Le principe de base de la crêpe est, en soi, assez universel et ancien. Dans beaucoup de cultures du monde, on retrouve une sorte de galette fabriquée avec des céréales et garnie de sucré ou de salé : le crumpet au Royaume-Uni, le msemmen au Maghreb, la tortilla au Mexique, le blini en Russie, l’injera en Éthiopie…
En France et en Belgique
Sucrées ou salées, les crêpes sont traditionnellement consommées chaudes accompagnées de beurre. La garniture la plus fréquente des crêpes dites « salées » est constituée de fromage râpé, de jambon, d’un œuf et elle est dite « complète » lorsqu’on y retrouve les trois ingrédients simultanément. Pour les crêpes dites « sucrées », les ingrédients couramment utilisés sont : le beurre, le sucre, le chocolat, le nutella, la confiture, le miel, le caramel au beurre salé, le citron, la crème de marron, etc. On cuisine également des crêpes dans les Hauts-de-France et en Alsace, en incorporant de la bière dans la pâte, ce qui améliorait sa dégustation. La couquebaque ou pannecouque est une grosse crêpe épaisse traditionnelle des Flandres françaises et de l’Artois.
La ficelle picarde est une crêpe garnie de jambon de Paris, de champignons de Paris en duxelles, d’échalotes, d’oignons, de crème fraîche, de noix de muscade et de gruyère râpé puis cuite au four.
La crêpe normande est une crêpe épaisse qui accueille dans sa pâte dorée par la cuisson au beurre des rondelles de pommes caramélisées, macérées dans du calvados ou flambées.
En Berry et en Bourbonnais, le « sanciau » ou « chanciau » une sorte de beignet fait de farine, de miel et d’huile, parfois présenté comme une omelette grossière mélangée de mie de pain. Aujourd’hui, c’est généralement une grosse crêpe, souvent couverte de pommes. En Bourbonnais, le « sanciau », est préparé à partir d’un généreux roussi d’oignons, sur lesquels on verse la pâte à crêpe. On les trouve également en Nivernais additionné de lard (et de temps en temps de pomme de terre) sous le nom de « sauciaux » ou de « grapiaux » et de « crapiaux du Morvan ».
Les crêpes Suzette sont un grand classique de la cuisine française inventée par Auguste Escoffier. Elles sont préparées avec un « beurre Suzette » (beurre fondu et mélangé avec du sucre, du Grand Marnier, de l’orange et du citron). Elles peuvent ensuite être flambées au Grand Marnier, mais cette dernière étape est sujette à controverse entre partisans et opposants du flambage de la crêpe. Elles devraient leur nom à l’actrice française Suzanne Reichenberg (1853-1924).
Le vôte ou vaute ou encore voûte est un plat généralement sucré lorrain, ardenno-champenois et belge à base de pâte liquide ou mi-épaisse qui suivant les régions correspond à la crêpe, bien que plus épaisse que la crêpe Suzette, ou au pancake fourré de fruits. Le terme lorrain patoisant tend à disparaître, on entend aujourd’hui essentiellement le terme « beignet » ou « crêpe ».
La crêpe de froment en Belgique francophone porte le nom de vôte ou reston en Wallonie ; elle peut être accompagnée de sucre, de confiture, de sirop, de chocolat à tartiner ou être garnie de lard ou de saucisse. Fabriquée à base de sarrasin et de raisins de Corinthe ou de rondelles de pomme, avec parfois ajout de bière, c’est la vôte liégeoise ou bouquette qui se mange chaude, saupoudrée de sucre ou froide avec du sirop de Liège.
Allemagne
À l’instar des pancakes, les Pfannkuchen signifie littéralement en allemand « gâteau cuit à la poêle » : de « Pfanne » signifiant poêle et de « Kuchen » gâteau.
À Berlin, dans le Brandebourg et en Saxe, où les Pfannkuchen désigne des pâtisseries berlinoises (sorte de beignet d’origine austro-allemande, fourré à la confiture, à la crème pâtissière ou au chocolat, recouvert de sucre), tandis que les crêpes sont connues sous le nom d’Eierkuchen.
