Le Ricard, le vrai Pastis de Marseille

La société Ricard est une société anonyme française fondée le 17 juillet 1932 à Marseille par Paul Ricard. Elle appartient aujourd’hui au groupe Pernod Ricard et produit le pastis Ricard, boisson à base d’anis et de réglisse.

Paul Ricard

Paul Ricard, né à Marseille (quartier de Sainte-Marthe, 14e arrondissement) le 9 juillet 1909 et mort le 7 novembre 1997 à Signes, est un chef d’entreprise français, entrepreneur et maire de Signes dans le Var de 1972 à 1980. Il est le créateur du pastis Ricard.

Jeunesse et études

Le 16 mars 1915, sous la pression des ligues de vertu et viticole, l’absinthe est interdite au prétexte qu’elle rend « fou et criminel ». Les consommateurs se contentent alors de liqueurs anisées à 40° dont le taux de sucre et d’essence est trop bas pour une saveur satisfaisante : La Cressonnée, la Tommysette, l’Amourette, Berger et le déjà célèbre Pernod, dont les ventes sont autorisées depuis 1922. On leur donne alors le nom de pastis, mot occitan signifiant une situation trouble ou un mélange à Marseille et encore utilisé en Provence sous cette acception.

Paul Ricard est issu d’une famille de boulangers et de négociants en vins. Il veut être peintre et, parallèlement à sa scolarité au lycée Thiers à Marseille, souhaite entrer à l’École supérieure des beaux-arts de Marseille, mais son père, marchand de vins, refuse. Aussi aide-t-il son père en le suivant dans ses tournées après le lycée. À 12 ans, il rencontre Monsieur Espanet, ancien coiffeur devenu bouilleur de cru qui lui confie le secret de sa recette de pastis à 60°. À l’âge de 17 ans, il quitte le lycée Thiers. Il tente avec son frère Pierre de fabriquer son propre pastis et en faire le plus apprécié des consommateurs. Dans un petit laboratoire de fortune qu’il a aménagé chez lui avec un alambic, il consacre son temps à faire des mélanges, à tester les arômes comme la réglisse et des plantes provençales. Il élabore finalement une recette incluant un mélange d’anis étoilé et d’anis vert teinté d’une pointe de réglisse. À la suite de cela, il distribue et fait tester cet alcool, pourtant interdit, dans les cafés de son quartier Sainte-Marthe, ce qui lui occasionne des problèmes avec les autorités de police et de douane.

1932, l’année de la libération

Le 7 avril 1932, un décret libéralise la fabrication et la vente de boissons anisées à 40°. Paul Ricard, après un intense travail de lobbying, vient de créer la recette originale de son pastis auquel il donne son nom avec un slogan, « Ricard, le vrai pastis de Marseille » : c’est la première fois que le mot pastis apparaît sur l’étiquette d’un apéritif anisé. Il commence ainsi à faire le tour des bistrots et des cafés de la ville, pour se faire connaître et se faire une clientèle, car la concurrence est rude à Marseille. Il s’en différencie en vendant son pastis dans une bouteille d’un litre avec lequel on peut tirer cinquante verres.

En huit mois, 250 000 bouteilles sont vendues. Paul Ricard s’occupe de tout : il conçoit lui-même le fameux broc à bec verseur, et dessine les affiches publicitaires qui ornent les premiers camions de livraison de l’entreprise. Très vite, la marque sort du seul territoire marseillais. Un très large réseau de distribution permet à ses ventes de décoller et il devient le premier vendeur de pastis au détriment de Pernod qui n’a pas vu le coup marketing de Ricard d’associer la boisson à Marseille et la Provence.

En 1936, c’est Lyon, où est lancée la première grande campagne publicitaire « Buvez le pastis à la Marseillaise, à petites doses, avec cinq volumes d’eau », qui découvre le « vrai pastis de Marseille ».

