Le bataillon scolaire est une institution organisée dans le cadre de l’école publique en France à partir de 1882 et supprimée en 1893 qui avait pour but d’initier les élèves dès le jeune âge à la pratique militaire. Cette idée de formation prend sa source dans la défaite de 1870 contre la Prusse et de la perte de l’Alsace-Moselle avec la mise en avant du manque d’instruction des conscrits français.
À partir de 1879, avec l’arrivée des Républicains au pouvoir, une politique scolaire dynamique est perceptible à travers l’enseignement patriotique et militaire. Entre 1880 et 1882, des initiatives voient le jour dans les grandes villes formalisant l’instruction militaire adapté aux enfants dans le cadre de l’école. Elles s’inspirent en partie de la création des lycées par Napoléon Ier en 1802, où les exercices militaires étaient intégrés à l’enseignement, faisant office d’éducation physique, mais aussi du modèle initié en Suisse par le pédagogue Pestalozzi à l’époque napoléonienne. L’objectif de cette éducation vise à créer un citoyen connaissant ses devoirs envers la patrie (devoir civiques et militaires) et de transmettre aux enfants les valeurs de l’armée (obéissance, discipline…) en leur donner une première connaissance des exercices militaires et de gymnastique.
La gymnastique (un moyen de développer les forces physiques des futurs soldats) et les exercices militaires se généralisent dans les écoles et sont rendus obligatoires par la loi du 27 janvier 1880 et le décret du 28 mars 1882. Lors de son congrès de 1881, la Ligue de l’enseignement soutient la démarche et le ministre de l’Instruction publique, Paul Bert, instaure l’obligation de la gymnastique et des exercices militaires dans les écoles primaires.
En plus de l’instruction morale et civique (qui remplace les cours d’éducation morale et religieuse), la loi du 28 mars 1882 en France met en place « pour les garçons des exercices militaires » (et « pour les filles, les travaux à l’aiguille »)
Ces entraînements militaires scolaires trouvent un cadre dans les lois Jules Ferry votées en 1881-1882 sur l’école primaire gratuite et obligatoire où un esprit « revanchard » est entretenu par des leçons de morale et un patriotisme exacerbé.
Le décret du 6 juillet 1882 marque donc la naissance officielle des bataillons scolaires. Alors que le service militaire coûte cher à la Nation, l’idée que sa durée soit réduite, si les garçons sont déjà initiés à l’école, est une des raisons qui fait plier le Ministère de l’Instruction Publique, jusque-là réticente aux bataillons scolaires.
Les activités d’instruction militaire se déroulent le jeudi ou le dimanche, sous la direction d’un instructeur militaire et en accord avec le directeur de l’école. Par manque de moyens, c’est fréquemment un instituteur qui joue le rôle d’instructeur militaire, mais sa compétence est limitée puisque lui-même a été souvent exempté du service militaire.
Des accessoires sont distribués et achetés pour l’équipement des enfants : uniformes et fusils en bois. Chaque bataillon est constitué de la réunion de 5 compagnies de 50 enfants, recrutés dans plusieurs écoles. Un drapeau est attribué par le ministre de la Guerre à chaque bataillon, c’est l’école qui est la mieux notée aux exercices qui en a la garde. Les exercices de tir à balles réelles sont encadrés pour les élèves ayant atteint 14 ans.
D’autres activités sont l’apprentissage de chants patriotiques et la formation aux défilés. Les bataillons scolaires participent au défilé militaire du 14 juillet.
Si au départ la population accueille ces exercices avec bienveillance (1886, enregistre les effectifs les plus élevés avec 146 bataillons soit 43 326 élèves incorporés), rapidement l’engouement semble passé, les critiques se font de plus en plus virulentes au sein du corps enseignant et les dépenses engendrées par les bataillons grèvent le budget des communes.
Les milieux catholiques ne soutiennent pas l’activité des bataillons scolaires, arguant qu’ils retiennent les enfants le dimanche et rendent plus difficile leur instruction religieuse. Ils n’acceptent pas la concurrence que leur font les bataillons scolaires auprès de la jeunesse.
L’armée est, elle aussi, malgré son implication, de plus en plus réticente, s’inquiétant du délai qui sépare le bataillon scolaire du service militaire et évaluant l’instruction, donnée par des cadres souvent inexpérimentés, à un niveau laissant à désirer.
L’activité des bataillons scolaires cesse progressivement entre 1890 et 1893.
