L’éducation populaire en France
Historiquement en France, l’éducation populaire est un courant de pensée dont l’ont fait communément remonter l’origine au XVIIIᵉ, à l’époque des Lumières, dans un contexte de lutte contre l’obscurantisme et l’emprise de l’Église catholique, où se diffuse l’idée de la nécessité d’une éducation de tous. Ce sont les prémices de l’idée d’éducation d’action directe.
Durant le XIXe et surtout le XXe siècle, l’éducation populaire s’est d’abord organisée autour de trois grands courants idéologiques : le christianisme social, les mouvements laïques, et enfin le mouvement ouvrier. Elle participe aussi à l’essor des mouvements de jeunesse et des mouvements sportifs qui lui sont généralement associés.
Avec l’arrivée du Front populaire, c’est l’époque des premiers congés payés, des premières vacances et la semaine de 40 heures ; les mouvements de culture ouvrière et d’éducation populaire sont relancés, notamment grâce à l’action de Léo Lagrange, sous-secrétaire d’État aux Sports et à l’organisation des Loisirs dans le gouvernement Blum. C’est la première fois que ce ministère existe au gouvernement. C’est pour certains un mouvement de l’histoire qui fait passer l’éducation populaire de son lieu d’émergence (lié au mouvement social, comme groupe social conflictuel) vers l’appareil d’État, comme un groupe qui contribue à l’élaboration des politiques publiques de l’État.
Les non-conformistes des années 30, inspirés par la philosophie du personnalisme d’Emmanuel Mounier vont se trouver à la fois dans la collaboration au travers de l’école des cadres d’Uriage, dans les mouvements de Résistance et dans le gouvernement de l’Algérie libérée de 1942. Ils vont faire le lien entre les gaullistes et une partie des acteurs de la révolution nationale. L’enfance inadaptée et l’éducation populaire sont, comme bien d’autres secteurs de la politique sociale du Gouvernement provisoire, marqués par cet héritage en partie transformé de Vichy (Revue Esprit, les mouvements de jeunesse, octobre 1945).
Sous la Vᵉ République, le contexte économique et social changeant, on peut diviser en deux périodes :
La première, les années 50 et 60 : une marche rapide vers la modernisation et l’expansion économique des Trente Glorieuses, qui avec l’arrivée de la Cinquième République provoque des modifications importantes :
André Malraux, ministre d’État du général De Gaulle et le tout 1er ministre de la Culture, à son initiative, sont créées les maisons de la culture, structures d’accueil décentralisées pour la diffusion sur tout le territoire, et non plus seulement à Paris, de la culture savante, auprès du public le plus large, il souhaite ainsi démocratiser l’accès à la Culture (musée, musique classique, opéra…) Le Parti communiste (PCF) à cette époque ira dans le même sens en revendiquant le 1 % du Budget de l’État à la culture….
La jeunesse est séparée de l’éducation nationale et est confiée à Maurice Herzog, la culture s’émancipe également sous la tutelle d’André Malraux. Ce qui a pour effet par exemple que la pratique du théâtre amateur restée une pratique d’éducation populaire et donc dépendant de la jeunesse, alors que le reste du théâtre passe à la Culture avec Malraux. On a ainsi un théâtre de création subventionné, car professionnel, et un théâtre non subventionné, parce qu’amateur. Mais cet amateurisme est-il pour autant moins créatif, moins Culturel ? C’est le débat qui est repris de manière plus large au travers de l’ouvrage de Pierre Bourdieu « La Distinction, critique sociale du jugement ». Le clivage passe entre culture populaire et La Culture (culture qualifiée d’élitiste ou d’avant-garde). La culture étant un capital qui permet la différenciation entre classes sociales. De ce fait, la culture est un des champs de la lutte pour la distinction qui transforme des différences très faibles en différences radicales puisque hiérarchisées. 1968 exprime la critique de la culture élitiste. Le 25 mai, les directeurs des maisons de la culture publient la Déclaration de Villeurbanne, déclaration élaborée avec l’aide de Francis Jeanson. La culture n’est pas qu’un simple projet de diffusion culturelle, elle doit s’adresser au non-public (c’est-à-dire le public populaire non touché par la simple diffusion).
La seconde après 1973 : la crise pétrolière marque la rupture avec une montée constante du chômage et le phénomène de la nouvelle pauvreté. L’animation socio-culturelle va être une double réponse à ce phénomène, comme outil d’une politique d’action sociale de l’État en direction du public des chômeurs et en faveur des habitants des quartiers de relégation – Politique de la ville – qui sont souvent les mêmes. Comme secteur économique, les équipements se multiplient, le travail social et l’animation se professionnalisent massivement et se détachent de l’éducation populaire.
Longtemps placée sous la tutelle du ministère de la Jeunesse et des sports, elle est aujourd’hui passée sous celle du ministère de l’Éducation Nationale.
En Belgique francophone, l’éducation populaire est fréquemment désignée par le terme éducation permanente, et ne doit être pas confondu avec la formation professionnelle continue.
Traditionnellement, l’éducation populaire cherche principalement à promouvoir, en dehors des structures traditionnelles d’enseignement et des systèmes éducatifs institutionnels, une éducation visant l’amélioration du système social. Elle est devancière des concepts modernes issus du ministère de la Culture « culture pour tous » et « hors les murs ».
Idéologiquement, l’éducation populaire ne peut donc pas être une éducation d’État, même si elle a été placée progressivement sous tutelle par ce dernier, elle peut néanmoins lui être complémentaire.
Rapidement, l’éducation populaire dont les champs d’action sont extrêmement vastes, à vue graduellement des structures se spécialiser dans différents domaines comme l’éducation, la formation, le social, la jeunesse, le temps libre … à titre d’exemple, on peut citer : l’animation socioculturelle ; le planning familial ; le soutien social catégoriel (aux familles, au monde rural, aux ouvriers, aux jeunes en difficulté) ; les mouvements de jeunesse ; les auberges de jeunesse ; les maisons des jeunes et de la culture ; les Universités Populaires… sans oublier la mise en place de diplômes spécifiques professionnels ou bénévoles nécessaire à l’encadrement comme le BPJEPS* ou encore le célèbre BAFA**.
*Brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport
**Brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur
Structurellement, l’éducation populaire ne peut pas être seulement l’accès à la culture et aux loisirs, car elle doit servir également à l’épanouissement de la citoyenneté, à l’éducation et à la formation tout au long de la vie. L’éducation populaire ne peut se réduire par ailleurs à un service d’animation socioculturelle, même si c’est un domaine d’investissement important d’éducation populaire, parce qu’elle vise à l’éducation et l’éveil de l’ensemble de la population dans toutes les disciplines et les domaines existants.