En 1938, un décret porte la teneur d’alcool du « pastaga » à 45° et permet ainsi de dissoudre plus d’essence d’anis, la saveur du pastis prenant alors toute son importance. Enfin, Paris est touché en 1939, à grand renfort de publicité. Cette année-là, des bouteilles font leur apparition en Espagne, en Italie et en Afrique du Nord. L’expansion se confirme, mais les événements vont la contrarier pendant quelques années.

La parenthèse des années noires

En 1940, c’est la défaite de l’armée française et la naissance du Régime de Vichy dans la zone libre. L’État français lance sa « Révolution nationale » et le pastis fait partie de ce qui devient interdit.

Le coup est dur, mais Paul Ricard se reconvertit dans l’agriculture en prenant possession du domaine de Méjanes, en Camargue : on y pratique la riziculture et l’élevage. En employant son personnel, il leur évite le Service du travail obligatoire (STO). Pour compléter cette activité, il exploite l’eau minérale du Pestrin, une source acquise en Ardèche, produit des jus de fruits et les distille pour fournir une essence destinée aux véhicules de la Résistance. Il aimait répéter à ses proches interlocuteurs « J’emmerde le maréchal Pétain ».

À la Libération, la déception va être d’autant plus grande que le nouveau gouvernement ne révoque que partiellement les dispositions de Vichy en n’autorisant que les apéritifs à 40°.

L’après-guerre

Après la guerre, Paul Ricard se rend aux États-Unis lors d’un voyage organisé pour des entreprises françaises. Il y découvre la recette du succès des firmes américaines : une organisation très professionnelle, une proximité des dirigeants et des employés, une concertation de tous les instants avec les syndicats et aussi la pratique du sponsoring.

En revenant en France, Paul Ricard décide de prendre les devants et de lancer son entreprise dans une voie encore très peu connue dans le pays, celle du parrainage : en 1948, la caravane du Tour voit apparaître des véhicules insolites arborant le jaune et bleu Ricard. Le soir, des concerts gratuits réunissant les stars et les espoirs du moment (Darcelys, Tino Rossi, Charles Trenet, Annie Cordy) distraient les spectateurs.

En mai 1951, le pastis est rétabli par décret (Pernod lance à cette occasion son Pernod 51). Revers de la médaille, la publicité des apéritifs anisés par affichage ou voie de presse est interdite par une loi du 6 janvier 1951.

En 1956, en pleine crise de Suez et pénurie de pétrole, il organise la « caravane de la soif », avec une livraison de Ricard dans Paris à dos de chameau. En 1950, Paul Ricard rachète l’île de Bendor, propriété de la famille Ricard depuis. En 1961, il emmène tout son personnel en train à Rome et le pastis se voit béni par Jean XXIII.

Les trente glorieuses

Pour développer sa politique, Paul Ricard impose des structures sociales bien adaptées à ses projets. Jusqu’en 1960, à Marseille, il n’existe pas de comité d’entreprise. Sa fonction est assurée par une « Amicale » qui prend en charge et organise toutes les manifestations réservées au personnel, comme les concours de boules, les lotos… Elle gère les colonies de vacances situées à Sausset-les-Pins, Jausiers, Cavalière, La Voisine, Pont-de-Labeaume. Elle s’occupe de tout ce qui concerne le logement du personnel à La Margeray. Elle organise les voyages du personnel qui se multiplient tout au long des années 1960, date d’une croisière à l’île d’Elbe et en Corse sur le bateau Le Koutoubia.

En janvier 1952, il embauche comme représentant un ancien résistant, titulaire d’une licence de droit nommé Charles Pasqua. Celui-ci grimpe rapidement les échelons : inspecteur des ventes en 1955, directeur régional en 1960, puis directeur général des ventes en 1962, et enfin directeur de l’exportation l’année suivante et lorsqu’il quitte le groupe Ricard en 1967, il est alors numéro deux.

