussi, un mélange de cachaça et citron vert pour pallier la carence en vitamine C et le scorbut en haute-mer.

Deux dernières versions tracent son origine à Piracicaba (São Paulo), où, en 1918, la caïpirinha aurait été consacrée soit au traitement de la grippe espagnole, soit à se substituer au whisky et à d’autres alcools d’importation.

Depuis 1992, la caïpirinha est inscrite dans la liste des cocktails officiels de l’Association internationale des barmen (International Bartenders Association, IBA). En 2008, sa recette fut réglementée par le ministère d’agriculture du Brésil.

Ingrédients et préparation

  • une mesure (5 cl) de cachaça (alcool de canne à sucre brésilien) ;
  • un citron vert (ou un demi suivant sa taille) ;
  • une cuillère à soupe de sucre en poudre (de préférence du sucre de canne blanc) ou 1,5 cl de sirop de canne à sucre ;
  • de la glace pilée ou des glaçons.

Servir de préférence dans un verre old-fashioned. Placer le citron coupé en morceaux dans le verre et verser une bonne cuillère à soupe de sucre. Piler fermement le tout dans le verre avec le sucre en poudre jusqu’à l’extraction la plus complète possible du jus.

Utiliser une paille coupée en deux, un morceau plus grand que l’autre. Si l’on veut boire moins d’alcool, utiliser la grande (qui va au fond du verre et prend plus d’eau), ou, inversement, utiliser la petite pour boire plus l’alcool, qui sera en surface, car moins dense que l’eau.

Pour une réalisation plus rapide, utiliser du lime cordial (jus de citron vert sucré) à la place du citron et du sucre. On parle alors de capirina.

D’autres cocktails à base de caïpirinha sont aussi populaires au Brésil : les caïpifrutas, qui sont préparés à partir de fruits autres que le citron vert, tels que mangue (manga), fruit de la passion (maracuja), fraises (morango), mûres (amoras), pomme de cajou, ananas (abacaxi)… Il existe une variante salvadorienne nommée barrinha à la Barra de Santiago, préparée avec des produits locaux : citron mandarine, sucre de canne et eau-de-vie de canne à sucre (guaro), qui bénéficie d’une grande popularité.

Ce contenu a été publié dans Eaux, bières, vins et spiritueux, avec comme mot(s)-clé(s) , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.