Mutation et héritage
La période 1894-1910 voit le déclin de l’enseignement des exercices militaires au profit de la gymnastique d’un côté, de nombreux bataillons scolaires se muent alors en associations qui renforcent l’Union des sociétés de gymnastique de France (USGF) fondée le 28 septembre 1873 et du tir scolaire de l’autre (qui bénéficie aux différentes associations de tir qui se sont constituées durant ces années) qui prévoit un enseignement théorique (connaissance des armes, la visée, les projectiles), le maniement et l’entretien du fusil (montage, démontage) et qui permet aux enfants à partir de 14 ans de pouvoir s’exercer au tir réel.
Le développement du tir dans de nombreuses écoles communales de garçons est assuré par l’arrêté du 27 juillet 1893 qui abaisse l’âge des exercices de tirs à 10 ans et les encadre dans les programmes scolaires. Afin de favoriser la création des sociétés scolaires, il est organisé le premier championnat national de tir scolaire en 1896 sous l’égide de l’Union des Sociétés de Tir de France et du ministère de l’Instruction publique. Une circulaire ministérielle du 26 avril 1907 sur l’enseignement incite les instituteurs à la formation de sociétés scolaires et post-scolaires de tir. Ces dernières doivent permettre d’assurer une continuité de l’entraînement des futurs conscrits avant leur incorporation dans l’armée. L’enseignement patriotique et militaire dans ces institutions s’étend à la fois sur le temps scolaire et post-scolaire.
Au début du XXe siècle, sous l’instigation du gouvernement français, une Union des sociétés d’éducation physique et de préparation au service militaire est créée. Cette Union vise à rassembler sous son égide toutes les sociétés agréées de gymnastique et de tir de France. Cette union sportive était donc une préparation à la guerre en temps de paix, préparation largement financée par les ministères de la Guerre, les associations patriotiques et les autorités locales, loin de l’esprit que le baron Pierre de Coubertin voulait insuffler aux sports et au modèle des jeux olympiques.
Ce concept fut emporté par les bouleversements de la seconde guerre mondiale au profit de fédérations sportives beaucoup plus neutre et dont ils nous restent certaines associations polyvalentes centenaires pratiquant encore la gymnastique et parfois le tir ayant pour nom de : la Jeune Garde, l’avant-garde, L’Étendard, la Fraternelle, la Vaillante, la Patriote, l’Espérance, la Vigilante, l’Alerte, la Victorieuse, la Glorieuse…
Sociétés de préparation militaire
Succédant aux bataillons scolaires théoriquement obligatoires, des organismes locaux s’efforcent avant 1914 de préparer les jeunes gens au service militaire, c’est la future Préparation Militaire que l’on peut toujours suivre actuellement dans un régiment. Elles ont des noms variés : société de tir, société ou association gymnique, jeunes chasseurs, etc. Leurs fondateurs sont des officiers retraités ou de réserve, des instituteurs patriotes, des prêtres sportifs, etc. On s’y entraîne au tir, on prépare revues et défilés, on lit le manuel d’infanterie et on fait du sport.
Progressivement le Ministère de la Guerre encadre ces sociétés et procède à l’agrément des plus sérieuses, ainsi un sous-officier venu d’une caserne voisine y enseigne l’utilisation du fusil Lebel, etc. Il y a environ 4 000 sociétés de Préparation Militaire, réunis en Union nationale, en 1910.
Scoutisme et préparation militaire
Le scoutisme qui naît en France dans ces années se distingue alors mal de ces sociétés, mais ses membres sont plus jeunes et, d’origine souvent bourgeoise, ils ne songent guère à devenir caporaux, mais plutôt officiers de réserve. Néanmoins, les éclaireurs défilent martialement au pas cadencé, le bâton sur l’épaule tient lieu de fusil. Bien des aspects du Campisme (que l’on peut définir comme la « science du camp ») d’alors évoquent le service en campagne ou les manœuvres et l’initiative laissée aux jeunes est généralement très réduite. Du reste, le scoutisme a des instructeurs venus du « bataillon de Joinville » (école normale militaire de gymnastique et d’escrime qui forme les gymnastes régimentaires. Plus tard, elle contribue à former les sportifs français participant aux Jeux olympiques) et pratique l’hébertisme. Des officiers comme le Commandant Royet font la jonction. C’est lui qui traduisit ou adapta le Scouting for Boys de Baden Powell d’une façon très personnelle en 1912, puis devint en 1913 Conseiller Technique des Éclaireurs de France.
Il faut attendre 1920-1921 pour que les tenants d’un scoutisme envisagé comme simple variante de la Préparation Militaire soient minoritaires, mais bien des unités tant chez les Éclaireurs de France que chez les Scouts de France en garderont une partie de l’esprit.