En 1961, c’est le voyage à Rome, avec visite du Vatican et entretien prévu avec le nouveau pape élu en 1958, Jean XXIII, que Paul Ricard avait connu en Camargue alors qu’il n’était que Monseigneur Roncalli, nonce apostolique en France. « […] Trois trains de wagons-lits aux couleurs de Ricard partaient l’un de Paris, le second de Bordeaux, le troisième de Marseille ; ils devaient se retrouver à Vintimille pour pénétrer sur le territoire italien et gagner, l’un derrière l’autre, la Ville Sainte. […] Les douaniers se posèrent quelques questions en constatant la présence, en dehors des douze cents personnes munies de papiers en règle, de trente chevaux et d’un petit agneau blanc […] Les Italiens allaient en voir d’autres : aussitôt débarqués, nous nous formâmes en procession derrière les tambourinaires, en blanc et taîole et les Arlésiennes costumées en croupe derrière leurs gardians trident en mains. Ils n’avaient rien à envier aux gardes suisses, quand nous débouchâmes sur la place Saint-Pierre, après un défilé triomphal ». Les extraits du récit de ce voyage faits par Paul Ricard lui-même (Ricard, op.cité, p. 191) montrent en tout état de cause que rien n’est laissé au hasard, que la mise en scène et la théâtralité pensées et voulues sont là pour donner plus d’éclat à l’événement. Mais au-delà, rien n’est gratuit. Tout est conçu pour, en dernier ressort, servir les intérêts de l’entreprise, faire connaître le produit, élargir les zones de sa diffusion. La démarche n’est pas isolée : elle s’insère dans un ensemble plus large mêlant publicité – on dit alors propagande –, mécénat, manifestations sportives…

Paul Ricard innove aussi dans son entreprise : les salariés sont à la pointe du progrès social des Trente Glorieuses et même si ses détracteurs le taxèrent de « paternalisme », il n’empêche que les conditions de travail du personnel firent beaucoup d’envieux : participation aux bénéfices, intéressement, protection sociale, épargne retraite, le tout entraîné par un fort esprit d’équipe.

En 1968, Paul Ricard décide de passer la main : Bernard Ricard prend la relève puis doit céder sa place en 1971, son père ayant été furieux qu’il ait acquis grâce à un emprunt une participation minoritaire (48 %) dans l’entreprise Champagne Lanson.

Dans les années 1970, ayant besoin d’argent pour financer la construction du circuit du Castellet, Ricard fusionne avec son ennemi de toujours Pernod.

Patrick Ricard, le fils cadet du fondateur, en devient le directeur en 1977.

Marques produites et distribuées par la société Ricard en France

En 2017, la société Ricard a deux fonctions :

  • produire les marques Ricard, Pacific, Lillet afin de les commercialiser en France et les exporter partout dans le monde à travers les filiales de distribution du groupe Pernod Ricard ;
  • commercialiser certains produits du groupe Pernod Ricard en France (Clan Campbell, Chivas Regal, Jameson, Absolut, Malibu, Champagne Perrier Jouet).

Notoriété

En 2017 et 2018, en termes de chiffre d’affaires, la bouteille d’un litre de Ricard est le produit le plus consommé devant le pack de 6 bouteilles d’1,5 litre de Cristaline.

Pernod-Ricard

Le groupe Pernod Ricard est créé à la suite de la fusion en décembre 1975 des deux sociétés françaises Pernod (créée en 1805 et dont le siège est actuellement à Créteil) et Ricard (créée en 1932 et dont le siège est à Marseille), deux marques d’apéritifs anisés. Le groupe connaît ensuite une forte croissance externe. En 2001, Pernod Ricard acquiert l’activité vins et spiritueux du groupe canadien Seagram, mise aux enchères par Vivendi Universal à la suite de la fusion Vivendi-Seagram en 2000, et se sépare de ses boissons non alcoolisées, parmi lesquelles Orangina (acquise en 1984) et Pampryl.

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