L’escalope milanaise (2/4)

L’escalope à la milanaise ou escalope milanaise ou côtelette à la milanaise (cotoletta alla milanese, en italien, co(s)toleta a la milanesa en lombard) est une spécialité culinaire des cuisines milanaise, lombarde et italienne, à base de côtelette ou d’escalope panée de viande de veau (variété de cotoletta traditionnellement prise dans le faux-filet). Elle est originaire de Milan, dont elle est un des emblèmes culinaires, avec les risottos à la milanaise, panettone et polenta. Elle est traditionnellement cuite au beurre, et généralement servie avec des légumes ou salade, avec éventuellement du jus de citron. En Italie, ce mets ne se sert pas avec des pâtes. En France, le morceau de veau est cuisiné et servi désossé.

L’origine

En Italie, l’art de paner les viandes remonterait à l’empire romain où les écrits du célèbre gastronome Apicius nous indiquent, que les Romains appréciaient les plats de viande en fines tranches, panées et frites.

On pense que l’origine de ce plat se situe dans l’Empire byzantin (Vicanizzo?), la recette ayant été apportée dans la péninsule ibérique par des commerçants arabes au Moyen Âge et plus tard en Italie.

Pourtant, la plus ancienne mention connue d’escalope dans la cuisine milanaise remonterait au plat de lombolos cum panitio (longes panées, en latin) contenu dans la liste des plats du déjeuner des chanoines mentionnés lors d’un banquet de 1134 pour le chanoine de la basilique Saint-Ambroise de Milan, une description rapportée par Pietro Verri, historien lombard du XVIIIᵉ siècle « poulets froids, crevettes au vin et charcuterie : dans le second, poulets entiers, veau au poivre et tortilla de lavezolo ; dans le troisième, poulets rôtis, longes panées et porcs entiers ». Sur la base de cette citation, la municipalité de Milan a attribué le 17 mars 2008 la « dénomination municipale » (De.Co.) à la costoletta milanaise.

Au XVᵉ siècle, les habitants de Venise montraient leur richesse en plaçant des grains d’or sur leur nourriture. Mais une loi municipale interdisant cette coutume les obligea à mettre de la chapelure au lieu de l’or.

Malgré tout cela, l’escalope panée est au centre d’une querelle académique entre la cuisine italienne, qui la considère précisément comme milanaise, et la cuisine autrichienne, selon laquelle elle n’est qu’une version de l’escalope à la viennoise (Wiener Schnitzel) préparée en Autriche vers le XIXᵉ siècle.

Peut-être que des versions de schnitzel antérieures à la milanaise existaient déjà en Autriche, mais farinées et non panées : c’est ce que suggèrent les notes en marge d’un rapport du maréchal autrichien Joseph Radetzky, qui rapporte des informations sur une escalope cuite à Milan qui est passée auparavant dans l’œuf, puis frite au beurre, et qui, contrairement à la viennoise, est panée. Selon la thèse italienne, le maréchal Radetzky aurait fait connaître à l’Empire d’Autriche cette recette découverte dans le royaume de Lombardie-Vénétie, dont il fut le gouverneur de 1848 à 1857.

Toutefois, dans son ouvrage culinaire « La Science du maître d’hôtel cuisinier » (1749) le savant gastronome français Joseph Menon évoque des côtelettes panées et frites, même si celles-ci sont marinées dans du beurre fondu, des clous de girofle et divers aromates. Cette recette serait arrivée à Milan lors des guerres napoléoniennes (1803-1815) sous le nom de « cotelette Rivoluzione francese » (côtelettes Révolution française). Sa version escalope parisienne est présentée à l’Exposition universelle de Paris de 1889.

La préparation

Traditionnellement, l’escalope est constituée d’une tranche de longe de veau sur l’os, panée et frite au beurre, qui est finalement versée sur l’escalope. Les versions modernes ont tendance à éviter cette dernière étape et à remplacer le beurre par des tranches de citron qui sont pressées par le convive une fois le plat servi.

La version traditionnelle, plus ancienne, dans laquelle la viande reste moelleuse et doit conserver une belle couleur rosée près de l’os, a été flanquée ces dernières années d’une version plus fine, sans os, où la viande est battue jusqu’à ce qu’elle soit très fine avant panure. La saveur de la viande est ainsi fortement atténuée par la prédominance de la croûte très croustillante. Cette version est appelée oreggia d’elefant en milanais ou orecchia d’elefante en italien (oreille d’éléphant), en raison de la forme caractéristique qu’elle prend.

Le parfum de la panure et le moelleux de la viande sont le secret de l’escalope milanaise. En dosant savamment la panure, en choisissant les ingrédients (par exemple, une mie de pain blanc rassis, mais pas vieux) et la température de la flamme, d’excellents résultats peuvent être obtenus. Une version récente de l’escalope, préparée surtout en saison estivale, consiste à la servir froide, recouverte de tomates coupées en fines tranches, et de roquette.