Contrairement aux « französischen Crêpes » (faisant référence à une crêpe large et plate), les Pfannkuchen sont des crêpes plutôt épaisses, assez proche des pancakes américains, bien que l’utilisation de levure soit rare.
Les Pfannkuchen se dégustent généralement avec des garnitures sucrées et, parfois, salées.
L’Apfelküchle, originaire du Bade-Wurtemberg, est un beignet aux pommes, saupoudré de sucre et de cannelle.
La Kaiserschmarrn ou Kaiserschmarren (Császármorzsa en hongrois, Císařský trhanec en tchèque) est une spécialité des régions de l’ancienne Autriche-Hongrie et de la Bavière. C’est une crêpe épaisse (1 à 2 cm) dont la pâte est constituée de farine, de lait, des œufs dont les blancs ont été battus en neige et dans laquelle on incorpore des fruits secs ou de noix et habituellement découpé en morceaux à l’aide d’une spatule en bois puis saupoudré de sucre en poudre caramélisé et servi avec une sauce aux fruits.
Autriche, République tchèque et Roumanie, Slovaquie et ex-Yougoslavie
En Autriche, en République tchèque et en Slovaquie, les crêpes sont appelées respectivement palatschinke, palačinka et palacinka (pluriel : palatschinken, palačinky et palacinky). Le kaiserschmarrn est une crêpe autrichienne composée de raisins secs, d’amandes, de confiture de pomme ou de petits morceaux de pomme, coupée en morceaux, et saupoudrée de sucre en poudre. En Roumanie, on les appelle clătită (pluriel : clătite).
Dans les pays de l’ex-Yougoslavie, on les appelle palačinka (pluriel : palačinke). Dans ces langues, le mot dérive du latin placenta, signifiant « gâteau ». Ces crêpes sont fines et fourrées de confiture d’abricots, de prunes, d’airelles, de pommes ou de fraises, de sauce au chocolat ou de pâte à tartiner aux noisettes. Les garnitures Eurokrem, Nutella et Lino-Lada sont les préférées des jeunes. Une version traditionnelle consiste à remplir des crêpes avec du fromage, à verser du yaourt dessus, puis à les cuire au four.
L’Europe de l’Est
Les cuisines slaves orientales ont une longue tradition de la préparation et de variété de pancake. En Biélorussie, en Russie et en Ukraine, les pancakes peuvent être des plats de petit-déjeuner, des entrées, des plats principaux ou des desserts.
Les blinis (russe) ou mlynci (ukrainien) sont de fines crêpes, un peu plus épaisses que les crêpes, à base de farine de blé ou de sarrasin, de beurre, d’œufs et de lait, avec de la levure ajoutée à la pâte. La préparation des blini/mlynci remonte aux traditions et aux fêtes païennes, qui se reflètent dans la « semaine des crêpes » d’aujourd’hui célébrée en hiver avant le Grand Carême. À l’époque pré-chrétienne, les blini et les mlynci étaient symboliquement considérés par les premiers peuples slaves comme un symbole du soleil, en raison de leur forme ronde.
Les blintzes (russe) sont de fines crêpes faites sans levure. Les blintz remplis sont également appelés nalysnyky (ukrainien), nalistniki ou nalesniki (russe). Une garniture comme de la confiture, des fruits, du fromage blanc ou du fromage cottage, des pommes de terre, de la viande hachée cuite ou du poulet, et même des champignons hachés, des germes de soja, du chou et des oignons, sont roulés ou enveloppés dans un blintz pré-frit, puis le blintz est légèrement frit, sauté ou cuit au four.
Traditionnellement, les Juifs ashkénazes, vivaient dans « la zone de résidence » (en russe : tchertá ossédlosti ; en yiddish : der tkhum-ha-moyshəv ; en hébreu : t’ẖum hammosháv), zone, créée par l’impératrice Catherine II de Russie, qui était la région ouest de l’Empire russe et qui correspondait aux territoires conquis à partir de 1791 au détriment de la république des Deux Nations (de Pologne et Lituanie) et de la principauté de Moldavie vassale de l’Empire ottoman, où les Juifs, enregistrés comme tels, étaient cantonnés jusqu’en février 1917 par le pouvoir impérial. Elle compte pour un quart de la partie européenne de l’Empire russe, incluait la plus grande partie de ce qui est à présent la Lituanie, la Biélorussie, la Pologne, la Moldavie, l’Ukraine et des parties dans l’Ouest de la Russie.
