Les origines du Rhum – l’Amérique du Nord (2/4)

Vers les colonies d’Amérique du Nord

Après le développement du rhum dans les Caraïbes, la popularité de la boisson s’est étendue à l’Amérique du Nord coloniale. Pour soutenir la demande de la boisson, la première distillerie de rhum des Treize Colonies a été créée en 1664 à Staten Island. Boston, dans l’État du Massachusetts, créa une distillerie trois ans plus tard. La fabrication de rhum est devenue la première industrie coloniale la plus importante et la plus prospère de la Nouvelle-Angleterre, région située au Nord-Est des États-Unis.

La Nouvelle-Angleterre est devenue un centre de distillation en raison des compétences techniques, de la métallurgie et de la tonnellerie et du bois abondant et dont une grande partie de la production était exportée. Le rhum produit là-bas était plus léger, plus proche du whisky.

En 1764, l’État du Rhode Island comptait environ 30 distilleries de rhum, dont 22 rien qu’à Newport. Newport (Rhode-Island) était un centre majeur de la traite des esclaves. Les distillateurs de Newport font un rhum « extra fort » spécifiquement pour être utilisé comme monnaie dans le « commerce triangulaire » où le sucre et la mélasse, produits par les esclaves des Caraïbes, étaient transportés dans le Rhode-Island et distillés en rhum, puis était transporté en Afrique de l’Ouest et échangés contre des esclaves. Par exemple, l’esclave Venture Smith (dont l’histoire a été publiée plus tard) avait été acheté en Afrique, pour quatre gallons de rhum plus un morceau de calicot. La plupart de ces esclaves ont été enterrés au cimetière commun de Farewell Street.

Le rhum du Rhode-Island a même rejoint l’or comme monnaie acceptée en Europe pendant un temps. Alors que la Nouvelle-Angleterre triomphait sur le rapport qualité/prix, les Européens considéraient toujours les meilleurs rhums comme provenant des Caraïbes. Selon les estimations de la consommation de rhum dans les colonies américaines avant la guerre d’indépendance américaine, chaque homme, femme ou enfant buvait en moyenne 3 gallons impériaux (soit 14 litres) de rhum par an.

Au XVIIIᵉ siècle, les demandes toujours croissantes de sucre, de mélasse, de rhum et d’esclaves ont intensifié le commerce triangulaire.

Lorsque la France a interdit la production de rhum dans ses possessions du Nouveau Monde pour mettre fin à la concurrence nationale ses eau-de-vies de vin, les distillateurs de la Nouvelle-Angleterre ont alors pu saper les producteurs des Antilles britanniques en achetant de la mélasse à taux réduit aux plantations sucrières françaises. Le tollé de l’industrie britannique du rhum a conduit en 1733 au « Sugar and Molasses Act » imposant une taxe prohibitive de six cents sur chaque gallon de mélasse entrant aux treize colonies américaines.

Le rhum représentait à cette époque environ 80 % des exportations de la Nouvelle-Angleterre et le paiement du droit qui aurait mis les distilleries en faillite, entraîne le non-respect de la loi, au non-paiement des taxes, incite à de nombreuses fraudes, à la contrebande et à la corruption.

Pour y mettre fin, le Premier ministre britannique de l’époque Lord Grenville fait adopter le Parlement britannique le 5 avril 1764 le « Sugar Act » (appelé aussi Plantations Act).

Le Sugar Act de 1764 réduit les taxes de 6 à 3 pence le gallon. Cependant, le texte renforce le contrôle et surtout étend les taxes à d’autres produits que les mélasses (sucre, certains vins, café, piments, batiste, indiennes) et renforce la réglementation sur les exportations de bois et de fer.

Cette loi s’inscrit dans la politique impériale menée par la Grande-Bretagne depuis la fin de la guerre de Sept Ans : il s’agit d’une manière de contrôler le commerce dans les colonies et d’accroître les revenus de la Couronne britannique, notamment pour l’entretien de l’armée restée stationnée à l’issue de la guerre. Elle fait partie d’une longue série de lois provoquant le mécontentement des colons américains et finalement la révolution américaine.

La popularité du rhum s’est poursuivie après la Révolution américaine. Le rhum a commencé à jouer un rôle important dans le système politique ; les candidats ont tenté d’influencer le résultat d’une élection par leur générosité avec du rhum et du bumbo. Les gens assistaient aux campagnes électorales pour voir quel candidat semblait le plus généreux. On attendait du candidat qu’il boive avec le peuple pour montrer qu’il était indépendant et véritablement républicain.

George Washington aimait assez le rhum de la Barbade pour exiger, pour sa soirée d’investiture en 1789, qu’au moins un baril de rhum en provienne. Il était en accord avec la croyance de l’époque, à savoir que le rhum de la Barbade était rendu plus riche et plus complexe que les autres rhums par son séjour en barriques.

Finalement, les restrictions sur les importations de sucre des Antilles britanniques, combinées au développement des whiskies américains, ont entraîné une baisse de la popularité de la boisson en Amérique du Nord.

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