Les côtelettes de veau doivent être issues des cinq premières côtes, dans le carré de veau. Il faut conserver l’os pour un poids d’environ 350 g l’une. Elles peuvent être aplaties avec les mains pour obtenir une épaisseur de 2 à 3 cm ; la manière forte constitue à battre la viande avec un attendrisseur pour élargir la côtelette qui prend alors la forme d’une oreille d’éléphant. Le beurre clarifié, qui ne brûle pas à la cuisson, doit être privilégié. Le quartier de citron pour la rafraîchir est courant, mais est peu traditionnel. Des légumes ou de la salade verte sont servies en accompagnement, mais en aucun cas des frites ou des spaghetti comme en France.

Les variantes italiennes

Cotoletta alla Bolognese

La cotoletta alla bolognese d’Émilie-Romagne est enrichie, après la friture, de jambon de Parme (prosciutto di Parma) et de parmesan râpé, puis elle est revenue à la poêle avec du bouillon.

Cotoletta alla Palermitana

Dans cette spécialité sicilienne, la côtelette est badigeonnée à l’huile d’olive, recouverte d’une panure sans œuf, agrémentée de pecorini râpé et de persil haché, ensuite cuite au four ou grillée.

Cotoletta alla valtellinese

côtelette à la valteline, dans cette version, la viande est farinée puis cuite au beurre et à la sauge, et enfin mouillée avec du vin blanc.

Cotoletta alla valdostana

En français, Escalope (panée) à la valdôtaine, côte de veau à la valdôtaine ou côtelette à la valdôtaine, est plat typique de la Vallée d’Aoste, les tranches de veau sont farinées, ensuite enduites d’œufs battus puis de chapelure et frite à la poêle. Une fois bien dorées, les posées dans un plat adapté au four et le recouvrir de tranches de jambon cuit et de fromage fontina (fontine) et gratiner au four.

Cotoletta alla veneta

La côtelette vénitienne, où la viande est marinée pendant deux heures avant la cuisson dans de l’huile, du citron et de l’oignon. Une fois macérée, la tranche de veau est égouttée, puis trempée dans la farine et frite à la poêle.

Cotolette in carpione alla piemontese

Elle est une recette d’escalope pannée et marinée dans une préparation piémontaise appelée « carpione ».

Cette marinade assez ancienne est utilisée pour la viande, le poisson et les légumes. Elle est née en milieu rural avant la diffusion des réfrigérateurs, permettant une conservation des aliments plus longue que les autres types de cuisson, surtout en été. La marinade a aussi l’avantage de masquer le goût de vase qu’ont souvent les poissons d’eau douce comme la carpe (à qui l’on doit le nom de la préparation, Carpione signifiant « grosse carpe ») et la tanche. À partir du milieu paysan, cette façon de cuisiner s’est répandue parmi la bourgeoisie par l’intermédiaire des femmes de la campagne qui servaient dans les familles urbaines plus aisées.

La marinade s’obtient en préparant un sauté d’oignons parfumés à la sauge, au laurier, éventuellement à d’autres herbes médicinales, et au poivre. Lorsque les oignons sont ramollis, on ajoute du vinaigre et on laisse mijoter le tout. Le poisson ou la viande, préparés séparément, sont farinés, frits et coupés en morceaux. Une fois refroidie, la marinade est mise à macérer au réfrigérateur (au frais) pendant au moins quelques heures, plutôt une journée entière.

La Ljubljanska

Ou la cotoletta alla triestina est une recette de la province du Frioul-Vénétie Julienne, hérité de l’empire austro-hongrois. Elle est une version enrichie de la « Wiener Schnitzel », originaire de la ville Koper en Slovénie et préparé en l’honneur de la visite du prince Ferdinand d’Autriche, le futur empereur Ferdinand I.

La recette était destinée à représenter un hommage à tout l’empire austro-hongrois en combinant différentes spécialités, le Wiener Schnitzel autrichien, le jambon de Prague et du fromage hongrois. Le nom Lubljanska dérive de la ville de Ljubljana, la principale ville Slovénie, dans le but d’ajouter un élément slave à la recette. Plus tard, la recette s’est répandue parmi la population slovène de Trieste et ses environs ainsi que dans la région du Littoral slovène.

La Ljubljanska se compose de deux tranches de veau ou de longe de porc (ou d’une seule tranche plus grande pliée en livre), farcies de jambon cuit et de fromage fondu, puis panées et frites. Elle est servie avec du sel, du poivre, un quartier de citron et une sauce tartare slovène (comme la classique, mais plus salée).

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