Les Juifs ashkénazes qui, avant 1945, vivaient dans l’ancienne « la zone de résidence » ont créé également des blintz, avec la principale différence de toujours utiliser une garniture au fromage casher avec pas de présure. La majorité des recettes sont sucrées et sont souvent servies avec des baies ou de la crème sure. Ces plats ressemblant à des crêpes étaient fréquemment servis pendant Chavouot (la Pentecôte juive). Aujourd’hui, la recette survit encore dans des endroits comme Israël et New York. Les latkes, galettes de pommes de terre avec des pommes de terre finement râpées ou râpées, peuvent être consommées dans le cadre de la célébration de Hanukkah (aussi appelée la Fête des Lumières).
Les petites crêpes épaisses sont appelées oladyi (russe) ou oladky (ukrainien). La pâte peut contenir divers ajouts, tels que des pommes et des raisins secs.
Il existe aussi un style de crêpe à base de quark (sorte de fromage blanc) appelé syrniki.
Le quark est peut-être ce que Tacite décrit dans Germania comme le lac concretum (« lait épais ») consommé par les peuples germaniques. Toutefois, cela pourrait également avoir désigné tout simplement le lait ou tout autre type de fromage frais ou de lait fermenté.
Au Québec et au Nouveau-Brunswick
La crêpe de farine blanchie ou de blé entier est un mets traditionnel très répandu. Dans leurs versions sucrées, elles sont généralement agrémentées de cassonade, de confiture ou de sirop d’érable. Avec les fèves au lard, le jambon, le lard et les produits de l’érable, elles forment le repas traditionnel consommé dans les cabanes à sucre au printemps. On trouve aussi des crêpes au homard. Ces crêpes sont habituellement trois fois plus épaisses que les crêpes françaises.
De nos jours, elles sont habituellement consommées avec des garnitures sucrées pour le déjeuner (repas du matin) et avec des garnitures salées pour les autres repas.
Les crêpes hors Europe
Si au Canada, particulièrement dans les régions francophones, les crêpes et les galettes sont depuis longtemps des aliments traditionnels, elle est également populaire depuis longtemps au Japon et en Asie du sud-est, avec des variétés sucrées et salées vendues dans de nombreux petits stands de rue, généralement appelés crêperies.
En Argentine et en Uruguay, on les appelle panqueques et on les mange souvent avec de la confiture de lait. Au Mexique, les crêpes sont connues sous le nom de crepas et ont été introduites au XIXᵉ siècle par les Français et sont habituellement servies soit comme dessert sucré lorsqu’elles sont remplies de cajeta (similaire à la confiture de lait), soit comme plat salé, lorsqu’il est rempli de Huitlacoche (charbon de maïs), qui est considéré comme un mets délicat.
Les Crêpes Harajuku
Au Japon, les crêpes étaient à l’origine servies comme dessert comme dans la cuisine française et figuraient au menu du restaurant de l’Imperial Hotel en 1937. Dans les années 1960, elles étaient également vendues dans les grands magasins d’Osaka. En 1962, la créatrice de mode Namiko Mori lors d’une visite à Paris, est impressionnée par les crêpes qu’elle voit en ville. Elle en apprend la recette et ouvre une boutique après son retour au Japon. Les crêpes y étaient servies à la française, au sucre ou à la confiture et mesurent un accueil très mitigé. Mais c’est en 1977, qu’un certain Mizuki Ono ouvre une crêperie dans le quartier populaire d’Harajuku à Tokyo et propose des crêpes avec de la glace, de la crème fouettée et des fruits en tranches, s’inspirant directement du monaka, une pâtisserie traditionnelle japonaise à base de gaufrettes fourrées initialement aux haricots azuki sucrés, remplacés par de la confiture de sésame, de noisettes ou de la pâte de riz (mochi), puis dans les versions modernes avec de la crème glacée.
Cette crêpe japonaise dite « à la Harajuku » a connu un rapide succès et s’est propagée jusqu’en Chine et au Cambodge.